Rencontre avec Jungle, le duo anglais qui veut remettre la pop sous la boule à facettes
Symboles d’une scène londonienne toujours plus créative et hétéroclite, Josh Lloyd-Watson et Tom McFarland reviennent avec Loving In Stereo, un troisième album voué à provoquer euphorie et rapprochement des corps sur la piste de danse. L’occasion...
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
Symboles d’une scène londonienne toujours plus créative et hétéroclite, Josh Lloyd-Watson et Tom McFarland reviennent avec Loving In Stereo, un troisième album voué à provoquer euphorie et rapprochement des corps sur la piste de danse. L’occasion de discuter longuement avec un duo qui n’hésite pas à puiser dans les orchestrations seventies, la pop et les samples pour donner vie à une certaine idée du disco.
Concrètement, quelle histoire souhaitiez-vous expliquer avec Loving In Stereo ?
Josh : L’idée, avec ce troisième album, était de causer d’amour, d’espoir et d’affirmation positive. On voulait expliquer qu’il est possible de sortir de relever la tête à partir du moment où l’on croit en soi. Pour nous, c’est une volonté de rester positif, un rapport presque spirituel à la vie qui nous incite à nous découvrir nous-mêmes.
Tom : Sur le deuxième album, For Ever, on s’était sans doute posé trop de questions. Là, Loving In Stereo est une réaction, une envie de faire confiance à nos idées les plus spontanées.
Josh : Loving In Stereo a été réalisé ces deux dernières années, principalement avant la pandémie. Quand le confinement a été acté, ça nous a permis de prendre le temps et de travailler les chansons que nous voulions vraiment sur ce disque. On avait 200 ou 300 démos, comme c’est souvent le cas, alors on a fait en sorte de pouvoir coller toutes ces idées entre elles. Le but était de rassembler les morceaux qui nous faisaient ressentir quelque chose, à l’instinct.
On pourrait pourtant penser que l’expérience incite justement à se poser davantage de questions au moment d’entrer en studio…
Josh : Non, c’est vraiment le deuxième album qui était le plus délicat, dans le sens où il est arrivé après le succès du 1er. Là, tout était beaucoup plus rapide. Peut-être parce qu’on a davantage confiance en tout ce que l’on fait.
C’est facile pour un groupe comme Jungle de composer, produire et publier un nouvel album ?
Tom : Facile n’est peut-être pas le bon terme. Disons que c’est toujours un challenge, dans la mesure où on a toujours des idées et des mélodies complétement folles en tête qu’il est parfois impossible à traduire musicalement. On n’est pas toujours les mieux placés pour réaliser ce que l’on souhaite, mais tout l’intérêt est justement d’aller vers ces zones que l’on ne maitrise pas, de se mettre en danger avec des sons et des idées de production inédites.
Vous n’allez pas nous faire le coup du “c’est notre album préféré”, au moins ?
Tom : (Rires) Le truc, c’est que l’on n’avait pas d’objectif à nos débuts. À la base, on voulait simplement remplir la salle de notre quartier, à Shepherd’s Bush, poster des morceaux sur Internet et voir ce que ça pourrait donner. Depuis, on a obtenu des disques d’or et on a pu tourner dans le monde entier. C’est complétement fou, mais c’est aussi ce qui nous permet de jouir d’une liberté créative totalement folle. On sait désormais que notre musique peut toucher des gens de n’importe où, ne serait-ce que grâce au streaming. Inconsciemment, on s’autorise donc davantage de choses, on provoque l’authenticité, et ça donne des albums qui nous ressemblent amplement.
Josh : Pour résumer : oui, Loving In Stereo est notre album favori (rires).
Avec ses loyers exorbitants et son train de vie assez élevé, Londres semble être devenue une ville hostile pour les artistes…
Tom : Le truc, c’est que l’on a toujours vécu ici, c’est notre ville, on la porte dans notre ADN. On sait qu’il faut travailler plus dur pour y arriver, qu’il y a davantage de concurrence, que l’on a sans doute moins de temps pour se reposer sur nos acquis. Mais ce sont aussi tous ces éléments qui rendent la vie à Londres excitante. J’ai d’ailleurs l’impression que la scène londonienne a rarement été aussi excitante, aussi bien dans le rock que dans la soul ou l’électro. Ça foisonne de partout.
En parlant d’ADN : comment pourrait-on résumer celui de Jungle, dont les trois albums sont relativement différents sur le plan musical ?
Tom : Il se résume à notre association, à ce qu’il se passe lorsque Josh et moi sommes dans le studio, en train de composer. C’est à ce moment-là que l’ADN de Jungle prend forme, dans cet instant où Josh et moi cherchons à confronter nos envies, nos influences et nos attentes au sein d’une même mélodie.
À propos de vos morceaux : pourquoi avez-vous choisi Keep Moving en tant que 1er single ?
Josh : Pour nous, ce titre est précisément l’archétype du son de Jungle, il symbolise ce que l’on essaye de faire depuis des années. Il rappelle d’où on vient et vers où on souhaite aller. Toute notre musique est basée sur le groove, donc on a tendance à vouloir bouger en l’écoutant également. Ainsi, Keep Moving est morceau de dance music, mais pas dans le sens techno ou club. On a simplement voulu qu’il ait ce côté funky.
Le clip ose quelques clins d’œil à West Side Story. Est-ce à dire que vous avez pensé à Loving In Stereo comme une œuvre capable de réunir les gens autour de la piste de danse ?
Josh : L’idée de West Side Story, voire d’une comédie musicale en tant que telle, a toujours été intéressante pour nous, ne serait-ce que parce que la danse a toujours été une constante dans ce que nous faisons. À l’instar de ce que le football peut susciter, on a tendance à penser que la danse a cette capacité à rapprocher les gens d’une manière étrange. Elle paraît être fondamentale pour les êtres humains. Un peu comme si ce rythme interne, similaire à celui des battements du cœur, était précisément ce qui nous maintenait en vie et unissait réellement les gens.
“J’ai d’ailleurs l’impression que la scène londonienne a rarement été aussi excitante, aussi bien dans le rock que dans la soul ou l’électro” – Tom
Parlons à présent de Roméo, en featuring avec Bas, l’un des sommets de ce troisième album. Quelle est l’histoire derrière ce morceau ?
Tom : Bas est un gars hyper touchant. On l’a rencontré lors d’un festival à Coney Island. Il est venu dans notre loge, on a discuté, notamment de foot étant donné que c’est un grand fan du PSG, et on s’est dit au revoir. Plus tard, alors que nous étions dans les studios The Church (appartenant à Paul Epworth, ndlr), il nous a envoyé un SMS pour nous dire qu’il était à Londres et qu’il aimerait boire une bière avec nous. On l’a invité en studio, on a testé le morceau et ça a donné Roméo, un titre qui reflète l’ambition de Loving In Stereo : une musique créée en totale liberté et en toute spontanéité. Surtout, il a nous a donné envie de collaborer davantage, et de faire confiance à un morceau comme Goodbye My Love, que l’on a enregistré avec Priya Ragu et que l’on hésitait à inclure sur l’album.
D’un point de vue mélodique, c’est marrant que vous soyez encore intéressés par le sampling quand on sait que le hip-hop, du moins dans sa forme populaire, a clairement abandonné ce mode de production…
Tom : Le sample peut venir de n’importe où, d’un morceau de soul comme d’un Casio des années 1970. Quand on manipule une machine, on peut tomber sur une boucle préexistante qui donne envie de l’explorer. Ce n’est pas réservé au hip-hop, qui n’a jamais eu le monopole de ce processus de production. Dans les années 1960-1970, on trouvait déjà des artistes qui réutilisaient d’anciens morceaux de façon artisanale. Que dire également de Daft Punk Justice ou RJD2, qui ont élevé le sampling au rang d’art, avec des tubes devenus cultes ? On a la même ambition. On est d’ailleurs persuadé qu’il y a une véritable profondeur et une chaleur sonore que l’on ne retrouve pas dans la musique composée en numérique.
En parlant de Daft Punk : comment avez-vous pris leur volonté de se séparer ?
Tom : On ne peut que respecter. Ils ont écrit une grande part de la musique moderne, ont réussi à façonner un univers à part entière, avec un nom, un logo et des visuels clairement identifiés. C’est inspirant de voir deux personnes réussir à faire toujours passer leurs idées au 1er plan. J’avais pu assister à leur live à Londres en 2007, avec cette fameuse pyramide, et j’en suis encore choqué. Sans causer d’un disque comme Discovery, qui a défini une nouvelle façon d’envisager les musiques électroniques.
“Que dire également de Daft Punk Justice ou RJD2, qui ont élevé le sampling au rang d’art, avec des tubes devenus cultes ?“ – Tom
Votre point commun avec Daft Punk, période Random Access Memories, c’est d’avoir envisager ce troisième album comme une ode au disco. Selon vous, à quoi doit ressembler une bonne chanson disco ?
Josh : Le disco, c’est ce qui vous donne envie de bouger, donc une bonne chanson de disco est une mélodie avec un refrain qui séduit illico et incite à bouger sans en avoir réellement conscience. Il symbolise à la perfection ces morceaux qui, dès qu’ils sont diffusés, réunissent tout le monde sur la piste de danse.
On dit souvent qu’il est plus facile d’écrire une chanson triste. Dès lors, comment écrit-on un morceau dont le but est de faire danser les gens ?
Tom : En s’amusant, tout simplement. Si ça met l’ambiance dans le studio, c’est déjà bon signe. Ensuite, il faut se libérer du point de vue des paroles, ne pas tout intellectualiser et écouter les disques de Giorgio Moroder ou Donna Summer pour essayer d’atteindre le même niveau de coolitude.
Sur le plan visuel, vos pochettes sont toujours les mêmes, seules les couleurs changent. L’idée est de faire passer la musique au 1er plan ?
Tom : En partie, oui. Mais on souhaite aussi renouer avec ces discographies qui, dans les années 1970, donnaient envie d’entamer une collection. Parce que les codes visuels étaient très forts, et parce que les labels avaient une identité graphique très marquée, assez similaire d’un album à autre. C’est un peu comme si on créait différents chapitres d’un même projet.
Vous ne pensez-vous qu’une belle pochette, avec vos portraits ou de jolis paysages, puisse encourager les gens à acheter votre vinyle ?
Tom : Non, c’est un peu comme une voiture : une fois à l’intérieur de l’album, tu te fiches de savoir à quoi elle ressemble, tu apprécies simplement la sensation que tu ressens en la conduisant.
Propos recueillis par Maxime Delcourt
Album : Loving in Stereo (Caiola Records/Awal Recordings)