Six albums essentiels de 2021 dont on vous a peu parlé

“Billie Eilish a lâché son album Happier Than Ever vendredi, et les fans ne s’en sont toujours pas remis”, tweetait le magazine américain Billboard le 1er août, soit deux jours seulement après la sortie du très attendu successeur du When We...

Six albums essentiels de 2021 dont on vous a peu parlé

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“Billie Eilish a lâché son album Happier Than Ever vendredi, et les fans ne s’en sont toujours pas remis”, tweetait le magazine américain Billboard le 1er août, soit deux jours seulement après la sortie du très attendu successeur du When We All Fall Asleep, Where Do We Go? (2019) de la jeune californienne. Deux jours, serait-ce là le nouveau délai autorisé pour “se remettre” d’un disque, avant d’attendre fébrilement la livraison du suivant dont on se foutra 48 heures plus tard, et ainsi de suite ?

En avance, ou pile à l’heure, Les Inrocks savent aussi être à la bourre. Une œuvre discographique n’ayant pas de date de péremption, on s’offre ici une séance de rattrapage pour évoquer 6 albums sortis en 2021 que nous avons beaucoup écoutés à défaut de vous en avoir beaucoup parlé. Au programme : le jukebox radiophonique de Juan Wauters, les inclassables Australiens de The Murlocs, le r’n’b futuriste de Dawn Richard, les escapades lo-fi de Connan Mockasin et Ade (son papa), les gueules cassées du Sud de Londres Horsey (avec le frangin de King Krule dedans) et la mystérieuse Rochelle Jordan, qui navigue entre UK Garage, drum and bass et r’n’b.

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Real Life Situations (Captured Tracks/Modulor) – Juan Wauters 

On avait laissé Juan Wauters sur un banc de la Villette en juin 2019, dans le brouhaha du festival Villette Sonique. Entre deux bières tièdes, sous un soleil voilé, il évoquait la sortie cette même année de La Onda de Juan Pablo et Introducing Juan Pablo, deux albums enregistrés à des périodes distinctes et de façon radicalement différente. Le 1er avait été mis en boîte sur la route avec des musicien•nes croisé•es au cours des pérégrinations de l’Uruguayen sur le continent américain, tandis que le deuxième sortait du placard dans lequel il croupissait depuis 4 ans. “J’ai écrit et enregistré ce disque entre 2014 et 2016. C’était l’époque où je jouais pour la 1ère fois sous mon propre nom. C’était un moment de ma vie pendant lequel je me sentais très vulnérable. Les chansons sont introspectives. Je me posais la question : comment je veux que la musique fasse partie de ma vie ?”, nous rencardait-il alors.

Trois ans et une pandémie plus tard, c’est depuis Montevideo qu’il nous cause de Real Life Situations, un album qui semble dire : la musique fera partie de ma vie à condition de la partager avec les autres. Galvanisé par ce processus collaboratif expérimenté durant son trip à travers l’Amérique latine pour La Onda de Juan Pablo, Juanito s’est entouré cette fois d’ami•es proches pour co-composer sa nouvelle carte postale discographique : “Avant La Onda, je faisais de la musique seul dans ma chambre. Pour Real Life Situations, je voulais que les choses soient autant composées par moi que par les autres”, révèle-t-il. Débuté fin 2019, l’enregistrement de l’album est interrompu à mi-parcours en mars 2020 à la suite du 1er confinement : “Le disque était à moitié terminé, se souvient-il. Quand la pandémie s’est propagée, j’ai laissé de côté la musique, je trouvais le contexte beaucoup trop anxiogène pour poursuivre. Je suis resté enfermé chez moi, un peu préoccupé par ce qui allait advenir de nous. Et puis j’ai réécouté les chansons et terminé le disque selon la méthode du collage l’été dernier.”

