Sexisme en politique: Edith Cresson revient sur son expérience "inimaginable"
POLITIQUE - Il y a trente ans, 15 mai 1991, la socialiste Édith Cresson devient la 1ère (et unique) femme Première ministre. Invitée d’Europe 1 ce vendredi 14 mai, elle revient sur cette courte période de 10 mois, emprunte de sexisme et d’attaques...
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POLITIQUE - Il y a trente ans, 15 mai 1991, la socialiste Édith Cresson devient la 1ère (et unique) femme Première ministre. Invitée d’Europe 1 ce vendredi 14 mai, elle revient sur cette courte période de 10 mois, emprunte de sexisme et d’attaques de la part de ses collègues masculins.
Édith Cresson n’en n’était pourtant pas à ses débuts. D’abord ministre de l’Agriculture, du Commerce extérieur et du tourisme et des Affaires européennes, elle est choisie par François Mitterrand pour occuper Matignon. Après trois années de gouvernement Rocard, le président socialiste veut donner une nouvelle impulsion à la fin de son mandat. Il décide alors de nommer pour la 1ère fois de l’Histoire une femme Première ministre. Une responsabilité que l’intéressée refuse dans un 1er temps: “Ces fonctions de Premier ministre je ne les ai pas recherchées, j’avais au contraire refusé la fonction et j’étais partie dans le privé”, assure-t-elle chez nos confrères. “J’étais extrêmement réticente parce qu’on était dans la deuxième partie du deuxième mandat, ce qui est la pire période.”
Une “attitude inimaginable”
Très vite s’en suit une période difficile: “J’ai été tout de suite extrêmement attaquée, par les médias et par les hommes politiques de droite, et pas seulement”. Cette “image épouvantable véhiculée par les médias”, elle la doit notamment à l’émission satirique du Bebête show : “Ils me représentaient comme une panthère lascive se traînant aux pieds de Mitterrand qui lui donnait des coups de pied pour s’en débarrasser.”
Plutôt que de s’intéresser à son travail de ministre, la presse préfère commenter sa tenue vestimentaire, le choix de ses boucles d’oreilles, sa démarche. “Ils avaient même déclaré que j’avais un de mes collants qui était filé” déplore l’ancienne Première Ministre qui poursuit avec cette révélation: “Ils se mettaient à genoux devant ma voiture pour filmer mes jambes. L’attitude de ces gens-là était inimaginable”.
Quant à la conduite de ses collègues masculins, elle n’est pas mieux. Elle doit ainsi faire face au machisme récurrent, y compris au sein de son propre camp. “Qu’une femme puisse être ministre, pendant un certain temps, ça a choqué. Puis ensuite, ils s’y sont plus ou moins habitués. Mais Premier ministre, c’était trop... Ils ne pouvaient pas.” Elle révèle d’ailleurs: “J’ai eu des problèmes avec Roland Dumas (ministre des Affaires étrangères de 1988 à 1993, NDLR), parce qu’il était extrêmement macho”.
“C’est totalement et uniquement propre à la France”
Pour l’ancienne Première ministre, ce sexisme vis-à-vis d’une responsable politique est “totalement et uniquement propre à la France”. “J’ai vu comment ça se passe ailleurs… Jamais il n’y a des choses de ce genre. Une femme a été Première ministre au Portugal sans que ça ne pose le moindre problème, et je n’ai jamais vu une attitude de ce type en Espagne”. Pourtant, souligne Édith Cresson, être une femme ne change “rien du tout” à la façon de gouverner un pays. “C’est une question qu’on ne pose pas en Angleterre, qu’on a jamais posée à Margaret Thatcher. Il n’y a qu’en France qu’on pose cette question”, s’indigne-t-elle.
A la tête du gouvernement, “j’ai appliqué le programme qui était dans la lettre à tous les Français de François Mitterrand”, rappelle l’ancienne ministre et députée qui déplore: “Dès que j’essayais de faire quelque chose, c’était immédiatement critiqué d’une façon ordurière.”
Interrogée sur la place actuelle des femmes en politiques, et notamment celle de la présidente du Rassemblement National, Marine Le Pen, elle déclare: “Je ne peux pas dire que Le Pen soit un progrès, vous ne me ferez jamais dire ça, c’est plutôt un danger”.
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