“Tár”, “Babylon” et la toute-puissance de l’art
À la fin de Tár de Todd Field, on peut, si on est aussi allé voir Babylon de Damien Chazelle, éprouver une légère impression de déjà-vu. Les deux films se concluent en effet par un même travelling sur un parterre de spectateur·ices qui acte...
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À la fin de Tár de Todd Field, on peut, si on est aussi allé voir Babylon de Damien Chazelle, éprouver une légère impression de déjà-vu. Les deux films se concluent en effet par un même travelling sur un parterre de spectateur·ices qui acte la déchéance du personnage principal (seul son sens les différencie : de haut de la salle aux 1ères rangées pour Babylon, l’inverse pour Tár).
Dans le film de Todd Field, la cheffe d’orchestre déchue de son statut de star finit par diriger un ensemble d’amateur·ices interprétant des B.O. de films d’heroic fantasy pour un public d’adso déguisés en cosplay. Tandis que dans celui de Chazelle, l’ancien aspirant mogul déclassé comme vendeur d’appareils électroménagers retourne pour la 1ère fois en salles et réalise à quel point le cinéma parlant a remplacé l’art du muet.
Sans jamais y arriver, Babylon tente laborieusement d’exalter la magie du cinéma muet hollywoodien, en insistant bien sur la dimension érotique de cette puissance perdue, qui trouve son apogée dans la partouze géante qui ouvre le film et son crépuscule avec la fin du muet et l’apparition du code Hays. De son côté, le personnage de Tár se voit lui privé de ses privilèges sexuels de femme puissante par une époque plus soucieuse des abus de pouvoir ; une époque que le personnage ne se prive pas d’attaquer dans une (inter)minable scène d’humiliation d’un jeune étudiant woke. Ce qui a permis la révolution à l’œuvre dans les deux films n’est pas non plus sans lien : d’un côté la possibilité d’une parole (celle du cinéma parlant) et de l’autre la libération de la parole (celle sur le harcèlement et les agressions sexuelles).
Arc-bouté sur une époque qui les a poussés dans l’ombre, les personnages des deux films sont-ils pour autant réactionnaires ? Si c’est assez vrai pour Tár, ce ne l’est pas pour Babylon. Cependant, la sortie quasi simultanée de ces deux objets est symptomatique des révolutions qui agitent nos sociétés contemporaines. Au-delà de leur fin jumelle, Babylon et Tár partagent quelque chose de plus profond : ils sont hantés par la peur du remplacement et la nostalgie d’une époque de toute-puissance et d’abondance. Il s’agit au fond de deux films sur le processus de deuil du sentiment de toute-puissance, voire de l’impunité, accordé par l’art.