“Sans jamais nous connaître” : Andrew Scott et Paul Mescal, amoureux solitaires entourés de fantômes
“Je t’ai toujours eu en tête, tu n’as jamais quitté mon esprit”, scande Neil Tennant, moitié des Pet Shop Boys, dans Always on My Mind, reprise d’Elvis qu’on entend à plusieurs reprises dans le nouveau film d’Andrew Haigh. Au cœur de ce tube...
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“Je t’ai toujours eu en tête, tu n’as jamais quitté mon esprit”, scande Neil Tennant, moitié des Pet Shop Boys, dans Always on My Mind, reprise d’Elvis qu’on entend à plusieurs reprises dans le nouveau film d’Andrew Haigh. Au cœur de ce tube de 1987 et de ce film de 2024, il y a la cristallisation de l’idée qu’on ne se sépare jamais vraiment des gens qu’on a aimés, idée mâtinée de deuil, de regret et de tentative de réparation. Adam (Andrew Scott, le hot priest de Fleabag) étire sa solitude aux derniers étages d’une tour de la City londonienne lorsque Harry (Paul Mescal, le sexy dad d’Aftersun) frappe à sa porte, avec une bouteille de whisky à la main et une impérieuse envie de contact.
Du seuil de la porte au sofa, leur histoire d’amour se déploie en miroir des visites qu’Adam effectue pour un projet de roman dans le pavillon de banlieue où il a grandi jusqu’à ce que ses parents ne meurent dans un accident de voiture. Visites, ou plutôt voyages dans le temps, puisque Adam y retrouve mère et père, interprété·es par Claire Foy, first Queen de The Crown, et Jamie Bell, star kid de Billy Elliot, dans un état figé qui précède de peu la catastrophe.
Inspiré du livre Présences d’un été de Taichi Yamada et doté d’un casting vraiment génial, Sans jamais nous connaître est donc un film de fantômes et de retour sur le chantier de l’enfance, un peu comme un improbable croisement entre Sixième Sens de Shyamalan et Peggy Sue s’est mariée de Coppola.
Et si ces fréquentations fantomatiques sont l’occasion d’une réparation, voire d’une émancipation (la possibilité de dire un coming out jamais prononcé, les excuses d’un père trop brutal), elles habitent le film à un niveau encore plus profond, qui touche autant à la façon très intime dont Andrew Haigh semble revisiter sa propre enfance (outre les Pet Shop Boys, la bande-son du film, tissée avec le récit, est peuplée d’autres titres new wave qu’il écoutait probablement adolescent, comme The Power of Love de Frankie Goes to Hollywood) qu’à un rapport ontologique au cinéma.
“Le cinéma est une fantomachie, un art de laisser revenir les fantômes”, dit Jacques Derrida à Pascale Ogier dans le film Ghost Dance (Ken McMullen, 1983). Andrew Haigh porte haut cette idée avec une mise en scène qui joue subtilement sur l’illusion et le fantastique, multiplie les diffractions de l’image à travers des vitres, des miroirs ou des jeux de lumière. Il y a dans le film une sublime utopie, celle du cinéma tout entier, de nous faire rencontrer des mort·es qui reviennent, vivant·es, sous nos yeux, de pouvoir les étreindre et vivre avec eux l’amour qu’on a toujours voulu avoir.
Sans jamais nous connaître est une croisière sur le Styx. Dans cet espace mental flotte pourtant plus un parfum exaltant qu’une odeur de décomposition. Et si le personnage principal semble frappé de la malédiction de n’aimer que des spectres, il semble aussi plus vivant que jamais, car affranchi des affres du temps. “C’était il y a longtemps”, se justifie Adam. “Ça n’a pas d’importance”, lui rétorque Harry.
Sans jamais nous connaître d’Andrew Haigh, avec Andrew Scott, Paul Mescal, Claire Foy, Jamie Bell (G.-B., 2024, 1 h 45). En salle le 14 février.