Stéphanie Gillard, réalisatrice du film « Joueuses : #Pas là pour danser »
Pendant un an, Stéphanie Gillard a suivi les joueuses de l’Olympique Lyonnais lors de la saison 2018-2019. Entre images de terrain, de vestiaires et des entretiens avec les joueuses, la réalisatrice nous montre le quotidien d’une joueuse professionnelle,...
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Pendant un an, Stéphanie Gillard a suivi les joueuses de l’Olympique Lyonnais lors de la saison 2018-2019. Entre images de terrain, de vestiaires et des entretiens avec les joueuses, la réalisatrice nous montre le quotidien d’une joueuse professionnelle, mais aussi l’évolution du football féminin à travers plusieurs générations qui se côtoient au sein du même vestiaire.
Les Sportives : Comment est né le projet de « Joueuses » ?
Stéphanie Gillard : Pendant l’été 2018, juste après la victoire des français à la Coupe du Monde, je me suis dit qu’il serait intéressant de faire un documentaire en mode « Les yeux dans les bleus » sur les joueuses françaises, car je pensais que si nous voulions que le public s’intéresse davantage à elles, il fallait mieux les connaitre pour mieux s’identifier à elles. La productrice Julie Gayet a trouvé l’idée excellente mais la fédération a pensé que cela serait trop compliquée de filmer et de suivre l’équipe de France pendant cette Coupe du monde 2019. En parallèle, nous avions rencontré Jean-Michel Aulas, le Président de l’OL, qui était convaincu par ce projet et partant pour nous ouvrir les portes de son club. De plus, il connaissait la personnalité de ses joueuses donc il savait que ça « matcherait » !
« Les yeux dans les bleus » est une référence pour vous.
Ce film m’a beaucoup marquée, et d’ailleurs, je pense ne pas être la seule ! Il est très bien fait car il est proche des joueurs, il entre dans l’équipe, beaucoup plus que celui sur la victoire en 2018 où on a l’impression d’avoir plus vu et appris des stories des joueurs sur les réseaux sociaux que dans le documentaire. J’ai également adoré « Zidane portrait du XXIe siècle », pour la manière de filmer les matchs. D’ailleurs, je m’en suis inspirée pour le traitement sonore de ce film, pas de la BO de Mogwai, mais du son qui avait été complétement refait en studio, notamment les petits bruits sur lesquels les joueurs ou joueuses peuvent se focaliser au milieu du brouhaha du public.
« Joueuses : #Pas là pour danser » est un titre engagé. Est-ce un clin d’œil à la tribune d’Ada Hegerberg publiée fin 2018 ?
Oui c’est tout à fait cela. Dès le début du projet, nous cherchions un titre accrocheur, et en consultant les archives sur le football féminin, j’ai remarqué que les journalistes comparaient souvent les joueuses à des danseuses. Et puis, lorsque Ada a publié sa tribune à la suite de la remise de son ballon d’or et de l’incident avec le DJ Martin Solveig, je me disais que c’était le titre idéal.
Que souhaitez-vous montrer à travers ce film ?
Je voulais raconter une équipe féminine de football. Quel était leur quotidien ? Comment se déroulait une journée ? Comment une équipe fonctionne ? Le rapport entre les joueuses. Comment elles vivent une saison ? Si j’avais filmé une équipe masculine, j’aurais fait le même travail. Je n’ai pas filmé différemment car c’était une équipe féminine. En revanche, l’environnement apporte d’autres questions. Le fait que ce soit une équipe féminine a ajouté d’autres problématiques à soulever, comme les différences de traitement avec les garçons, leur place au haut niveau et leur manque de reconnaissance.
Pourquoi avez-vous fait le choix de suivre le quotidien des joueuses de l’OL et pas d’une équipe au niveau amateur ?
Indiscutablement, c’est notre rencontre avec Jean-Michel Aulas qui a fait basculer le projet du côté de l’OL. C’était inenvisageable de refuser cette opportunité ! Cette équipe a aussi l’avantage de réunir des joueuses qui avaient connu le football à Lyon avant sa professionnalisation, je pense à Wendy Renard, et d’autres qui dès l’âge de 16 ans ont signé leur premier contrat pro. On peut donc voir au sein d’une même équipe une confrontation de générations, ce qui permettait de raconter l’évolution de ce sport et son histoire.
Vous ne donnez la parole quasiment qu’aux joueuses, pourquoi ?
