Rugby: après "l'épisode Covid", faut-il s'inquiéter pour les Français convalescents?

RUGBY - Quoi de mieux qu’un “crunch” pour revenir à la compétition? Après deux victoires convaincantes en Italie et en Irlande et un match repoussé face à l’Écosse, l’Équipe de France de rugby se déplace une troisième fois de suite, ce samedi...

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Le demi de mêlée du XV de France, Antoine Dupont, et le capitaine et troisième ligne, Charles Ollivon, lors d'un entraînement à Marcoussis, le 11 février 2021.

RUGBY - Quoi de mieux qu’un “crunch” pour revenir à la compétition? Après deux victoires convaincantes en Italie et en Irlande et un match repoussé face à l’Écosse, l’Équipe de France de rugby se déplace une troisième fois de suite, ce samedi 13 mars, dans sa quête d’une première victoire dans le Tournoi des 6 Nations depuis le “Grand Chelem” de 2010.

Cette fois, les Bleus ont rendez-vous à 17h45 avec leur meilleur ennemi, le XV de la Rose, dans “l’antre du rugby” à Twickenham. Une arène de 82.000 places, à huis clos à cause de la pandémie, où les Français n’ont plus gagné dans cette compétition depuis 2005.

Face à des Anglais, vainqueurs en 2020 et finalistes de la dernière Coupe du monde - mais moins en majesté ces derniers mois, à l’image de leurs défaites contre les Écossais et les Gallois -, les Français faisaient office de favoris. Mais le Covid-19 et un cluster de 16 personnes sont passés par là, perturbant la préparation et la marche en avant du XV de France.

Un week-end à Rome et un cluster à Marcoussis

Pas moins de 12 joueurs et 4 membres de l’encadrement, dont le sélectionneur Fabien Galthié, ont été testés positifs au Covid-19 entre le 16 et le 25 février. Dédouané depuis d’être “le patient 0”, l’entraîneur des Bleus avait été mis en cause pour être sorti de “la bulle sanitaire” afin d’aller assister à un match de son fils le 7 février. Certains joueurs ont, eux, été pointés du doigt pour avoir été aperçus dégustant des gaufres dans les rues de Rome avant le match en Italie.

“Maintenant, plus de sortie de l’hôtel: c’est ceinture et bretelles”Bernard Laporte, président de la Fédération française de rubgy (FFR)

Face aux critiques, le sujet est remonté jusqu’au gouvernement, poussant le ministre de l’Education et des Sports, Jean-Michel Blanquer, à convier le président de la Fédération française de rugby (FFR), Bernard Laporte, pour une “explication franche” au ministère le 5 mars. Mais rien qui ne mérite blâme, a finalement tranché le ministre, en s’appuyant sur un rapport d’enquête interne réalisé sur le foyer de contamination.

“Maintenant, plus de sortie de l’hôtel: c’est ceinture et bretelles”, a indiqué Bernard Laporte. “Jusqu’à la fin du Tournoi, deux personnes sont chargées de veiller au respect des règles au quotidien: le manager du XV de France, Raphaël Ibanez, et “un cadre d’État” qui n’est autre que le Directeur technique national (DTN) du rugby français, Didier Retière.

Retour des principaux cadres

Après trois semaines d’arrêt forcé et cette série de polémiques extra-sportives, les joueurs et leur staff ont retrouvé les pelouses, le dimanche 7 mars, au Centre national de rugby à Marcoussis. Ils ont donc eu six jours pour se remettre dans le bain et faire bonne figure lors de ce “crunch”, prouvant ainsi que la cascade de contaminations n’aura pas enraillé la dynamique sportive.

Car c’est là que réside la principale incertitude avant le coup d’envoi de la rencontre: les Français seront-ils en état de forme pour ce match capital? Parmi les 12 joueurs infectés, dont 8 titulaires lors des deux premiers matchs face à l’Italie et à l’Irlande, trois sont absents pour la rencontre.

Il s’agit du centre de Montpellier Arthur Vincent, du pilier droit de La Rochelle Uini Atonio, tous les deux “symptomatiques” ou “contagieux” au moment du rassemblement en fin de semaine dernière, et de l’ailier toulonnais Gabin Villière, testé positif puis indisponible pour le reste du Tournoi après s’être blessé à une main lors de son match de reprise avec son club de Toulon samedi dernier.

