Régionales: la gauche unie dans les Hauts-de-France, laboratoire ou exception?
POLITIQUE - Une journée à marquer d’une pierre rose, rouge et verte: les principaux partis de gauche ont acté leur union au premier tour des élections régionales dans les Haut-de-France. Insoumis, socialistes et communistes vont donc se ranger...
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POLITIQUE - Une journée à marquer d’une pierre rose, rouge et verte: les principaux partis de gauche ont acté leur union au premier tour des élections régionales dans les Haut-de-France. Insoumis, socialistes et communistes vont donc se ranger derrière la candidature de l’eurodéputée écolo Karima Delli, dans une alliance à l’ampleur inédite pour une élection majeure.
“C’est fort de nos valeurs communes et conscients de nos différences que nous faisons union pour la justice sociale et climatique, union pour la défense du service public et de l’emploi, union pour la transition écologique et la réinvention de notre modèle industriel, union pour la refondation de notre modèle démocratique”, écrivent les quatre formations dans un communiqué commun publié ce jeudi 11 mars. Le premier d’une longue série... jusqu’à l’élection présidentielle?
Ce cas de figure local ne manquera pas de raviver les espoirs des partisans d’une gauche unie pour 2022. Mais est-ce un premier pas? Sur le plan symbolique, sans doute, mais pour le reste, le chemin est encore très long. Ne serait-ce que pour ces élections régionales.
Contexte local périlleux
L’alliance dans les Hauts-de-France fait aujourd’hui figure d’exception. Plus ou moins surprise, décidée quelques jours après une première entente entre Insoumis et Écolo, cette large union semble avant tout dictée par un contexte local périlleux pour la gauche, absente de l’hémicycle régional depuis 2015. La liste socialiste, la seule capable de se maintenir au second tour dans une triangulaire avec la droite et l’extrême droite, s’était retirée au profit de Xavier Bertrand pour faire barrage à Marine Le Pen.
Depuis, l’ancien ministre de la Santé, règne en maître sur la région, au point de nourrir des ambitions présidentielles, tandis que la gauche locale mange son pain noir. Et la tendance n’était pas franchement glorieuse pour ces différentes formations, à l’approche du nouveau scrutin. Selon un sondage Ifop, réalisé en novembre 2020, insoumis, socialistes et écolos n’auraient pas dépassé la barre des 10% en cas de candidatures dispersées, oscillant entre 3,5% des intentions de vote pour les premiers et 9 pour les derniers loin derrière Xavier Bertrand et le candidat du Rassemblement national Sébastien Chenu.
De quoi encourager l’idée d’une candidature unique, sans avoir à “sacrifier” de sortants, pour ”éviter la répétition de 2015″, selon les mots de Fabien Roussel, le patron des communistes un temps pressenti pour mener une alliance PS-PCF-LFI. “Cette décision peut changer la donne”, confirme Frédéric Dabi, le directeur général adjoint de l’institut de sondage l’Ifop, avec un bémol: “mais attention, les élections, ce n’est pas de l’arithmétique et l’intention de vote de chaque candidat ne s’additionneront pas forcément complètement.”
“Comment expliquer que des gens se regardent, jouent à cache-chache”
“Il n’en reste pas moins que ça va booster la gauche et la placer en meilleure position dans la perspective du second tour”, ajoute-t-il. Malgré tout, hors des Hauts-de-France, où les enjeux ne sont pas toujours aussi forts pour la gauche, cette stratégie de l’union peine encore à prendre... en dépit des appels des uns et des autres.
″À un moment, on ne peut pas rester des enfants toute notre vie, à un moment on doit être adulte, responsable”, et agir “pour que les choses ne se passent pas comme on le craint”, s’agaçait par exemple le premier secrétaire du PS Olivier Faure ce mercredi sur BFMTV et RMC en ciblant les responsables locaux “qui se regardent, qui jouent à cache-cache” dans les régions où l’extrême droite est puissante.
“Je souhaite que dans les régions dans lesquelles il n’y a pas d’offre stabilisée nous puissions nous mettre d’accord (...), sans préalable à discuter avec nos partenaires”, ajoutait encore le socialiste, pour qui le parti peut si nécessaire se ranger derrière une tête de liste écologiste ou issue de la société civile. Car “comment pourrait-on expliquer qu’en Paca, où il y a une menace directe du Rassemblement national, on ait encore des gens qui se regardent, qui jouent à cache-cache. C’est pas possible”, a-t-il estimé.
Dans ces régions, Paca ou Auvergne-Rhône-Alpes, les tractations se poursuivent entre les différentes forces de gauche. Mais elles partiront, à coup sûr, en ordre dispersé dans nombreuses autres où le rapport de force leur est plus favorable, comme en Occitanie.
Une tendance générale qui vient confirmer que l’union de la gauche à la prochaine présidentielle n’est pas pour tout de suite, malgré la candidature commune dans les Hauts-de-France.
Du symbole à l’effet boule de neige?
Pour le politologue Bruno Cautrès, “c’est peut-être symboliquement que cet accord retient le plus l’attention, avec dans le même chapeau socialistes et insoumis.”“Historiquement l’union de la gauche a souvent été faite à partir de l’échelle locale. Par exemple, elle se fait aux municipales de 1971 puis aux législatives de 1973″, explique-t-il à l’AFP.
Frédéric Dabi estime, lui aussi, que “psychologiquement c’est un coup fort car l’union est la première demande des électeurs de gauche et lors des derniers scrutins, la désunion était presque partout. “Si le soir du 13 juin, la gauche talonne Xavier Bertrand voire le devance, cela pourra avoir valeur d’exemple car cela montrera que la recette de la renaissance de la gauche passe par l’union”, nous dit-il.
Mais en attendant, chaque formation continue d’avancer dans son propre couloir pour 2022. Toujours sur BFMTV, Olivier Faure a réitéré son souhait que les socialistes se rangent derrière “le ou la meilleure d’entre nous”, y compris si ce candidat n’est pas issu du parti, critiquant au passage le secrétaire national d’EELV pour son inflexibilité. De leur côté, les écolos préparent une primaire et fourbissent leurs armes, tandis que même les communistes et les insoumis pourraient faire bande à part, contrairement aux deux dernières présidentielles.
Et paradoxalement, ce n’est pas l’alliance dans les Hauts-de-France qui viendra aplanir les tensions entre les deux. “Le rassemblement a failli se faire autour de ma candidature”, confie Fabien Roussel à Libération, “c’est le choix de LFI qui a fait basculer les choses. Ils ont préféré une tête de liste verte à une tête de liste communiste. En termes d’ADN, je pensais qu’ils étaient plus proches de nous mais c’est la vie politique qui impose ses choix.” Nul doute que le chef des communistes s’en souviendra au moment de faire savoir le sien pour 2022.
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