“Solstice” : on vous dit tout sur le vrai-faux 1er album de Lala &ce

C’est une histoire de brume. Pas de brouillard, pas assez épais – on discerne tout de même les silhouettes, les formes, les intentions. Mais la brume est là, tour à tour vaporeuse et intense. C’est ainsi depuis le début, du moins depuis notre...

“Solstice” : on vous dit tout sur le vrai-faux 1er album de Lala &ce

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C’est une histoire de brume. Pas de brouillard, pas assez épais – on discerne tout de même les silhouettes, les formes, les intentions. Mais la brume est là, tour à tour vaporeuse et intense. C’est ainsi depuis le début, du moins depuis notre rencontre avec elle. Nous sommes en 2017, Lala &ce nous a tapé dans le cœur avec PDL, pour “poussière de lune”, un titre sur lequel elle grommelle des paroles, les rendant quasi incompréhensibles et d’autant plus sexys.

Elle vient de Lyon, est passée par Londres avant de s’installer à Paris, et ne nous quittera plus. Une mixtape en 2019, Le Son d’après, un album en 2021, Everything Tasteful. Sa voix déverse des hiéroglyphes sonores, l’Auto-Tune déforme, les prods se languissent, le cloud rap infuse. Elle puise ici et là mais ne copie-colle pas, créant un univers singulier, sensuel et défoncé.

Lala &ce cause de filles, beaucoup, de désir, aussi, ce qui se fait peu dans l’univers masculin et hétérosexuel du rap. En 2021, elle monte une comédie musicale à la Bourse de Commerce – Pinault Collection, Baiser mortel, avec Low Jack, DJ et producteur, et l’aide précieuse de Cyrus Goberville, programmateur musique du lieu.

Les tenues sont signées Marine Serre, les chorégraphies, Cecilia Bengolea. Sur scène se succèdent des tableaux interprétés par de jeunes gens modernes : Babysolo33, Jäde, Rad Cartier, Le Diouck, toutes et tous proches de celle que l’on surnomme Lala.

Le résultat n’est pas une totale réussite, mais le geste a le mérite de se distinguer dans le paysage artistique. À cet endroit précis surgit une modernité : relecture d’un vieux film américain, La mort prend des vacances (Mitchell Leisen, 1934), bris de codes, mise en avant d’interprètes racisé·es, musiques mixant des influences diverses, de la techno au R&B en passant par le reggaeton. Ça secoue, dans le bon sens.

“Avant, je compilais des morceaux que j’aimais. Ici, j’ai voulu suivre un fil conducteur”

Alors que la pièce devait être réarrangée et présentée ailleurs, plus rien. Dommage. Mais Lala &ce n’a pas dit son dernier mot. Après la mixtape SunSystem, passée un peu sous les radars à l’été 2022, la voici de retour avec Solstice. “C’est mon 1er album”, lâche-t-elle lors d’une séance d’écoute dans le studio Artistic Palace (Paris). Plus tard, elle nous précise ne rien renier de sa discographie, mais avoir tout simplement le sentiment qu’il s’agit ici d’un album formant un tout, avec un début, un milieu, une fin.

“Avant, je compilais des morceaux que j’aimais. Ici, j’ai voulu suivre un fil conducteur, narratif, réfléchir précisément à la succession des morceaux. Il y a d’ailleurs une intro, des interludes.” Solstice est un “album-concept”, terminologie légèrement effrayante – se targuer soi-même de produire du concept ne donnant pas toujours du bon.

Des êtres humains zombifiés

Solstice a donc une histoire. Celle d’un monde dystopique, dirigé par “la ligne”, des êtres humains zombifiés, auxquels va s’opposer “le but”, un groupe utilisant les soundsystems et la musique afin de se rebeller. “Ils essayent d’illuminer les gens avec leur musique qui est leur soleil dans cette ville sombre où plus personne ne voit rien. Un monde devenu sans couleurs, qui a renié le soleil. C’est un message sur la société actuelle mais aussi sur le paysage musical monotone. Beaucoup de choses se ressemblent, les gens se copient, n’innovent plus.”

Écrit, composé et réalisé entre le Canada, Los Angeles et Paris, avec l’aide de Phazz, beatmaker, réalisateur et pianiste qui a notamment travaillé avec Orelsan, et Mohamed Sqalli à la direction artistique, Solstice déploie un univers tout en permettant à certains morceaux de vivre par eux-mêmes, tel No More Time, consacré à une déception amoureuse : “J’ai cherché à plaire à une conne, j’ai failli y laisser ma plume”, commence Lala &ce.

“J’hésite parfois à causer de moi, je n’aime pas quand c’est trop explicite”

Elle commente : “J’ai vécu des choses difficiles ces derniers temps, des décès, une rupture.” Le silence se fait. “J’hésite parfois à causer de moi, je n’aime pas quand c’est trop explicite. Je préfère tourner autour du pot. Je l’ai moins fait sur cet album mais c’est difficile de ne pas être cringe, d’être juste. D’en dire, mais pas trop.”

Côté influences, Lala cite les éternel·les Missy Elliott et Lil Wayne qui ont bercé sa jeunesse et dont elle nous parlait déjà en 2017, mais aussi et surtout The Weeknd, adepte d’albums plus cinématographiques que conceptuels. “J’aime comment il se renouvelle. Ses hits sont trop forts. Sa DA sombre, sarcastique, me cause. Par contre, la série The Idol, j’ai regardé cinq minutes et j’ai arrêté, trop vulgaire. Mais lui y tient un rôle dégueulasse sur une industrie à laquelle, pourtant, il participe. Ça, c’est bizarre et intéressant. Il pourrait juste jouer la reusta mais non, il fait du second degré.”

Plus surprenant, Lala s’est prise de passion pour la musique classique. “Un soir, je suis rentrée chez moi et je suis tombée sur Chopin, la Nocturne op. 9 n°2, sur YouTube. Ça m’a retournée de ouf, je ne sais pas jouer de piano mais je me suis mise à apprendre pour pouvoir jouer ce morceau. J’avais grave négligé jusqu’à présent. Tchaïkovski, Liszt, Schubert… Ça a sûrement influencé des moments épiques dans l’album, ou mélancoliques.”

Autre source d’inspiration : la fête qui lui colle à la peau, elle que l’on croise plus souvent la nuit que le jour. “J’aime les sons qu’on écoute en boîte, bien club. J’aime le délire du club. J’aime l’oubli de soi. On dirait une autre réalité. Il fait nuit, on boit, on refait le monde. On peut trouver l’amour. C’est une autre vie, mais faut pas s’y perdre.”

“Je crois en la science comme aux esprits qu’on ne voit pas forcément”

En quête de sens, Lala se dit croyante, mais pas religieuse : “Je crois en un dieu. Ou même dans le soleil. Il y a une pensée ou quelque chose qui a créé tout ça. Je crois en la science par exemple, comme aux esprits qu’on ne voit pas forcément. On vit dans un monde incroyable. Il y a du feu, de l’eau, c’est pas le chaos, c’est ordonné. Ça pourrait être un jeu vidéo, limite.”

Elle cite l’importance du soleil dans les civilisations anciennes, égyptienne ou maya, qui lui a inspiré Solstice. La lumière pour chasser sa propre obscurité ? Lorsqu’on lui demande quelles sont ses peurs, elle botte en touche : “C’est motus et bouche cousue, ça.” Lala est du genre taiseuse. Une brume qui va et vient, modifiant le paysage avec l’audace du geste singulier.

Solstice (Columbia/Sony Music), sortie le 2 février. En tournée française et à l’Olympia, Paris, le 13 mars.