Pensé comme un document sonore, ou un flux radiophonique entrecoupé d’interludes entre point d’étape (JPW Talking) et poésie beat à la Ginsberg en forme de déclaration d’amour à la gran ciudad de New York (NY Weaz), Real Life Situations sort Juan Wauters de sa zone de confort en rameutant Mac DeMarco, Nick Hakim, HOMESHAKE, Juan Zaballa (aka Tall Juan), ou encore un Cola Boyy très inspiré dans le genre groove post-College Dropout (le 1er album de Kanye West). Façon d’emmener notre Jonathan Richman Jr. sur d’autres territoires esthétiques pas toujours bien explorés auparavant et de tisser à nouveau les liens défaits par des situations politique et sanitaire plombantes. Un disque en mouvement constant, à l’image de son auteur, dont les sources d’émerveillement ne sont pas prêtes de tarir.

F. M.

Bittersweet Demons (ATO Records) – The Murlocs

Voilà bientôt 10 ans que les Murlocs usent nos platines. Loopholes (2014), le 1er album de ce quintet made in Australia, figure même dans notre petit carnet rouge recensant la poignée de disques estampillés “cultes” qu’il ne faudra pas oublier d’emmener avec nous après la fonte des glaces. Un modèle de garage rock psychédélisant à l’usage de la jeunesse slacker, un pied dans la boue rouge de l’outback aussie et l’autre pas loin des enceintes d’un rade de Silver Lake.

Formé par Ambrose Kenny-Smith – l’homme derrière les claviers du King Gizzard & the Lizard Wizard –, The Murlocs portait les promesses mélodiques effleurées par le Roi Lézard mais trop souvent reléguées au second plan par ce dernier, sans jamais se contenter d’essorer une formule dont il n’aurait de toute façon pas besoin pour faire gigoter les amateurs de séries B tarantinesques et autres joyeusetés perfusées à la Foster’s. La clique d’Ambrose, pas farouche, a ainsi roulé des pelles à un large éventail de nuances de rock, du stoner au blues bien gras, en passant par la country, mais s’est rarement aventurée sur des territoires pop plus scintillants. Voilà qui est chose faite avec Bittersweet Demons, un cinquième album qui ne renie rien des fondations du groupe (l’harmonica émaille toujours ici et là les brillantes compositions du groupe, comme sur l’impeccable Eating at You, le très embrumé Skewiff sur lequel un Elton John underground n’aurait probablement pas craché, ou encore le bouleversant Limerence, sous haute influence Lennon), mais tente quelques percées plus glam, comme sur le foudroyant Skyrocket que l’on dirait pensé pour ravir la vedette aux Sparks dans le cœur de Leos Carax.  À quand l’opéra-rock ?

F. M.

Second Line (Merge Record/Differ-Ant) – Dawn Richard

Depuis les années 1960, le mouvement artistique de l’afro-futurisme porte une esthétique de l’émancipation qui fait aujourd’hui encore écho à l’activisme des communautés afro-américaines. Avec des artistes de la trempe de Sun Ra ou George Clinton (gourou de Parliament et Funkadelic) en portes étendards dans les années 1980, le registre un temps délaissé trouve désormais son incarnation dans les musiques de Janelle Monáe, Thundercat ou Flying Lotus.

Comme grimée en chevalière du zodiaque sur la pochette de Second Line, Dawn Richard expose clairement son ambition avec le visuel de son sixième disque : contribuer à la remise au goût du jour d’un mouvement aux symboles toujours en phase avec l’actualité. Musicalement donc, on ne s’étonne pas d’entendre la navette spatiale qu’est ce nouvel album serpenter de registre en registre (notamment ballroom, house, r’n’b et soul), sous la constante d’une orientation club. Manipulant avec dextérité autant de symboles et esthétiques (dont l’exaltation ne couvre jamais la charge politique), Richard livre avec ce disque le manifeste d’un afro-futurisme contemporain hyper addictif et en phase avec son époque, à explorer et revisiter autant pour le plaisir que par nécessité.

