“Tár”, “Divertimento” : quand musique classique et cinéma dialoguent

Les films sur des musicien·nes classiques butent toujours sur le même problème : leurs stars n’ont eu au mieux que quelques mois pour s’exercer à l’instrument dont elles sont censées interpréter des virtuoses. La mise en scène doit alors redoubler...

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Les films sur des musicien·nes classiques butent toujours sur le même problème : leurs stars n’ont eu au mieux que quelques mois pour s’exercer à l’instrument dont elles sont censées interpréter des virtuoses. La mise en scène doit alors redoubler de malice pour dissimuler la supercherie dans les trous du montage ou en incorporant des doublures, mais souvent l’adhésion se heurte à un doute face à la maladresse tangible de la position des mains, de la posture, y compris pour un œil néophyte.

Le problème est résolu par la figure du ou de la chef·fe d’orchestre, dont un·e grand·e interprète suffisamment technique peut généralement approcher le langage corporel sans nécessiter de triche visuelle, et donc plonger pleinement dans son rôle, sans parasitage de son incarnation ni rupture de continuité. C’est le cas de deux films sortant cette semaine, Tár et Divertimento, aux profils évidemment incomparables puisque le 1er est une œuvre d’auteur luxueuse en position de triompher aux Oscars et le second un “film du milieu” hexagonal relativement discret, potentiellement à succès moyennant bouche-à-oreille, mais sans d’immenses prétentions de prestige.

Malgré cela, les films ne sont pas sans points de jonction : écrins pour performances d’actrices (Cate Blanchett et Oulaya Amamra, toutes deux très bien), ils ont en commun de faire du monde de la musique classique le théâtre d’affrontements politiques exacerbés, conflits de classe, de genre ou d’âge saisis dans un milieu par nature hypertendu entre le conservatisme du répertoire et une quête sans fin de modernité. Surtout, ils mettent au centre du jeu une figure de cheffe à qui le pupitre offre une position originalement agissante sur ces enjeux, qu’elle subit, certes, mais semble aussi pouvoir insidieusement diriger, manipuler, bref : orchestrer.

Le parallèle s’arrête là car encore une fois, les films ne jouent pas dans la même catégorie : la sophistication de la mise en scène du 1er, grande peinture néoclassique sertie de plans à triple fond, ne souffre pas la comparaison avec l’imagerie scolaire du second. Mais reste une interrogation : pourquoi cette recrudescence du motif ? Quelques mois après un troisième représentant (Maestro(s)) de ce genre pourtant rare, la question n’est pas évitable. On se risquerait à proposer que le cinéma trouve ici, au fond, une occasion de causer en douce de lui-même. Le ou la chef·fe d’orchestre est naturellement aussi un avatar du ou de la réalisateur·trice, drôles de métiers d’artistes gestionnaires qui semblent superficiellement ne servir à rien mais impulsent mystérieusement le souffle de l’œuvre. Et à travers leurs scènes respectives de masterclass ou de répétition, Tár comme Divertimento ne sont pas en reste en matière de commentaires à haute voix sur l’art – un art dont on ne sait pas toujours bien duquel il est question, mais dont il est clair qu’il se tourmente sur sa place dans le monde qui l’entoure, et qu’il se sent en danger.

Édito initialement paru dans la newsletter Cinéma du 25 janvier. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !