Rencontre : Erika de Casier, sensation douce-amère de la scène r’n’b

C’est avec une remarquable confiance que la jeune danoise d’origine portugaise signe son retour. Deux ans après l’intime Essentials, Erika de Casier – fraîchement signée chez le prestigieux label 4AD – sort ce vendredi 21 mai Sensational. En...

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C’est avec une remarquable confiance que la jeune danoise d’origine portugaise signe son retour. Deux ans après l’intime Essentials, Erika de Casier – fraîchement signée chez le prestigieux label 4AD – sort ce vendredi 21 mai Sensational. En forme de réponse douce-amère au pillowtalk de ses débuts, ce deuxième album mêle avec brio l’introversion caractéristique de l’artiste et une assurance aux tons acerbes. Rencontre.

Tout d’abord, comment se passe la promotion de l’album en distanciel ?

Erika de Casier – Sortir un disque dans ce contexte, c’est forcément un peu bizarre… Sans concert pour voir les gens écouter ma musique, ça semble un peu irréel, mais je reçois encore des messages de gens qui découvrent ma musique, comme lorsque j’ai sorti mon 1er album ! Ce côté-là me fait vraiment plaisir, et je ne me prends pas la tête pour le reste. J’essaye de faire en sorte que ça soit le plus naturel possible en dépit de la situation.

Ta signature chez 4AD n’a-t-elle pas un impact sur cette partie de ton travail ?

Pas vraiment, la seule différence c’est que j’ai désormais une équipe qui m’aide (rires). J’étais surprise que le label vienne vers moi. C’est un honneur de travailler avec eux, je suis super fan des Cocteau Twins ! Mais il n’y avait pas de plan maléfique derrière leur demande, ils sont juste arrivés en expliquant qu’ils aimaient bien ce que je faisais et qu’ils voulaient m’aider à continuer. Ils me laissent toute la liberté dont j’ai besoin. Mais au final, pour en revenir à la promotion, débattre de mon projet reste quelque chose d’un peu intime pour moi.

Tu causes justement d’intimité, est-elle le fil directeur de ta musique ?

C’est vrai que c’est quelque chose de récurrent dans ma musique comme dans mes paroles, et Essentials avait vraiment ce côté pillowtalk, un peu comme un journal intime… Mais je ne sais pas, l’écriture vient très naturellement, et ce que je dis correspond à ma façon de penser et de m’exprimer au quotidien. Parfois pour écrire, j’imagine une conversation avec quelqu’un que je connais… C’est peut-être de là que vient le côté intime, mais je ne le pense pas non plus tel quel, ce n’est pas un but en soi. Je me dis juste que j’aime cette douceur, alors c’est ce que j’essaye de transmettre !

Il y a pourtant aussi un côté piquant dans ce que tu expliques, particulièrement sur cet album…

C’est vrai. Enfin, je critiquais déjà certains comportements dans mon 1er album. Photo of You, par exemple, parlait du fait de prendre des gens en photos sans leur consentement… Mais je ne dirais pas que je suis piquante, peut-être simplement plus directe sur Sensational. L’idée était vraiment de prendre le contrepied du 1er album, focalisé sur ce que je ressentais, pour mettre en avant cette fois ce que je veux plutôt. Donc c’est sûr que le processus de production a été assez différent.

Comment as-tu réussi à incorporer ce virage abrupt à ta musique, qui reste toujours suave ?

Je pense que c’est le meilleur moyen de se faire comprendre : je ne veux pas crier mon ressentiment ou tomber dans la frustration, mais simplement mettre sur la table la façon dont je voudrais que les choses soient. Je veux simplement me faire comprendre et être prise au sérieux, l’enjeu n’a jamais été d’être méchante – et je ne pense d’ailleurs pas l’être ! Et puis, je trouve intéressant ce contraste entre la nature très douce de ma musique et celle de mon message qui pourrait presque brusquer… De toute façon, je ne conscientise rien. Très souvent, je lance un beat et commence à causer dessus avant de creuser.

Justement, ce n’est pas risqué pour toi de puiser autant dans quelque chose d’aussi personnel ?

(Rires.) C’est vrai qu’au début, je me demandais si j’oserais rendre tout ça public et me montrer aussi vulnérable. Je me disais que mon entourage allait aussi entendre tout ce que je explique… Mais je suis passée au-dessus de ça assez vite au final, la question ne se posait plus quand je me suis retrouvée avec l’album terminé. Je veux dire, ce sont des chansons…

Le r’n’b est aussi un genre idéal pour ce registre…

Oui ! Il y a ce côté épidermique, on peut faire beaucoup de métaphores mais au fond l’idée reste de dire : “Hey, c’est comme ça.” Et c’est quelque chose d’inspirant pour moi, dans la mesure où je ne suis pas toujours à l’aise pour exprimer ce genre de choses au quotidien. C’est l’opportunité que me donne ma musique, de dire des choses que je serais en temps normal trop polie ou timide pour dire.

Le fait est que ta musique sonne un peu “vintage”, ça rappelle forcément Janet Jackson, Sade ou D’Angelo alors que la scène r’n’b actuelle est portée par des artistes très arty comme FKA twigs ou Kelela. C’est quelque chose que tu voulais retrouver ?

Pas vraiment, sonner vintage n’est pas un but en soi. D’ailleurs, je pense que c’est aujourd’hui impossible de recréer le son des années 1980, et ce n’est pas ce que je cherche à faire. C’est simplement qu’il y a des choses où je suis à l’aise et c’est logiquement ce vers quoi je me dirige naturellement. Même si ça reste évidemment important de sortir de sa zone de confort pour se renouveler, alors j’essaye constamment d’évoluer entre ces deux démarches.

Notre critique de l’album est à retrouver dans notre prochain numéro, en kiosque le 2 juin.