Sans nouveau contrat politique, les abstentionnistes ont raison de ne pas voter
La déliquescence du lien entre les Français et les politiques, dont la conséquence est directement l’abstention, n’est pas alarmante, pour bon nombre, elle est factuellement pleinement justifiée.La classe politique paye tout à la foi un certain...
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La déliquescence du lien entre les Français et les politiques, dont la conséquence est directement l’abstention, n’est pas alarmante, pour bon nombre, elle est factuellement pleinement justifiée.
La classe politique paye tout à la foi un certain nombre de ses erreurs, mais pâtit également de l’amalgame qui la lie aux commentateurs de ce milieu, au rang desquels, les politologues (plus ou moins autoproclamés, et dont la subjectivité des avis exprimés ne leur confère pas de facto un caractère pour autant plus ”éclairé”…).
Ceux qui portent la parole publique semblent devenus sourds et aveugles aux signes qui leur sont envoyés. En rejetant la responsabilité de l’abstention sur les Français, ils trahissent le mandat qui leur a été confié.
Pour beaucoup, l’explication de cette déliquescence trouve notamment sa racine dans l’infantilisation que nos dirigeants ne cessent de mettre en œuvre dans leurs rapports avec le Peuple français. C’est justement cette forme de condescendance qui les éloigne d’autant de ceux qu’ils ambitionnent de représenter et qui leur vaut, en retour, la défiance des électeurs.
Ils ne s’arrêtent pas là: certains y ajoutent les affaires, le mensonge, l’amateurisme, la mauvaise foi, des alliances incompréhensibles et l’absence chronique d’autocritique. Enfin, la mauvaise communication du Gouvernement offre à toutes les formes de complotismes un terreau fertile.
On a pu lire récemment sous la plume d’un politologue reconnu et pourtant réputé compétent que “L’abstention signifie l’inadaptation des Français à la vie politique”, c’est dire la déconnexion dont les commentateurs font la preuve! Que répondre? De changer de Peuple? Cela semble difficile. Il faut tout au contraire y voir l’inadaptation de nos dirigeants à notre monde qui a changé: nos concitoyens ne votent pas car ils se sentent, à juste titre, éloignés des décisions qui sont prises de façon illisible ou, dans le pire des cas, ne le sont pas toujours dans l’intérêt public.
Au-delà de cette phrase idiotement culpabilisante et infondée, je crois plutôt que c’est bien l’offre politique qui doit être questionnée et certainement pas les citoyens français qui feraient preuve d’une mystérieuse et soudaine inadaptation. Les derniers élus le sont avec 66% d’abstention, il est temps de se poser sérieusement la question de la mise en place d’un quorum qui, s’il n’est pas atteint, engagera les formations politiques à revoir leur copie pour le scrutin d’après. Il ne peut y avoir de démocratie effective sans représentativité.
Nos concitoyens ne votent pas car ils se sentent éloignés des décisions qui sont prises de façon illisible ou, dans le pire des cas, ne le sont pas toujours dans l’intérêt public.
Il est un fait difficilement discutable. Tout, dans les rapports qui régissent les interactions entre les Hommes, relève d’un contrat: contrat d’achat, contrat de travail, contrat d’assurance, contrat de franchise, contrat de location et même… contrat de mariage! Tout, sauf le lien entre un gouvernant et ses administrés, qui pourtant n’est rien d’autre qu’un contrat de mandat de représentation. Après s’être assuré de la probité de nos gouvernants, il conviendrait de s’intéresser sérieusement à la mise en place d’un système de gouvernement contractuel, où des résultats seraient attendus et exigés, à défaut de quoi, des sanctions seraient prises. Il ne serait pas inepte non plus de mettre en place un fichier national des élus condamnés, permettant d’éclairer les électeurs quant à la probité de ceux qui sollicitent leurs voix.
Que faire de cette multiplicité d’affaires qui se succèdent…? Comment ne pas voir qu’une réelle volonté politique pourrait aisément y mettre un terme? Il suffirait d’une (toute petite) Loi exigeant le retrait définitif de nos dirigeants lorsqu’ils se rendent coupables de délits touchant à la probité (et sont jugés comme tels), renforcée par le fait qu’ils devraient être tenus de rembourser, sur leur patrimoine personnel, le montant de leurs détournements ou de leurs tentatives de détournement.
Peut-être serait-il temps d’adresser à nos élites un message –pourtant simple– qui les oblige? Nombre des abstentionnistes semble exiger, en échange des extraordinaires privilèges que la République offre à nos dirigeants, que ces derniers fassent primer, en toute circonstance, l’intérêt public et non pas leurs intérêts particuliers. Une telle attente n’est-elle pas basiquement légitime?
Il est temps que nos élites cessent de mentir. Il est temps qu’elles décident une fois pour toutes de ne plus composer avec la réalité, a fortiori lorsque nos Libertés publiques sont durement menacées et atteintes comme c’est le cas actuellement.
Nos dirigeants, pour sortir de cette crise qui n’est pas “une crise démocratique”, comme on peut le lire, mais une crise de la représentativité, devraient se résoudre à cesser de mettre les citoyens français à distance de leurs arbitrages, et moins encore, devant le fait accompli. Ils verraient alors comme la France est talentueuse dans les idées qu’elle promeut et qu’elle met, au plan local, en œuvre. Ils devraient tout autant se résigner à donner du poids à leurs paroles, par des actes. Cesser ainsi de tout promettre, pour ne rien faire.
Ceux qui portent la parole publique semblent devenus sourds et aveugles aux signes qui leur sont envoyés. Pire, en rejetant la responsabilité de l’abstention sur les Français, ils trahissent de manière éhontée le mandat qui leur a été confié.
Tout, dans les rapports qui régissent les interactions entre les Hommes, relève d’un contrat. Tout, sauf le lien entre un gouvernant et ses administrés, qui pourtant n’est rien d’autre qu’un contrat de mandat de représentation.
En réalité, “l’abstention” a bon dos, c’est la mauvaise fille qui concentre tous les maux de notre société.
Non sans ironie, Monsieur Richard Ferrand a annoncé lancer une “mission d’information” et suggère une “consultation publique” pour comprendre les causes de l’abstention. Permettons-lui de gagner du temps et d’économiser de l’argent public: il en est l’une des causes. Démissionné ou retrayant à la suite d’un scandale ayant provoqué sa mise en examen -affaire prescrite depuis lors- il est recasé au perchoir de l’Assemblée nationale. C’est incompréhensible pour quiconque fait preuve du minimum de bon sens. Et les Français n’en manquent pas!
Plutôt que de s’interroger sur les causes réelles du désintérêt des Français pour les scrutins qui se succèdent, entamant ainsi de façon mécanique la représentativité de ceux qui sont élus et par voie de conséquence, la solidité de notre Démocratie, on nous a réchauffé, une fois encore, la vieille mélodie du Front Républicain et du “voter est un devoir”. Jusqu’à la prochaine élection. Et entre deux chansons, le même mépris.
“Une contestation française” de David Koubbi, éditions Don Quichotte, paru le 9 mars 2017, en savoir plus ici
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