B. J.

It’s Just Wind (Mexican Summer/Modulor) – Ade & Connan Mockasin

Il aura fallu une brèche spirituelle pour sortir Connan Mockasin de sa torpeur. Depuis 2018 et son réjouissant Jassbusters, le Néo-Zélandais (alors exilé à Tokyo) n’avait pas donné signe de vie, ou si peu (on note une participation à la B.O. du film de surf Self Discovery For Social Survival aux côtés d’Andrew VanWyngarden, ou encore la sortie d’un EP live sous l’alias Mr Bostyn). C’est donc un nouveau single, dévoilé sans crier gare en juillet, qui nous a appris que ce bon vieux Connan était de retour avec un nouveau disque, après qu’un diseur de bonne aventure lui ait ordonné de travailler avec son père. Pourquoi pas.

C’est donc en compagnie d’Ade, son avenant et septuagénaire paternel, que le musicien nous invite à un road trip initiatique et contemplatif. Crédité au spoken-word sur un album jalonné par ses divagations, le chanté-parlé de Mockasin-père se pose comme une bouée au milieu de l’océan pop duveteux que Connan continue ici de déployer. Un registre ultra-réverbéré et volontairement trop homogène (à la façon d’un Infinite Bisous, justement présent sur le disque) que l’artiste exploite au point de faire perdre à son auditoire presque tout repère mélodique. Cette démarche invite à se lover dans une musique dont le concept tutoie l’ambient en jouant toujours à fond, comme s’il s’agissait-là de la signature de Mockasin, la carte de l’hypnagogie. Rien de surprenant, en somme, pour un disque au titre auto-prophétique : It’s Just Wind passe comme une inéluctable mais rafraîchissante bourrasque.

B. J.

Debonair (Untitled Recs Limited) – Horsey

Si le 1er album de Horsey était un tableau, il serait sans doute un Francis Bacon mettant en scène les ébats sexuels de Mark E. Smith et Tom Waits, devant un Nick Cave se masturbant en pensant à ce que ferait Angelo Badalamenti si David Lynch, Paddy McAloon et Larry David entraient dans la pièce pour se joindre à eux avec un vinyle du Berlin de Lou Reed sous le bras. Absurde.

Formé sur les braises du Sud londonien, ce quartet mené par ce cowboy à la manque de Jacob Read (plus connu sous le nom de Jerkcurb, pas le dernier pour chalouper sur du smooth jazz des bas-fonds aux effluves hawaiiennes) et Theo McCabe, auxquels se joignent George Bass et un certain Jack Marshall, frère aîné de l’immense King Krule, promet de la chique et du molard dans un monde beaucoup trop sérieux pour ne pas partir en flammes. Cabinet des curiosités trash, balançoires rouillées, usines désaffectées peuplées de clowns camés, le 1er album de cette bande de types (qui fait des prodiges avec une désinvolture de tête à claque) pue l’humour grinçant et l’opéra-rock de cabaret au plancher moisi. Orgues, pianos branlants, guitares crades et atmosphère jazzy de speakeasy enfumé, Horsey fait feu de tout bois avec une grandiloquence feinte et un sourire de boxer amoché la clope au bout des lèvres, dans ce Debonair annonçant une période millénaire de décadence qui swing.

F. M.

Play With the Changes (UNDRGRND Records/Young Arts Records) – Rochelle Jordan

C’est une sortie presque confidentielle survenant après un hiatus de 7 ans dans la carrière de la musicienne. Libérée du label qui brimait son début de carrière, Jordan propose ici de retracer, toujours avec son r’n’b de prédilection en matrice, une histoire de la scène électronique anglaise. Empruntant aussi bien au 2-step qu’à la house et la soul, tutoyant même l’acid par moments, l’enregistrement capture l’essence de la scène r’n’b de la décennie passée. En résulte un projet qui parvient à incorporer un riche mélange de références stylistiques à une musique déjà homogène.

Épaulée à la production par Machinedrum et Jimmy Edgar, la Canadienne se prête donc à un périlleux jeu sur les registres, invoquant pêle-mêle Janet Jackson, Solange et (surtout) Kelela. L’occasion pour elle de renouveler sa recette, se voyant même pour l’occasion en avatar de Grace Jones sur la pochette de son disque, sans tomber dans l’écueil du tout radiophonique qui lui tendait les bras à l’orée de ses derniers projets.

B. J.

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