Sevran : Place Forte du Rap français !

Sevran n’est pas très loin de Montfermeil. « Les Misérables » de Victor Hugo et de Ladj Ly vivent dans cet enclos géant. Avant de devenir la capitale du Rap français à l’instar d’un certain « Bâtiment VII », Sevran était un « No Man’s Land »...

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Sevran n’est pas très loin de Montfermeil. « Les Misérables » de Victor Hugo et de Ladj Ly vivent dans cet enclos géant. Avant de devenir la capitale du Rap français à l’instar d’un certain « Bâtiment VII », Sevran était un « No Man’s Land » suscitant souvent la paranoïa des journalistes sensationnalistes qui en ont fait l’objet de leurs études macabres.

Sevran victime des journalistes ?

De passage dans le quartier en 2015, avec l’ancien joueur de NewCastle, Wesley Baheng, devenu un membre très actif du corps associatif, nous avons constaté les dégâts à Sevran. Fikass nous a confié : « Tu vois ici, il n’y a rien ». Ce n’est pas un hasard si Stéphane Gatignon le Maire écolo de Sevran a démissionné en 2018 pour protester contre le manque de moyens accordés à sa ville. Au cours de son mandat, le Maire a dû faire face à plusieurs polémiques de taille. En 2016, Gille Kepel, historien spécialiste de l’Islam, avait qualifié Sevran de Molenbeek français. Pour l’universitaire invité au JT de TF1, la ville française est devenu l’épicentre du terrorisme islamiste en France. En 2017, le JT de France 2 réalise un sujet sur le « Jockey Club ». Ce bar à Sevran était selon les journalistes interdit aux femmes. Un an plus tard, un représentant de la chaîne s’exprimera à « Le Monde » pour avouer qu’il y a eu un « bug ». Oui jusqu’à une époque très récente, Sevran était connu pour de mauvaises raisons. Zone Interdite avait même réalisé un sujet très polémique sur la ville avec un Bernard de la Villardière qui a complètement dérapé en face des autochtones. La vidéo fait scandale. La ville suscite bien des fantasmes, et les angoisses des français ont vraiment tendance à se cristalliser sur cette banlieue lointaine que certains disent islamisés et que d’autres qualifient de four géant. C’est au milieu de cet immense merdier que va naître la Trap à Sevran.

Yazou : Le précurseur !

A l’aune des années 00′, le 1er rappeur de Sevran à faire causer de lui est un dénommé Yazou. Originaire de Sevran-Beaudotte, il est fortement influencé par Lunatik, ATK, IAM et NTM. Ces rappeurs ont formé des années entières l’exception culturelle du Rap français. Un rap qui mise énormément sur la qualité des textes comme lorsque ATK déclame : « Pauvreté et Fortune ne font que se croiser comme le soleil et la lune sans jamais se rencontrer ». A 14 ans, il participe au groupe « Attentat Verbal » avec des rappeurs de Sevran et d’Aulnay Sous Bois. Puis il abandonne le micro rattrapé par la dure réalité de la vie. C’est 2005, lorsque la France gronde après la mort de Zyed et Bouna, que les événements précipitent Yazou dans le Rap. Devant l’ampleur de l’injustice le rappeur écrit le titre « Nos Vies », véritable chronique de quartier. Une œuvre dont l’ampleur sociologique est sous estimé. Son dernier album « Jusqu’ici tout va bien », grand classique du rap français, porte aussi en germes la nouvelle vague de rappeurs qui s’apprêtent à déferler sur le Rap avec Youssoupha, Alkpote  et Seth Gueko et beaucoup d’autres.

Kaaris découvre l’Or Noir à Sevran

Tout commence en 2013, le mouvement Trap issu de la Dirty South d’Atlanta fait déjà des émules aux USA avec des artistes comme Gucci Mane, Migos, et beaucoup d’autres. Aux USA, le virus de la Trap s’empare de toute l’industrie musicale. Dans l’hexagone, la Trap réputée plus « simple » que le Rap du milieu des années 00′ suscite de la méfiance chez les « anciens » ténors du rap. En 1ère ligne de mire, les lyrics de la Trap réputés plus minimalistes, tout comme le flow facilité par la rythmique « discontinue et cassée » de la Trap. En France, un producteur de grand talent, Therapy, et son poulain, Kaaris, découvre l’Or Noir dans le sous sol aride de Sevran. Après son buzz avec « Zoo », le fondateur annonce et dévoile l’un des plus grands classique du Rap français « Or Noir ». Les quartiers adorent la Trap. Avec le talent lyrical de K2A« Or Noir » fonde la Trap à Sevran. Pour clore le spectacle, le rappeur de Sevran réalise un énorme featuring avec Booba sur « Kalash » et « LEJ ». Même si les rapports sont plus que délétères aujourd’hui entre ces deux monstres sacrés du Rap français. Le titre « Kalash » a emmené Kaaris au sommet. La force de frappe du DUC n’est pas négligeable. Après « Or Noir », toute une série de rappeur se lanceront dans ce sous-genre du Rap. A partir de 2013 commence l’âge d’or de la Trap en France. Une 1ère génération de rappeurs va suivre Kaaris dans son ascension.

