Supersonic’s Block Party 2024 : à la découverte des fleurons du rock indé

“La Block Party sans les British, ça aurait tout de suite moins de gueule !”, lançait à la cantonade un type juste devant nous, au beau milieu du concert de Big Special – deux troubadours punk de Birmingham qui conjuguent spoken-word inquiet...

Supersonic’s Block Party 2024 : à la découverte des fleurons du rock indé

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“La Block Party sans les British, ça aurait tout de suite moins de gueule !”, lançait à la cantonade un type juste devant nous, au beau milieu du concert de Big Special – deux troubadours punk de Birmingham qui conjuguent spoken-word inquiet et génie comique, au fil d’un live un brin désarmant et cadencé de leurs élans burlesques. Leur performance – l’une des trente ayant rythmé la seconde Block Party du Supersonic – aurait eu de quoi donner raison au gaillard d’en face. C’était sans compter sur la capacité de la salle de Bastille à défricher par-delà les terres britanniques, conviant la fine fleur des scènes alternatives du monde entier dans le quartier le plus cool de Paris. 

Une édition qui nous a fait gambader d’un lieu à l’autre dans le coin de la maison mère, vers les adresses où les concerts se tenaient (le Supersonic Records, la Seine Café et le Guru) et nous a fait connaître les groupes qu’il nous faudra suivre dès à présent, tout droit venus de Bristol comme de Berlin, Amsterdam, LA, Toronto, Melbourne… Florilège de nos coups de cœur.

Adult DVD, les grands enfants

Ces six-là viennent de Leeds et nous ont asséné la 1ère claque musicale du festival. La nuit pas encore tombée et leur set tout juste emmanché qu’Adult DVD achevait de transformer le Supersonic en grand dancefloor. Difficile de rester inerte à l’écoute de leur musique, fusion électrisante de punk et d’acid house – genre auquel ils empruntent les distorsions synthétiques. Le tout mené par un chanteur effronté, suivi par ses compères, les yeux rivés sur leurs instruments et leurs potards. Une demi-heure de show que ces nerds des synthés auront ponctuée d’une ovation à l’ingé son du soir, et d’un furtif instant promo : 7 Foot 1, leur dernier single, est sorti il y a deux semaines. La suite ne passera pas sous nos radars.

Sunfruits, échappé·es des sixties

De drôles rudiments de français (“Bob l’éponge carrée”?), une certaine verve et beaucoup de minutie. Les Sunfruits ont parcouru quelques milliers de kilomètres pour venir jusqu’au Guru, quittant leur Melbourne natal à l’occasion d’une tournée européenne – la 1ère. De leur set pop aux couleurs psychédéliques, on retiendra la prestance du batteur (aussi chanteur), tapi dans les vapeurs bleutées de la scène, la facétie du claviériste, l’exaltation contagieuse de la guitariste et de la bassiste (chanteuses elles aussi). Et surtout, leur appel collectif à ne jamais baisser la vigilance quant à la guerre qui sévit à Gaza. Le slogan “Free Palestine”, inscrit sur l’une des deux guitares électriques, était là pour nous le rappeler. 

ENOLA, une formation bien rodée 

Propension du festivalier à brailler lorsqu’il est question de commenter le concert en cours, on a entendu l’un d’eux acter que “là, y [avait] du talent !”. On acquiesce volontiers, tant le passage d’ENOLA a fait montre d’un subtil mélange de maîtrise et d’abandon. De part et d’autre de la chanteuse, qui emmène le groupe d’une autorité naturelle, trois musicien·nes au service de sa voix tout en puissance. Australien·nes elles·eux aussi, ENOLA tapent dans un post-punk aux réminiscences coldwave, terrain propice aux textes écorchés de son autrice. Après cette toute 1ère date tricolore sur la scène du Supersonic, le groupe sera de retour en France fin août, au festival La Route du Rock, à Saint-Malo. Fort probable que l’on réponde présent. 

For Breakfast, patchwork art-rock

À peine la porte du Records franchie, une mélodie de saxophone emplit l’espace feutré. Si l’on a pris le train en cours de route, il ne nous a pas fallu longtemps pour nous laisser happer par l’aura de For Breakfast, sextet londonien dont la musique expérimentale était exactement ce dont on avait besoin, là, à cet instant précis. Des vagues instrumentales tout en nuances, un dialogue guitare-saxo entremêlé d’une voix aérienne – celle de Maya Harrison, la chanteuse du groupe. Avec For Breakfast, on a navigué entre art-rock, jazz fusion et dream pop, on s’est envolés dans les hauteurs et on a un peu perdu la notion du temps. Le titre de leur EP, Trapped in the Big Room, aurait dû nous mettre sur la voie.

Marathon, athlètes de haute volée

Voilà sans doute l’un des concerts les plus incendiaires du festival : Marathon, un groupe d’Amsterdam dont le nom ne semble pas avoir été choisi par hasard, tant ils·elles allient endurance et fureur. Leur musique, un post-punk nourri de sonorités shoegaze, semble taillée pour les caves. C’est justement dans celle de la Seine Café – pleine à craquer – que Marathon s’est élancé dans sa course, suivi volontiers par le public parisien. On y a secrété de l’endorphine et pas mal transpiré – l’atmosphère moite et les pogos n’y sont sans doute pas pour rien – à la manière d’un footing dominical, finalement. Les pluies de bière en plus.