“Slalom” : une puissante analyse des mécaniques d’abus dans le sport

Lyz (Noée Abita), 15 ans, intègre la section ski-études du lycée de Bourg-Saint-Maurice. Petite boule d’énergie et de détermination, sa psychologie semble se réduire à cela : gagner les compét’, devenir la meilleure. C’est Fred (Jérémie Renier),...

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Lyz (Noée Abita), 15 ans, intègre la section ski-études du lycée de Bourg-Saint-Maurice. Petite boule d’énergie et de détermination, sa psychologie semble se réduire à cela : gagner les compét’, devenir la meilleure. C’est Fred (Jérémie Renier), son entraîneur, qui s’occupe de former Lyz, dans tous les sens du terme : il lui donne forme, et Charlène Favier insiste bien sur l’idée qu’une petite championne naît sous les doigts de son entraîneur.

Lorsqu’elle s’apprête à dévaler les pistes, Fred frotte son dos, ses jambes : ce sont les gestes d’un pygmalion qui sculpte les contours de sa proie. Slalom s’envisage comme une véritable expérience de laboratoire : prendre le corps d’une jeune fille, l’isoler, le former, le muscler, l’entraîner. Fred renseigne Lyz sur ses règles, “c’est beau, les règles, ça fonctionne avec la Lune” : il connaît mieux que Lyz le fonctionnement de son corps. Et parce qu’il lui donne vie, il peut en abuser : un 1er baiser, puis un viol. C’est ce subtil basculement que la réalisatrice parvient à parfaitement saisir, ce passage entre un geste d’entraîneur un peu paternel et une caresse d’homme.

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Fred a l’air aussi stupéfait de passer à l’acte que l’est Lyz, pétrifiée sur place – c’est la justesse de Slalom d’essayer, comme Lyz, de le comprendre jusqu’au bout, jusqu’à ce que ça craque. Si les scènes d’attouchements sont à ce point saisissantes, c’est qu’on a l’impression de les vivre depuis la conscience tétanisée de la jeune fille, une sorte d’érotisme sidéré – elle se laisse faire, elle n’est plus là. Fred n’est pas encore un bourreau pour Lyz, elle lui doit tout, elle l’aime – c’est bien le principe de l’emprise, que la cinéaste observe jusqu’à ses plus infimes nuances.

Et Lyz n’est plus qu’un corps qui a enfoui sa conscience dans la neige, qui s’endurcit, gagne, enfile sa tenue de ski comme on endosse une armure. Charlène Favier est comme son héroïne, elle slalome entre tous les obstacles du “film à sujet” pour expliquer l’histoire d’une jeune fille piégée dans la glace.

Slalom de Charlène Favier Avec Noée Abita, Jérémie Renier, Marie Denarnaud (Fr., Bel., 2019, 1h32)

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