“Serre-moi fort”, le prodigieux patchwork de Mathieu Amalric
Que dit l’unique phrase du synopsis de Serre-moi fort ? “Ça semble être l’histoire d’une femme qui s’en va.” C’est écrit comme un mantra qu’on pourrait répéter jusqu’à son ancrage bienfaisant. Le fantôme d’un derviche tournant jusqu’à l’exténuation...
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Que dit l’unique phrase du synopsis de Serre-moi fort ? “Ça semble être l’histoire d’une femme qui s’en va.” C’est écrit comme un mantra qu’on pourrait répéter jusqu’à son ancrage bienfaisant. Le fantôme d’un derviche tournant jusqu’à l’exténuation pourrait aussi faire l’affaire.
Le film tourne en effet plus qu’il n’est tourné. Son tourbillon est organisé par un personnage principal, incarné par la stratosphérique Vicky Krieps, une jeune femme qui justement ne tourne pas très rond. Sur un coup de tête qui entraîne tout son corps, elle quitte son mari et ses deux jeunes enfants.
Fausses pistes
Une femme disparaît, comme dans le film d’Hitchcock, porteuse d’un secret musicalement codé par Gabriel Fauré, à moins que ce ne soit par Rameau, ou Chopin, ou Debussy, tant le récit regorge de stases musicales, qui ne sont pas des illustrations mais des plages où l’on s’allonge pour rêver du film à l’horizon.
Dès lors, c’est une inondation de “peut-être” qui emporte et transporte. Peut-être que cette femme est folle ? Peut-être qu’elle est suprêmement raisonnable (qui n’a jamais eu envie de se casser et, ce faisant, de tout casser ?) ? Peut-être qu’elle dit vrai surtout quand elle ment ?
Peut-être qu’on en vient, spectateur actif, à douter de ce qu’on regarde, à contester tous les indices, même les plus sensuels (la femme caressant les pectoraux velus d’un bel inconnu), à s’engager avec entrain dans de fausses pistes dont certaines se perdent dans la neige ?
“J’invente, j’imagine que je suis partie”
Peut-être bien, peut-être mal. Mais ça ne semble pas si déroutant, lorsque la femme énonce soudain son mode d’emploi : “J’invente, j’imagine que je suis partie.” Cela étant dit, on n’est jamais obligé de la croire. Elle fait son film autant que le film la fait. Pour l’exemple, trouvaille vertigineuse, lorsque, en voix off, elle communique avec son mari absent (ou mort ?) par une sorte de télépathie. Il l’entend, il lui répond.
On prend les cartes, on bat les cartes. On commence, on recommence
Même effet de précipice organisé par le montage, prodigieux patchwork de retours en arrière et de bonds en avant, qui du passé simple fait un présent composé. Marabout, bouts de ficelle ? N’était que les ficelles nous maraboutent plus qu’elles nous ligotent.
La 1ère scène est déjà la dernière : des photos de Polaroid étalées face cachée comme autant de cartes d’un tarot mental dont le retournement ne relève pas de l’explication apaisante, donc rabat-joie, mais de l’art de la divination appliqué au cinéma, sa légendaire magie qui pour une fois n’est pas surfaite. On prend les cartes, on bat les cartes. On commence, on recommence. Ça semble être l’histoire d’une femme qui s’en va.
Serre-moi fort de Mathieu Amalric avec Vicky Krieps, Arieh Worthalter, Vincent Lacoste (Fr., 2021, 1 h 37). En salle le 8 septembre