“Tambour Vision” : l’album aussi percutant que synthétique de Bertrand Belin
Est-ce parce que “bec” fait partie du vocable habituel de Belin ? Rien ne qualifie mieux Bertrand – sa silhouette, sa position dans le paysage – que le libellé “drôle d’oiseau”. Si bien que, si sa pochette renvoie à la chute de Vertigo, on...
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Est-ce parce que “bec” fait partie du vocable habituel de Belin ? Rien ne qualifie mieux Bertrand – sa silhouette, sa position dans le paysage – que le libellé “drôle d’oiseau”. Si bien que, si sa pochette renvoie à la chute de Vertigo, on imaginera plutôt l’homme de Tambour Vision s’envoler avec la classe d’un James Stewart plutôt que choir.
Un envol, c’est aussi ce qui est à l’œuvre dans la trajectoire du Breton avec l’élan pris sur deux albums : Cap Waller (2015) puis Persona (2019), deux disques où progressivement les sonorités synthétiques prennent le pas sur les arrangements acoustiques en dessinant une ligne de fuite.
Une liaison dangereuse avec Laroche Valmont
Bazardant tout folk, Bertrand Belin atteint ici un dépouillement qui n’est plus celui de Parcs (2013, 1er achèvement dans sa discographie), qui n’est pas non plus exactement celui du Leonard Cohen tardif. Même si, passant de la ballade boisée aux synthés économes, le parcours de l’un rappelle celui de l’autre – se souvenir aussi d’une si belle reprise live de Hey, That’s no Way to Say Goodbye.
Sur Tambour Vision, les claviers qui mènent la danse renvoient ici aux mélanges tokyoïtes jazzy de la pop Shibuya-kei (Que dalle tout, T’as vu sa figure), là aux luminescences radioactives de Kraftwerk (Lavé de tes doutes). Quant à son extraordinaire et tubesque Alléluia, il esquisserait presque une liaison dangereuse avec Laroche Valmont.
Le phrasé cousine avec Bashung, mais on se gardera d’aller trop vite en héritage
Mais ce coco-là n’a pas que le look, il a surtout l’attitude, cette chose si rare qui fait la différence entre les poseurs et les poètes. Accompagné sur ce septième album studio du seul et fidèle Thibault Frisoni, Belin cisèle des titres à l’image de son allure – secs et dansants. La peau tendue de ce Tambour est tannée par Renaud Letang, déjà croisé par l’acteur Belin sur le Tralala des Larrieu.
Creuser dans la matière
Comme chez Frànçois & the Atlas Mountains (pour Banane bleue, avec qui BB partage une belle cohérence dans les textures pop), Renaud Letang a le mix délicat autour de la voix. Le phrasé cousine bien sûr avec Bashung, mais à l’instar d’un Stéphane Milochevitch (Thousand) on se gardera d’aller trop vite en héritage.
Belin hérite de tout mais aussi de “que dalle”, nous dit son élégant single aux paroles supérieures. Le dandy dégraisse le texte (Carnaval, Tambour, National et leur horizon mono-mot) et en appelle aux figures de son passé : l’homme et la femme de Sur le cul reviennent en déjà-vu.
On entendra ici ou là poindre le reproche – autoparodie. Mais est-ce que David Lynch s’autoparodie quand il filme Inland Empire ? Ou Joyce lorsqu’il écrit Finnegans Wake ? On a là affaire à un style qui boucle sur lui-même, non pas en cercle fermé mais bien plutôt en spirale, comme une foreuse à la tête aiguisée qui viendrait creuser dans la matière.
Et nous irons, en milieu d’album, cueillir la Marguerite qui, sur ses nappes à la Lucy Jordan et avec l’allant des morceaux chantés au futur, compte d’ores et déjà parmi la poignée de très grandes chansons signées Belin. Constellées d’onirisme, telles sont les sidérantes visions de ce tambour battant.
Tambour Vision (Cinq7/Wagram). Sortie le 6 mai. Concert le 9 décembre à Paris (Salle Pleyel).