“Super-bourrés”, derrière le rire potache, un teen movie surprenant ?

On a senti monter, cet été, une certaine attente à l’endroit de ce film dont le titre, l’affiche, l’improbable casting de stars beaufisantes en seconds rôles (Vincent Moscato, Jason Chicandier, mais surtout Jean Lassalle) font l’effet d’un...

“Super-bourrés”, derrière le rire potache, un teen movie surprenant ?

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On a senti monter, cet été, une certaine attente à l’endroit de ce film dont le titre, l’affiche, l’improbable casting de stars beaufisantes en seconds rôles (Vincent Moscato, Jason Chicandier, mais surtout Jean Lassalle) font l’effet d’un happening en soi. Indices à l’aune desquels on ne l’a bizarrement pas tant soupçonné de verser dans la grossière pochade en apparence promise, mais plutôt de viser un pas de côté plus subtil, éventuellement poseur (c’était un risque). En tout cas, d’être moins désireux d’exploiter au 1er degré les trognes, la picole et la comédie que de regarder tout cela de biais.

On ne s’y était pas trompé. Frais émoulu du département scénario de La Fémis, Bastien Milheau signe un 1er film qui ne se pince, certes, heureusement pas le nez avec le rire sudiste potache, mais qui vise essentiellement par-devers lui, une autre couleur, celle à la fois de l’étrangeté et de la tendresse, à l’instar d’une certaine tradition de comédie d’auteur teenage française (Les Beaux Gosses, Le Nouveau…) dont il se fait l’héritier.

Étrangeté, avec d’abord ce couple d’ados très dissemblables, lui très malingre, la voix traînante, elle costaude et masculine, et un accent à décorner les bœufs : deux corps et deux dictions singulières qui s’imposent à l’écran, pas si loin d’un Dumont (un Dumont du midi ?).

Douces vapeurs

Étrangeté, surtout avec cette idée géniale d’un monde où l’addiction généralisée à l’alcool ne serait plus un objet de déni dissimulé par le folklore, la culture, la bonne excuse de la convivialité, mais une passion assumée par toutes et tous. Religion de la murge, qui projette Super-bourrés quelque part entre la farce satirique et le conte : tout le monde y réclame constamment à boire, l’ébriété fait office de nirvana, et le destin de tout homme est de la poursuivre sans relâche, jusqu’au jour où il se plantera dans le platane de son éternel repos. Ceux qui bordent la route menant au village sont tous ornés de bouquets de fleurs (“c’est lequel, celui de ton père ?”) en hommage à ceux qui y ont trouvé leur fin certes tragique, mais surtout une espèce de complétude de leur fatum.

Et tendresse donc, qui exsude de tous les pores de ce récit de sortie d’adolescence reprenant – à un fil du remake – la trame de SuperGrave (le périple odysséen d’un tandem de lycéens vers une fête dont ils ont pris en charge les courses de gnôle, l’horizon tragique de l’entrée en fac et la fin inévitable d’une amitié d’enfance), plus ou moins son titre, mais aussi et surtout la douceur de son regard. Super Bourrés est plein d’une sensibilité particulière à l’adolescence et tout particulièrement l’adolescence rurale, celle du Sud-Ouest, avec ces manières de négocier comme on peut avec la camaraderie virile du rugby et de la tise, ces non-dits qui couvent et que le film s’attache à fissurer – c’est certes un cliché, mais ce n’est néanmoins pas un vain mot. Le film se déplace dans ce monde avec une délicatesse qui n’est pas sans évoquer celle des trop rares cinéastes ayant su filmer, pour le dire un peu synthétiquement, l’Occitanie : Guiraudie, les frères Larrieu, Jacques Nolot. Le mode est ici plus formaté par la comédie d’exploitation, par le teen movie, mais n’en reste pas moins appliqué à brosser soigneusement ce lieu, sa sociabilité propre, ses archétypes, et donc à viser quelque chose de trop rare : une comédie qui sonne juste.

Superbourrés de Bastien Milheau avec Pierre Gommé et Nina Poletto. En salle le 30 août.