Sidaction: face au Covid-19, ce que la lutte contre le sida peut nous apprendre

SIDA - Covid-19, sida. Deux maladies distinctes, deux épidémies différentes. Pourtant, il existe une convergence entre elles. Il se pourrait même que l’une ait beaucoup à apprendre de l’autre. C’est en tout cas ce que soulignent les responsables...

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Ce que la lutte contre le sida peut nous apprendre face au Covid-19

SIDA - Covid-19, sida. Deux maladies distinctes, deux épidémies différentes. Pourtant, il existe une convergence entre elles. Il se pourrait même que l’une ait beaucoup à apprendre de l’autre. C’est en tout cas ce que soulignent les responsables du Sidaction, qui se tient jusqu’à dimanche. Selon eux, les leçons tirées de la lutte contre le sida doivent également servir contre le Covid-19.

À commencer par l’impact du tissu associatif et le travail d’information autour de l’épidémie. Historiquement, la lutte contre le sida est marquée ”à la fois par une capacité des associations de terrain à aller vers les personnes les plus touchées, et par le fait qu’associations, médecins et chercheurs travaillent ensemble”, explique à l’AFP la directrice générale de Sidaction, Florence Thune.

Prévention, information

“On sait à quel point ça a fait progresser la lutte contre le sida. Or, on n’a manifestement pas su le faire contre le Covid”, poursuit-elle. L’un des enjeux est, selon elle, une meilleure information du public, par exemple sur la prévention ou la transmission du virus, dans laquelle les acteurs de terrain ont un rôle crucial à jouer. “Parfois, les informations sur le Covid sont là mais ne sont pas bien transmises, pas communiquées aux bonnes personnes, ou ont besoin d’être adaptées”.

“Surtout, on a appris avec le VIH que ça ne servait pas à grand-chose de faire peur, d’agiter les amendes et les contrôles, mais que les personnes arrivaient à prendre les mesures de précaution quand elles les comprenaient”, ajoute Florence Thune.

Dépistage

En termes de dépistage aussi, la lutte contre le coronavirus peut apprendre du VIH. Pour Kevin Osborne, directeur de la Société internationale du sida (IAS), interrogé par l’AFP au début de l’épidémie de Covid-19 en France en mars 2020, “la meilleure façon de répondre au Covid-19 est de comprendre à quoi nous avons affaire. Les tests sont donc essentiels. Les tests sont le point d’entrée dans un monde de possibilités. Le point central de la riposte au VIH est basé sur le fait que les gens connaissent leur situation. Donc: des tests, des tests, des tests. Non seulement pour comprendre ce à quoi nous avons affaire, mais aussi pour permettre aux gens de savoir mieux eux-mêmes ce qu’ils peuvent faire. Si les personnels soignants clés ne sont pas testés, ils doivent rester à la maison et c’est contre-productif. Mais si vous testez tout le monde maintenant, alors vous pouvez les remettre au travail. Le dépistage est tellement essentiel pour tellement de raisons, et nous l’avons appris grâce au VIH”.

Néanmoins, à l’heure actuelle, les obstacles créés par la pandémie ont entraîné un retard sur le dépistage du VIH. Retard estimé, en octobre 2020, à 650.000 tests en moins.

Stigmates

Autre point de ressemblance entre les deux épidémies, celui des stigmates. Interrogé récemment par Le HuffPost, l’infectiologue Gilles Pialoux avançait que le Covid, “c’est l’histoire de dix ans du sida compactée en quelques mois”. Le scientifique travaille sur le VIH depuis ses débuts à l’Institut Pasteur en 1989 et est aujourd’hui en 1ère ligne dans la bataille contre le Covid-19. Pourquoi un tel condensé? “Dans le sida, précise le Pr Gilles Pialoux, le virus se transmet lors des rapports sexuels, a priori entre deux personnes consentantes. Or, dans le cas du Covid, vous ne consentez à rien, le risque n’est pas palpable et la transmission encore moins”, explique-t-il.

Quelques phénomènes rencontrés lors de l’épidémie de Covid ont ainsi rappelé les débuts de la pandémie de VIH. C’est ce qu’a raconté un médecin au Pr Gilles Pialoux: “il me dit qu’au moment des clusters identifiés dans l’Oise, plusieurs personnes ont été obligées de déménager, de changer leurs enfants d’établissements, leurs portes ont été taguées. On leur envoyait à la figure qu’ils étaient responsables des centaines de cas ou de morts qui venaient d’être enregistrés dans la région”.

Recherche sur les vaccins

Mais c’est surtout sur la question des vaccins que VIH et coronavirus se sont rencontrés. D’abord pour des raisons assez négatives, lorsque le message suivant a été partagé des milliers de fois à partir de la fin du mois de novembre: “Sida, 40 ans, 0 vaccin! Covid, 10 mois, 9 vaccins!”. Depuis, il a été expliqué que la comparaison entre ces deux maladies n’était pas viable. 

“C’est assez simple : on a, en gros, des vaccins pour des maladies qui guérissent, c’est-à-dire pour des maladies contre lesquelles on a une protection naturelle. Avec la rougeole, la grippe, l’hépatite B, il y a une immunité naturelle qui se crée. Dans le cas du Sars-Cov-2, on va guérir parce qu’on fait des anticorps contre le Sars-Cov-2. Donc on reproduit [avec le vaccin] ce que fait la nature, parce qu’on sait exactement comment l’organisme humain se défend contre ce virus”, expliquait notamment le Professeur Jean-Daniel Lelièvre, chef du service d’Immunologie clinique au CHU Henri Mondor, auprès de l’AFP. 

“Or, si vous prenez des maladies infectieuses complexes, comme le VIH, personne n’en guérit. La réponse immunitaire contre le VIH ne se fait pas, elle est incomplète. Le VIH détruit le système immunitaire. Donc c’est pour ça que le parallélisme entre [VIH et Sars-Cov-2] est impossible”, ajoute-t-il.

Si ces deux maladies ne sont pas comparables au point de déplorer l’invention d’un vaccin contre le sida, les deux recherches convergent sur certains points. En particulier, les vaccins contre le Covid-19 ont bénéficié des recherches sur le VIH. “N’arrivant à pas mettre au point un vaccin contre le VIH avec des méthodes traditionnelles, nous avons commencé à imaginer des vaccins à vecteurs recombinants”, souligne Brigitte Aubran, du centre d’immunologie et des maladies infectieuses, à La Croix. C’est notamment cette technique que l’on retrouve dans les vaccins AstraZeneca ou Spoutnik V.

Reste à savoir si les avancées contre le Covid-19 bénéficieront en retour au sida. “Développer des vaccins pour les voies respiratoires afin d’éviter la transmission du coronavirus serait aussi une bonne avancée pour d’éventuels vaccins contre le VIH, pour bloquer la transmission du virus dans les muqueuses génitales”, note Morgane Bomsel, virologue à l’institut Cochin. Comme quoi, aussi différents soient-ils, VIH et coronavirus se sont rencontrés sur de nombreux terrains. 

À voir également sur Le HuffPost: Covid-19: Pourquoi les anticorps monoclonaux ne remplaceront pas les vaccins