Rodrigo Amarante publie un “Drama” folk et doux
“J’essaye de me découvrir à travers chacune de mes chansons, et j’espère qu’elles peuvent aussi refléter la vie de ceux·celles qui m’écoutent”, nous confesse-t-il. À 44 ans, Rodrigo Amarante livre seulement son second album solo, mais il est...
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“J’essaye de me découvrir à travers chacune de mes chansons, et j’espère qu’elles peuvent aussi refléter la vie de ceux·celles qui m’écoutent”, nous confesse-t-il. À 44 ans, Rodrigo Amarante livre seulement son second album solo, mais il est loin d’être novice. Pour faire court, on rappellera que ce natif de Rio de Janeiro a fait ses armes au sein du groupe de rock brésilien Los Hermanos et du big band Orquestra Imperial avant de s’acoquiner avec la clique de Devendra Banhart. À la fin des années 2000, le voilà parti en Californie, qui devient sa patrie d’adoption.
Il forme Little Joy avec Binki Shapiro et Fabrizio Moretti, le batteur des Strokes, le temps d’un album absolument charmant, puis se fait remarquer du grand public grâce à son titre Tuyo, choisi comme générique de la série de Netflix, Narcos. On reconnaît dans Drama la saveur sonore de son 1er LP, Cavalo, paru en 2013, ses cordes graciles, la saudade détournée en folk…
Autour de lui, des instrumentistes de haut vol
Drama, parce que, d’après le bouddhisme, la vie est une perpétuelle souffrance, mais qu’il faut se laisser surprendre par sa propre évolution, tout aussi perpétuelle. Et savoir s’en réjouir. Drama, pour un souvenir d’enfance mémorable : “On disait de moi que j’étais trop sensible, trop mignon. Les autres me houspillaient sans cesse, alors mon père m’a coupé les cheveux afin que j’aie l’air plus effrayant, moins vulnérable.”
Si Cavalo évoquait l’exil, il s’agit aujourd’hui d’“un nouveau chapitre” : “Il regarde au-delà de la personnalité que j’avais présentée avec mon 1er album”, analyse son auteur. Lequel explique la fin d’un amour, le début d’un autre qui s’esquisse dans des rêves ou sur une piste de danse, cultivant son langage habituel, jusqu’à l’autocitation volontaire.
“J’ai toujours écrit les mêmes chansons, mais sous un jour différent”, admet-il. Ainsi, Maré convoque le même personnage que Hourglass de Cavalo, The End se fait l’écho du morceau Cavalo, quand Amarante chante “To live is to fall” – “Fall in love, comme disent les Américains”, nous glisse-t-il.
Autour de lui, des instrumentistes de haut vol : Andres Renteria aux congas, Todd Dahlhoff à la basse, Paul Taylor à la batterie et, à la production, son ami de longue date Noah Georgeson (Bert Jansch, Joanna Newsom, Andy Shauf). C’est avec lui qu’il a terminé l’enregistrement, durant le confinement de 2020, sans qu’ils soient physiquement réunis dans la même pièce.
“Avec la pandémie, j’ai réalisé que le monde pouvait s’arrêter en une seconde”
Ce qui ne contredit nullement l’impression d’intimité que l’on entend dans la ballade vaporeuse de I Can’t Wait, les effluves amoureuses pastorales de Tanto, la bossa mélancolique de Tara ou les désillusions du socialement engagé Um Milhao : “Je suis triste et en colère face à la montée de la pensée fasciste, et pas seulement au Brésil”, regrette Amarante. Pour affronter la réalité, les formules du penseur britannique Alan Watts (auteur, entre autres, d’Éloge de l’insécurité), cité dans le morceau Tao.
“Avec la pandémie, j’ai réalisé que le monde pouvait s’arrêter en une seconde, et impacter l’essence de ma vie personnelle et artistique, commente Amarante. Alors qu’à l’origine je voulais être plus percussif, plus froid, plus épuré, j’ai compris pendant l’enregistrement que ce désir avait un lien avec cette coupe de cheveux qu’on m’avait imposée enfant. Et qu’il fallait, au contraire, entièrement embrasser le théâtre sentimental que je porte en moi.” La commedia dell’arte – et des cœurs – aura rarement été aussi sensible qu’ici.
Drama (Polyvinyl Records/Bigwax)