S’il est privé de trois joueurs, dont deux habituels titulaires, Fabien Galthié devrait néanmoins compter (sauf soucis de dernières minutes) sur les principaux cadres de son équipe. Il a décidé d’aligner une équipe composée de 7 anciens positifs au Covid-19: à commencer par le demi de mêlée, Antoine Dupont, meilleur joueur du tournoi en 2020, le capitaine de l’équipe et troisième ligne Charles Ollivon ou encore l’arrière Brice Dulin.

Également testés positifs, les deux piliers Cyril Baille et Mohamed Haouas ainsi que le talonneur Julien Marchand composeront la première ligne tricolore. En deuxième ligne, Bernard Le Roux, victime d’une élongation à une cuisse, est forfait. Il sera suppléé par Romain Taofifenua, un habituel remplaçant, lui aussi contaminé par le Covid-19.

Point rassurant, les trois internationaux du Stade toulousain, Antoine Dupont, Cyril Baille et Julien Marchand, remis à disposition de leur club après leur dépistage, ont repris l’entraînement individuel dès le 4 mars pour être parés pour les séances collectives à Marcoussis. Ils auront donc plus d’une semaine de préparation dans les jambes.

Faut-il néanmoins s’inquiéter de la condition physique des joueurs, alors qu’une partie des titulaires et sélectionnés n’a plus joué un match officiel depuis le 14 février et la victoire en Irlande? “Je ne pense pas, sincèrement, pour les joueurs que j’ai eus au téléphone”, avait tenté de rassurer Bernard Laporte devant la presse dès son entretien avec les ministres. “Au contraire, je sens beaucoup de détermination et (un sentiment) d’injustice de leur part”. 

Pendant cette “pause que l’on appellera épisode Covid, nous sommes restés très connectés avec les joueurs et le staff et nous avons été bien sûr très bien accompagnés par le personnel médical”, a assuré jeudi en conférence de presse Fabien Galthié, disant “entendre les critiques” mais expliquant avoir “respecté au mieux le protocole sanitaire” et que “le risque zéro n’existe pas”.  

Des sportifs très suivis et encadrés...

Le Covid-19 a-t-il laissé des traces dans les têtes et dans le corps? “Faites-nous confiance pour bien manager ce groupe France”, a répondu Raphaël Ibanez. “Ce groupe se construit, évolue et grandit avec des joueurs extrêmement enthousiastes et plein d’appétit et c’est ça surtout qui nous importe (...) Des joueurs aujourd’hui sont solides et ont envie de gagner, ils sont conquérants”, a assuré l’ancien talonneur international.

Les sportifs professionnels de haut niveau font l’objet d’un suivi médical, régulier et très encadré, au sein de leur club mais également en sélection. La reprise de l’entraînement ne peut se faire qu’après une batterie de tests médicaux et de performances, comme le prévoit le protocole édicté par la Ligue Nationale de Rugby (LNR), révisé une dizaine de fois depuis le début de l’épidémie. S’en suivent ensuite des séances physiques spécifiques, d’abord sans opposition et contact. Ces joueurs pros ont également l’habitude et l’expérience de ces phases de réathlétisation après blessure, maladie ou vacances.

Le guide de reprise du ministère des Sports, réalisée par la Société française de cardiologie (SFC), préconise cependant un retour “progressif de 4 à 6 semaines” avant de reprendre la compétition à haute intensité pour les professionnels testés positifs, laissant à penser que le retour à la compétition des joueurs de l’Équipe de France est précipité.

Mais tout dépend en réalité de leurs symptômes et de leur niveau d’activité physique pendant la phase d’isolement, comme le précisent d’ailleurs le guide et les préparateurs physiques. Depuis le début de l’épidémie, il y a désormais plus d’un an, de nombreux sportifs infectés par le Covid-19, comme Kylian Mbappé ou Rudy Gobert, ont repris la compétition sans nouveaux pépins physiques et sans impact sur leur niveau de jeu. Cela parfois seulement 15 jours après leur dépistage positif.

