SCH : ce qu’on a aimé ou non dans “Autobahn”
Avec Autobahn, SCH s’est glissé dans la peau d’un pilote, délivrant sa 1ère mixtape depuis sept ans. À bord, on entend le crissement des pneus, les BPM qui percutent la carrosserie. Mais surtout, on distingue le timbre distinctif d’un rappeur...
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Avec Autobahn, SCH s’est glissé dans la peau d’un pilote, délivrant sa 1ère mixtape depuis sept ans.
À bord, on entend le crissement des pneus, les BPM qui percutent la carrosserie. Mais surtout, on distingue le timbre distinctif d’un rappeur marseillais les sourcils froncés, le regard concentré. Un an et demi après JVLIVS II, SCH a laissé le costume de son personnage mafieux aux bords la Méditerranée, et a foncé vers le Nord. Sur l’axe autoroutier allemand, slalomant dans la faune germanique, il s’est offert un itinéraire de 43 minutes, avec 14 étapes. Explosif, tranchant, parfois revanchard, cette trajectoire inédite s’opère avant le sulfureux virage JVLIVS III. Étreint par sa trilogie, fascinante artistiquement, épuisante scénaristiquement, le rappeur marseillais a façonné un cadre récréatif pour verser son inspiration. Toute son inspiration, comme trois ans plus tôt avec Rooftop, qui projetait comme seule ligne directrice l’explosivité créative. Le projet plonge dans l’habitacle d’un bolide, à bord d’une course-poursuite façon Need for Speed. L’ambition est là, l’uniformité aussi. L’auditeur capture les sensations : il sent les rugissements du moteur, les virages trop secs, les accélérations fulgurantes. Une caméra embarquée sur le torse du pilote.
SCH veut la pôle poisition
Parlons un peu technique. Grossièrement, il faut 12 secondes à une Clio pour passer de 0 à 100 km/h. Pour une Ferrari F430 : 4 secondes. Une Formule 1 : deux secondes. Pour SCH, une minute et trois secondes. Le temps que le feu passe au vert, que les violons de BBP et Vito Bendinelli s’effacent pour laisser libre place au flow foudroyant du rappeur. Dans la veine de ses introductions charismatiques, “Magnum” se veut toujours aussi grandiose. Une manière de remettre les compteurs à zéro, sans équivoque. SCH revient en mode “rap”, et c’est comme ça qu’il voulait que ce soit. Vexé par certains commentaires, noyés dans ses millions de streams, le rappeur marseillais a saisi la corde dès l’ouverture du paddock. “LIF” et “Niobe”, ça brûle le bitume, ça dégage une énergie instinctive et spontanée. La plume de l’artiste est toujours aussi saisissante, et quand il joue avec sa voix comme sur son intro, difficile de lui souffler la pôle position.
Le triptyque d’entrée fonctionne comme un cheval de Troie pour déployer l’ambition du rappeur. C’est presque un mini-EP d’expression brute. L’énergie relâchée, le souffle coupé, il expulse ses sentiments dans des capsules spontanées. C’est vraiment le mot : la spontanéité. Loin de la structure chargée de la trilogie JVLIVS, il navigue au coeur de tentatives audacieuses. Mais toujours avec une formule épurée, des productions léchées, teintées parfois de fragments club, d’autres fois d’expérimentations jersey. Il y a de tout dans Autobahn, et le projet se conclut même avec une forme de délicatesse, quelques confidences glissées entre deux drops de productions.
Finalement, Autobahn prend la forme d’un film d’action façon Fast & Furious. Un block-buster mainstream mené par une ambivalence : maintenir la dynamique chiffrée d’une tête d’affiche en préservant son ambition artistique. Et l’équilibre est trouvé, efficacement. Le projet propose une direction artistique précise pour un long-format d’une telle ampleur. D’ailleurs, le terme “mixtape”, à cette échelle, paraît paradoxal. Contrairement à Rooftop et son univers très éclectique, Autobahn est relativement quadrillé. Dans une ambiance qui s’échappe complètement de JVLIVS, certes, et c’est probablement ce qui lui vaut cette dénomination, mais quadrillé quand même. Autre preuve : la quantité de feats mesurée. Seuls Dinos et So La Lune l’épaulent sur la tracklist. La présence de l’auteur de Fissure de vie est d’ailleurs excitante, lui qui n’avait jamais eu droit à un tel coup de projecteur. Sa performance est une totale réussite.
Autobahn, ambitions parallèles
Dans sa course effrénée, SCH poursuit son expérimentation. Il engloutit les productions avec son énergie habituelle sur “Offshore” et “Blue Bahamas”, dans une esthétique moderne et épurée. Mais il navigue aussi avec une formule club, voire électronique sur “Marginaux”, “Lilou Dallas” ou “Actes”. Cette dernière, outro du projet, adopte une approche que le rappeur a déjà tenté par le passé, de manière moins frontale. Et c’est justement porté par ce cadre récréatif qu’il ajoute une nouvelle pièce singulière et esthétique à sa carrière. Il utilise astucieusement un projet commercialement moins ambitieux pour se glisser dans la peau d’un alchimiste méticuleux. Tout ne marquera pas forcément sa discographie, c’était d’ailleurs le cas avec Rooftop trois ans plus tôt, mais l’oeuvre est consistante et travaillée.
Enfin, parlons de “Autobahn”, le morceau éponyme égratigné une nouvelle fois par ses fans. Une communauté qui se déchire entre les côtés lunaire et solaire du rappeur, et qui refuse toujours de le voir flirter avec les type-beats marseillais. C’est même devenu rédhibitoire pour certains que n’avoir ne serait-ce qu’une seule respiration méditerranéenne du genre dans un projet. Encore une fois, le paradoxe est concret : les réseaux sociaux se plaignent, mais “Autobahn” est, deux semaines plus tard, le deuxième morceau le plus écouté quotidiennement du projet, derrière “LIF”. SCH sait évidemment ce qu’il fait : il a une partie de son public à assouvir, une partie loin des réseaux sociaux, très loin, mais tout aussi fidèle. Il n’empêche que dans cette DA là, dans cette volonté de produire un projet «qui part dans tous les sens» selon ses propres mots, la présence d’“Autobahn” est questionnable. Le morceau est peut-être même trop téléphoné, à l’heure où SCH avait tout un nouveau panorama pour libérer son approche plus commerciale. Et quoi de mieux qu’une mixtape moins prétentieuse pour ce terrain de jeu ?
On en causera ainsi comme sa seule sortie de route. Enfin, plutôt d’un léger écart de trajectoire. Autobahn fait partie des projets séduisants de l’année, malgré ses ambitions peut-être contradictoires. Celles à la fois d’offrir un cadre distractif et novateur à SCH, mêlée à une démonstration de force rap. Le rappeur en avait sous la pédale, il l’a répété à plusieurs reprises cette année : il voulait prouver qu’il n’était pas “finito”. Peut-être, ainsi, que son oeuvre n’était pas si récréative que ça, contrairement à Rooftop, où il semblait s’être posé beaucoup moins de questions. Autobahn reste d’un niveau très élevé, et témoigne surtout du large éventail encore inexploré de l’univers de SCH. Toujours droit dans sa conduite, impeccable dans son chrono, le voilà encore grimper sur le podium. Sa carrière se densifie, et avant d’aborder définitivement le Grand Prix JVLIVS III, l’artiste a une nouvelle fois pu goûter aux exigences colossales dont il fait l’objet. C’est la marque des grands champions.