J’ai fait plusieurs interviews du staff mais je ne les ai pas gardés au montage car cela ne correspondait pas à la forme que je voulais donner au film. C’est un choix qui s’est fait au fur et à mesure du montage. Avec Reynald Pedros, le coach, je n’ai pas pu filmer tout ce que je voulais, je ne pouvais pas faire un film sur le coaching, le rapport purement sportif du match et de sa stratégie car je n’avais pas cela sur tous les matchs. Ça aurait été frustrant pour le public. De la même manière, j’avais interviewé plusieurs joueurs de l’OL lors d’un shooting photo pour avoir leur avis sur les joueuses. Finalement je n’ai pas retenu cette séquence car je ne voulais pas donner l’impression que ces joueuses devaient avoir la validation des garçons pour être reconnues. J’ai décidé de me concentrer sur qui étaient les joueuses. Quels étaient leurs parcours ? leur personnalité ? Leur début dans le football. Comment vivent-elles leur sport ?
« On voit que si on leur donne les mêmes moyens, les filles remportent de grandes victoires, elles progressent. »
« Si on retire l’argent, on fait le même métier, mais on ne peut pas espérer gagner même la moitié parce que l’argent qui est injecté chez les hommes est délirant. Mais ne pas être traités avec respect, et de ne pas être traitées comme des professionnels, c’est bien pire que Ada qui ne touche pas autant d’argent que Messi ou Ronaldo ». Que pensez-vous de cette citation ?
Je suis entièrement d’accord avec cette phrase de Jessica Fishlock, internationale galloise. La question est d’abord qu’elles soient reconnues comme de véritables professionnelles, car elles le sont, mais une certaine partie du public a toujours tendance à les comparer aux garçons, qu’elles sont nulles, lentes, que certaines équipes masculines amateures pourraient les battre. Ce n’est pas la question, on n’a jamais imaginé de mettre en compétition un sprinteur et une sprinteuse. Pourtant tout le monde respecte les sprinteuses. Cependant il faut noter que l’OL est à part dans le paysage du foot français, à l’exception du PSG, car les filles bénéficient des mêmes infrastructures que les garçons, à l’exception du grand stade qu’elles fréquentent seulement lors des grands rendez-vous, et ça c’est la volonté de Jean-Michel Aulas. Et l’on voit que si on leur donne les mêmes moyens, les filles remportent de grandes victoires, elles progressent.
Pensez-vous que la Coupe du monde a fait changer les mentalités ?
Je crois que les clubs anglais, espagnoles et italiens ont bien compris que donner plus de moyens aiderait à faire progresser leur équipe féminine. Elles vont se professionnaliser et donner plus régulièrement accès à leur grand stade. Je suis plus inquiète pour la France. L’OL est une exception. Faire jouer les filles dans des grands stades va permettre de leur donner plus de visibilité mais aussi d’améliorer le spectacle pour les supporters mais aussi d’attirer un peu plus la télévision, car les petits stades n’ont pas forcément d’aménagements pour accueillir des caméras. C’est aussi le meilleur moyen pour les petites filles de se faire des modèles. Avant, les joueuses avaient uniquement des garçons pour modèle. D’ailleurs dans le film, on voit que la nouvelle génération, incarnée par Selma Bacha, a pour modèle Amel Majri, avec qui elle joue.
Lors du déplacement de Sarah Bouhaddi,la gardienne, dans une école, les enseignants expliquent que les filles n’ont pas accès au terrain de foot de l’école car les garçons l’occupent sans arrêt. La cour d’école est-elle un lieu stratégique pour faire évoluer la place des sportives et plus largement des femmes ?
Ce n’est pas seulement le terrain de foot mais toute la cour d’école que les garçons investissent ! C’est un lieu stratégique pour faire évoluer les sportives mais plus largement les femmes dans la société. Si 90% de la cour de récréation est occupée par les garçons pour jouer au foot, les filles sont dans un espace réduit, et déjà à la marge. Ainsi on retrouve cette idée dans la société où les garçons sont habitués à occuper l’espace et les filles à rester sur le côté. Ces réflexes se gardent dans les rapports sociaux. D’ailleurs ce film doit avoir un rôle pédagogique et nous espérons le projeter le plus largement dans les classes et clubs de foot. On espère une prise de conscience mais j’ai énormément confiance en ces générations futures.
En 2004, vous aviez déjà réalisé un film sur le football « Une histoire de ballon » et un autre sur l’escrime. Quel est votre lien au foot et plus largement avec le sport ?
Au foot, je suis spectatrice. Je n’ai jamais joué dans un club, juste un peu à l’école quand il manquait un joueur. En revanche, je pratique l’escrime, à raison de deux à trois entrainements par semaine et des compétitions un week-end sur deux. Au-delà de la pratique, j’adore les documentaires sportifs, et j’adore filmer le sport, pas pour filmer l’exploit, mais pour sa capacité à révéler et raconter des choses sur notre société.
Propos recueillis par Julien Legalle
Article extrait du magazine numéro 16 Les Sportives
L’article Stéphanie Gillard, réalisatrice du film « Joueuses : #Pas là pour danser » via @ Les Sportives.