Plusieurs rugbymen, comme d’autres sportifs, ont cependant signalé des retours à l’entraînement difficiles. “Quand quelqu’un a l’habitude de s’entraîner deux ou trois fois par jour et qu’on doit ensuite rester enfermé et ne pas bouger du canapé, c’est sûr que la reprise, c’est très compliqué”, a notamment témoigné début mars l’ailier international argentin du Racing 92, Juan Imhoff, infecté en octobre avec “beaucoup de symptômes”.

Si la Fédération française de rugby (FFR) n’a pas souhaité communiquer sur les types et les degrés de symptômes connus en février par les différents joueurs infectés -sauf pour ceux écartés du groupe pour symptômes persistants-, “tous ces joueurs ont respecté au pied de la lettre les protocoles médicaux et sanitaires très lourds mis en place”, assure au HuffPost Isabelle Pellegrin, immunologiste au CHU de Bordeaux, qui est l’une des trois scientifiques du comité d’experts Covid-19 mis en place par la ligue, confirmant des batteries de tests cardiologiques dans leur club.

... Mais sous surveillance cardiaque

Car plusieurs médecins et des premières études scientifiques ont alerté sur de rares mais possibles conséquences cardiovasculaires à court et moyen terme et d’éventuels cas d’arythmies (qui affectent la fréquence cardiaque) ou de myocardites. Cette inflammation du tissu musculaire, qui permet au cœur de se contracter et de pomper le sang, fait suite le plus souvent à une infection virale et ne concerne pas spécifiquement le Covid-19.

Les sportifs en bonne santé et sans comorbidité apparente sont également touchés par ces anomalies cardiaques, comme l’a montré une étude publiée en novembre 2020 par une équipe de cardiologues de l’Université de Virginie-Occidentale aux États-Unis. Sur les 54 étudiants et athlètes suivis après avoir contracté le virus, “des preuves d’anomalies cardiaques ont été perçues chez plus d’un tiers d’entre eux”, expliquait alors le docteur Partho Sengupta, responsable de l’étude.

En France, William Wavrin, un joueur de rugby de 30 ans évoluant au Stade Montois en Pro D2, a contracté une myocardite après avoir eu le Covid-19 en octobre, avec “un peu de fatigue” mais sans gros symptômes. La maladie l’a tenu éloigné des terrains plus de 4 mois. Il vient tout juste de reprendre l’entraînement avec son club, les derniers examens médicaux confirmant qu’il n’avait plus aucune séquelle observable sur ses tissus musculaires.

Dans des très rares cas, cette infection pourrait même causer la mort subite chez les athlètes lors de la pratique sportive. En août 2020, la mort soudaine de Michael Ojo, basketteur américano-nigérian de 27 ans, lors d’un entraînement individuel en Serbie a questionné le monde du sport. Le basketteur avait été diagnostiqué positif au Covid-19 fin juin puis avait ressenti des “douleurs à la poitrine, de la toux et de la fièvre”. Le bureau du procureur de la ville a lancé une procédure.

Une étude plus vaste en cours à Bordeaux

Le sujet est au cœur d’une vaste étude lancée il y a un an par le CHU de Bordeaux. Elle concerne près de 1.000 sportifs de haut niveau, dont près de 800 rugbymen professionnels en contrat dans 20 clubs du Top 14 et de la Pro D2. Parmi eux, 200 ont été testés positifs au Covid-19. L’étude intègre également 70 étudiants en Staps -tous sports confondus et filles comprises- de l’Université de Bordeaux, ainsi que des membres du RAID plus âgés.

“Nous sommes en train de finaliser les résultats”, explique Isabelle Pellegrin qui co-dirige l’étude avec le cardiologue à la clinique du sport de Mérignac, Laurent Chevalier. “Nous avons réalisés près de 130 IRM haute résolution sur le cœur pour détecter les cicatrices de fibroses. Nous disposons également du suivi sérologique des sportifs suivis. Toutes ces données, une fois consolidées, nous permettrons d’avoir des premières indications robustes et de pouvoir commencer à pouvoir extrapoler à la population générale”.

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