“Solar Power” : Lorde goûte au folk sur un album en demi-teinte

C’est un album qui désamorce sans vanité les attentes qu’il agrégeait. Pour son troisième projet discographique, Lorde a fait le choix de la sérénité : le successeur de Melodrama, son effort salué de 2017 au sein duquel la chanteuse avait endigué...

“Solar Power” : Lorde goûte au folk sur un album en demi-teinte

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

C’est un album qui désamorce sans vanité les attentes qu’il agrégeait. Pour son troisième projet discographique, Lorde a fait le choix de la sérénité : le successeur de Melodrama, son effort salué de 2017 au sein duquel la chanteuse avait endigué ses mélancoliques insécurités, prend la forme d’une carte postale idyllique. Un document pour rendre compte d’un moment dans sa carrière où l’artiste se dévoile plus épanouie que jamais, dans un contexte pourtant on ne peut plus trouble.

Une dualité qu’Ella Yelich-O’Connor – de son vrai nom – a choisi d’embrasser : “Ce n’était pas une évidence de faire un disque optimiste où l’environnement est un sujet prépondérant, explique l’intéressée à l’occasion d’une courte entrevue. Mais explorer mon rapport à la nature impliquait de partager la joie qui le caractérise.” Si comme son titre le laisse deviner, Solar Power déborde de références à l’environnement, il serait toutefois injuste de le réduire à un disque sur le dérèglement climatique. La nature est perçue dans le disque comme une métaphore de l’état de son autrice : apaisée, mais fragile.

Optimisme hippie

Un océan sépare Solar Power de son prédécesseur, il se traduit en musique : exit la pop sophistiquée de Melodrama, Solar Power sonne folk, relevé par de timides orientations psyché et hippie. “Je préfère causer de ‘flower-child culture‘, corrige Lorde. Il y a des parallèles avec le mouvement hippie dans l’ambiance du disque, mais c’est aussi quelque chose de très new age.” Une façon de remettre au goût du jour une esthétique et une idéologie qui pourraient paraître désuètes face à l’urgence climatique – surtout quand le disque paraît dix jours après la publication du rapport alarmiste du GIEC à ce sujet.

S’il refuse le pessimisme, l’enregistrement n’est pas insensible au contexte de crise que traverse le monde : Lorde n’a pas fait un album depuis sa tour d’ivoire. En témoigne, les mentions récurrentes à une île dans plusieurs des morceaux du tracklisting. Utopique, ce havre fantasmé n’existe qu’en tant que refuge de la catastrophe en cours. “L’île dont je cause incarne une sorte de paradis. J’ai conscience que beaucoup de gens voient la Nouvelle-Zélande comme une sorte d’utopie, et c’est ce décalage avec la réalité que je voulais retranscrire. L’idée est de présenter le mythe, et de laisser les gens y croire ou le rejeter”, confirme l’artiste.

Un parallèle entre le bien-être de la chanteuse et son rapport à la nature, tous deux fragiles, qui se traduit dans le chant. C’est ainsi qu’on l’entend prévenir, dans The Path, en ouverture de l’album : “Now if you’re looking for a saviour, well that’s not me / You need someone to take your pain for you ? Well, that’s not me”. Là où son précédent effort semblait avoir pour ambition de catalyser avec compassion les sentiments d’une génération entre l’adolescence et l’âge adulte, voilà que Lorde se défile. “Je crois que j’essaye de détruire un peu l’aura qui accompagne le statut de célébrité : je ne suis pas une ‘queen’. Je veux faire comprendre aux gens qui m’écoutent que je suis comme eux, justifie-t-elle. On essaye tous de s’en sortir à un certain niveau, alors autant essayer ensemble : c’est ce dont le morceau cause. C’est parce que j’estime mes fans que j’ai envie d’être honnête avec eux.

>> À lire aussi : Avec son nouvel album, Billie Eilish fait tout pour ne pas être l’icône d’une génération

Une direction dépaysante dans la carrière de la chanteuse, et qui ne manquera pas de diviser son auditoire. Au point que le New York Times ait estimé dans un article que Lorde “n’essaye plus de faire des hits”. La citation la fait rire : “Faire des hits n’a jamais été ma 1ère préoccupation. Quand Green Light est sorti, j’ai eu l’impression que pas mal de monde était circonspect, donc ça ne m’étonne pas d’entendre ça. Alors, oui, l’album sonne différemment des autres, mais je crois que c’est aussi pour ‘choquer‘ que je suis là. Et puis Solar Power a un bon potentiel radiophonique.

Léthargie acoustique

Plus réservée et homogène, la musique de Solar Power est toujours le résultat de la collaboration entre Ella et Jack Antonoff, aux manettes de ses albums depuis Pure Heroine (2013). Mais il faut bien avouer que le terrain acoustique qu’elle explore pour la 1ère fois avec ce disque souffre d’un conséquent ventre-mou… qui s’étalerait en fait presque sur tout l’album. En dépit de l’inévitable association qui se dresse entre la palette sonore de Solar Power et la patte de Primal Scream, c’est l’atmosphère souvent léthargique et trop homogène des productions, pourtant toujours léchées, qui fait défaut au disque.

Pourtant, c’est bien cette démarche à contre-courant qui fait l’intérêt de l’album au sein de la discographie de Lorde. D’autant qu’il a été pensé pour se déployer dans la durée : “c’est le genre de disque que je préfère, mais aussi le plus exigeant puisqu’il demande qu’on y revienne encore et encore pour l’appréhender, révèle Lorde.” Rien de révolutionnaire bien sûr, et, volontaire ou pas, le résultat demeure critiquable. Mais Solar Power mérite une chance, au moins en tant que “weed album”, s’amuse la musicienne. Que l’on juge hypocrite la démarche en demi-teinte de son autrice ou que l’on regrette simplement les bangers de Pure Heroine et Melodrama, on ne reprochera pas à Lorde d’être heureuse (rappelons-nous la réception ingrate d’Assume Form de James Blake en 2018).

De la même manière, inculper Antonoff pour cette direction reviendrait, en dépit des évidentes similarités qu’entretien Solar Power avec les dernières sorties de Clairo ou Lana Del Rey (qu’il a aussi produites), à destituer Lorde de ses choix. Dès lors, il serait plus sage de voir le disque comme une bonne occasion de questionner nos attentes : de quoi passer le temps, pour occuper les quatre années qu’il faudra probablement attendre de nouveau avant de la voir revenir.

>> À lire aussi : Lana Del Rey, une cowgirl qui a le blues