Les 1ère étoiles montante : Kalash Criminel Ixzo et le 13 Block

Ixzo et Kalash Criminel sont deux artistes qui vont sortir peu après Kaaris. Ixzo est originaire de Sevran lui aussi. Le rappeur passe la 1ère partie de sa carrière à réaliser énormément de featurings comme avec Gradur sur « On n’est pas tout seul ». Sur le plan artistique, Ixzo va plus loin que Kaaris puisqu’il tente une approche de la Drill. Aujourd’hui, le courant Drill est à son sommet en France, et trouve énormément d’adeptes. C’est le « Molly » de Ixzo qui lance véritablement la Drill chez le rappeur. Il commence sur un train d’enfer : « J’ai pas attendu d’être validé pour me faire entendre ». Et à la production instrumentale on retrouve toujours le terrible « Double X ». Kalash Criminel, roi des Sauvages, est lui aussi un pur produit sevranais. La carrière du jeune homme cagoulé d’origine congolaise a très vite explosé. Il faut dire que Kalash est le digne représentant de la vague Trap à Sevran. C’est surtout avec son énergie explosive, et ses décharges lyrical, qu’il impose sa sauvagerie partout. Derrière la prétendu simplicité de ses mots se cachent aussi un véritable engagement artistique et politique. Le rappeur proche de ses origines congolaises dira tout le mal qu’il pense de la Franc Afrique dans le dernier volet de « Braquage à l’Africaine ».  Le rappeur explique le vécu, la rue avec une authenticité rare. Le 13 Block est une institution à Sevran. Depuis leurs débuts, porté par leur manager charismatique des 1ers temps Falcao, ils représentent à eux tous seuls la rage sevranaise. La Trap, la Drill, c’est un moyen pour cette jeunesse barricadé à Sevran sous les huées d’une certaine presse de s’exprimer. Dans le propos comme dans la forme, le groupe de Sevran reprend les codes de la Trap avec l’agressivité en plus, la rage, l’énergie d’une jeunesse qu’on ne peut pas éteindre. Etrangement proche de Booba, alors que Kaaris a déjà débuté dans cette zone, c’est aussi un groupe qui illustre les divisions et les clans dans ce Sevran du Rap.

Da Uzi et Maes: Ils ferment la marche

Lorsque Da Uzi, Maes et Benab arrivent dans le Rap, Sevran est déjà l’une des capitales du Rap français. Maes est le 1er des trois à percer. Avec « Pure », il décroche un disque de platine. Le rappeur ne Trap pas ou peu. Dans son 1er album solo, il affectionne particulièrement la lenteur des bpm, les prod un peu vaporeuse, et un flow qui oscille entre le chant et le rap. Maes décomplexe Sevran sur la Trap. Bien que dans  « Les Derniers Salopards », platine en un mois, et « Réelle Vie 3.0″  il s’essaie à de la Trap Music sur des titres comme « Elvira » et même des styles plus agressifs. Maes c’est un brin de poésie, mais une poésie qui sent le vécu et la rue. Qui mieux qu’un rappeur de Sevran peut te expliquer la Rue et ses délices, ses désillusions, et le drame humain qui se joue devant nos yeux. Et Maes a été lui aussi poussé à ses débuts comme un certain Kaaris  par un certain Booba sur le titre « Madrina » extrait de son 1er projet qui donne un coup d’accélérateur certain à sa carrière. Da Uzi avec « Mexico » et surtout « Architecte » met un terme certain à l’emprise de la Trap sur Sevran. Le deuxième projet de Da Uzi est un album complet où le rappeur alterne entre les titres agressifs, la chanson urbaine, et même les titres club. Ce n’est pas un hasard si Kaaris lui même depuis l’album « Le bruit de mon âme » s’est lui aussi ouvert à de nouvelles ambiances alors que son 1er projet était purement Trap. Da Uzi s’invente même un style à part avec des variations de voix à l’intérieur de ses morceaux à l’instar d’un certain Niska depuis « Commando ». Le succès de Da Uzi est impressionnant, en Mid Week, alors que la France est confiné, il réalise des chiffres stupéfiants avec près de 5000 opus vendus. On pourra reprendre la sentence de Maes dans le titre « Le dire » sur l’album Da Uzi : « on s’est connu en ler-ga on se reverra au sommet ».

Sevran sans complexe : Benab, Imen Es, Dabs

Sevran n’est pas abonné au rappeur hardcore, et gangsta ! La dernière génération de rappeurs, Benab, Imen Es, et Dabs fait la part belle au chant et à la mélodie. Tout comme Kaaris qui a évolué avec le temps, et ses héritiers, la capitale du 93 a suivi les évolutions du Rap en général. Aujourd’hui la musique urbaine plus que jamais en tête des Charts, est une musique ouverte. Et Sevran l’a compris. Benab ne manque jamais une occasion de rendre hommage à la ville qui l’a vu grandir. L’artiste est plus chanteur que rappeur comme Imen Es qui elle aussi s’est faite un nom. Benab et Imen ES portent déjà le flambeau de la relève à Sevran. Et leur musique n’a rien à voir avec l »  »Or Noir » qui a coulé à Sevran et qui a permis à la ville de sortir de l’emprise des sujets chocs des journalistes en manque de sensations fortes. Tout comme Dabs, le franco malien, il représente une génération décomplexée. Non Sevran n’est pas le laboratoire du crime et de l’islamisme, et aujourd’hui la ville est devenue le centre névralgique d’une musique qui traverse les frontières même si elles sont barricadée. Ces artistes qu’on le veuille ou non sont aujourd’hui les représentants de « la chanson française ».

Sevran : Place Forte du Rap français ! via @ Rapunchline : Le rap français sur un seul site !.