Si les gelées d'avril sont aussi terribles, c'est à cause du réchauffement climatique
CHANGEMENT CLIMATIQUE - Des viticulteurs en larmes en découvrant leurs vignes dévastées par le gel, des vergers entiers dont on sait déjà qu’ils ne donneront rien cette année et un régime de calamité agricole qui a dû être activé par le gouvernement...
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CHANGEMENT CLIMATIQUE - Des viticulteurs en larmes en découvrant leurs vignes dévastées par le gel, des vergers entiers dont on sait déjà qu’ils ne donneront rien cette année et un régime de calamité agricole qui a dû être activé par le gouvernement pour indemniser les cultivateurs. En ce début du mois d’avril 2021, la France fait face à des gelées terribles pour l’agriculture.
Pourtant, ces épisodes de gel au mois d’avril ne sont pas une anomalie exceptionnelle. Ils sont même relativement fréquents. Ce qui explique que la vague de froid soit à ce point destructrice pour les cultures, c’est davantage la chaleur mois de mars qui a précédé ces phases de gel.
Le climatologue Robert Vautard, directeur de recherche au CNRS et à la tête de l’Institut Pierre-Simon Laplace, une institution de référence en matière d’étude des changements climatiques, décrypte le phénomène pour Le HuffPost.
Moins de gel certes, mais un printemps qui débute surtout de plus en plus tôt
“Les plantes sont adaptées à leur environnement quand celui-ci est stable et par conséquent elles sont adaptées au gel tardif, qui est très dangereux pour elles”, précise d’emblée le chercheur. “Leur phénologie (c’est-à-dire le processus par lequel passe la plante au cours de son développement: l’apparition de bourgeons, la floraison etc.) est faite pour résister à ces gels tardifs.”
En clair, tant que le climat suit un cours normal avec des saisons marquées, la plante reste en “sommeil” (on cause de “dormance”) pendant les mois froids, et ne commence sa croissance que lorsque les conditions sont optimales. Elle évite ainsi de se retrouver bourgeonnante ou en fleurs au moment de ces gelées d’avril.
“Le problème du changement climatique”, reprend Robert Vautard, “c’est d’une part la diminution des gels (il y a de moins en moins de gels tardifs), mais aussi plus de départs de printemps tôt dans l’année”. Si l’on a constaté quelques records de froid en ce mois d’avril, il y a ainsi eu beaucoup plus de records de chaleur battus au mois de mars, comme le notait sur Twitter le chercheur en agroclimatologie Serge Zaka.
[Thread] Vers une catastrophe agricole dans le nord dès dimanche ? #FrAgTw
— Dr. Serge Zaka (Dr. Zarge) (@SergeZaka) March 30, 2021
Le pays connaît 5j de douceur incroyable. Ajd'hui, 28% des stations françaises ont battu leur record mensuel (soit 224 stations - @GaetanHeymes).
>27°C dans le nord-est.
27°C !
En mars !
Mais... ???????? pic.twitter.com/hyffNwmYL5
“La question pour la plante est donc de savoir qui gagne: est-ce que c’est la disparition des gels ou la précocité du printemps?”, pose Robert Vautard. Car si les gels disparaissent, l’arrivée de plus en plus précoce du printemps ne pose plus aucun problème: les plantes peuvent bourgeonner de plus en plus tôt sans être menacées par le froid.
Des plantes vulnérables quand survient le gel
Sauf que la science montre l’inverse. “Les études montrent que l’apparition des ‘faux printemps’ n’est pas compensée par la diminution des gels tardifs”, décrit le chercheur. “On se retrouve, dans certaines régions, avec une augmentation du gel tardif, c’est-à-dire un gel qui survient lorsque la phase de croissance de la plante est avancée.”
Et c’est exactement ce qui arrive en ce printemps 2021. Les très fortes chaleurs du mois de mars ont poussé les végétaux à se développer tôt dans l’année, et donc à subir la vague de froid actuelle (qui devrait se poursuivre les 12 et 13 avril) à un moment de leur développement où ils sont particulièrement vulnérables. Car “plus le gel intervient tard dans la croissance, plus c’est dangereux pour la plante”, précise encore Robert Vautard.
Or si les agriculteurs sont capables de s’adapter, qu’ils passent même leurs années à s’adapter, ils ne peuvent rien face à l’ampleur des phénomènes observés ces dernières années, en particulier ces printemps toujours plus extrêmes. D’autant qu’ils ne peuvent repousser indéfiniment les semis pour éviter le risque du gel tardif. “Trop retarder la date des semis va poser d’autres problèmes, car les plantes sont certes sensibles aux températures, mais aussi aux pluies, à la lumière...”
Une tendance qui semble s’installer
À cela s’est ajoutée, en ce mois d’avril, une autre difficulté, pointée du doigt par de nombreux agriculteurs: des prévisions trop optimistes sur les températures. “J’ai une admiration sans limite pour le travail qui est fait à Météo France, mais cette fois-ci, les gelées (qui sont extrêmement difficiles à prévoir et dont l’amplitude dépend de la couche très fine de l’atmosphère au-dessus du sol) ont été sous-estimées les 6 et 7 avril”, détaille le climatologue.
“Elles n’ont pas été sous-estimées de beaucoup: prévoir du froid à deux degrés près, c’est très difficile, mais si l’on passe en dessous de zéro, à -1, -2 ou pire, cela change tout pour la plante”, explique Robert Vautard. “En agriculture, on a besoin de prévisions extrêmement fines.”
Autant d’éléments qui expliquent la violence du phénomène en cours pour les agriculteurs français. Et à entendre le chercheur, la tendance au réchauffement climatique ne devrait pas leur simplifier la vie dans les années à venir. En plus des vagues de chaleur extrêmes qui surviennent chaque été, et qui auraient été impossibles sans changement climatique, Robert Vautard est catégorique sur l’évolution des hivers. Au fil des ans, ceux-ci voient le nombre de froids extrêmes reculer de manière notable et la fréquence des gels se raréfier.
“On observe de plus en plus de records de chaleur en hiver, ça devient vraiment fréquent. Cette tendance est directement liée au changement climatique”, explique-t-il. Ce qui signifie que les “faux printemps” vont se poursuivre, laissant les plantes toujours aussi vulnérables en cas d’épisodes de gel en avril.
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