“Teddy”’, un loup-garou drôle et touchant

Ça ressemble à une fable pastorale à la Bruno Dumont, aspirée dans le bain d’hémoglobine d’un monster movie généreusement sanguinolent, et croisée avec un film des frères Coen dont les habituels flics patauds auraient l’accent de Jean Lassalle....

“Teddy”’, un loup-garou drôle et touchant

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Ça ressemble à une fable pastorale à la Bruno Dumont, aspirée dans le bain d’hémoglobine d’un monster movie généreusement sanguinolent, et croisée avec un film des frères Coen dont les habituels flics patauds auraient l’accent de Jean Lassalle.

C’est ainsi qu’on est tenté de baliser l’itinéraire déroutant de Teddy, deuxième long métrage des prometteurs frères Boukherma (cinq ans après Willy 1er), jumeaux d’à peine 30 ans versés dans le cinéma de genre, la satire sociale et le portrait tendre de personnages marginaux.

Teddy (Anthony Bajon, récipiendaire de l’Ours d’argent à la Berlinale de 2018 pour son rôle dans La Prière), c’est ce jeune gars déscolarisé, du genre rebelle, qui vit chez son oncle dans un bled isolé des Pyrénées.

Quand il ne travaille pas pour le compte d’une masseuse lubrique (Noémie Lvovsky), qui le drague lourdement autant qu’elle le rabroue, Teddy zone sans but dans le village cerné par les montagnes et la forêt, et rend visite à sa petite amie Rébecca, sur le point de passer son bac.

Une variation pyrénéenne sur le thème du loup-garou

Avec sa gueule pouponne d’ado attardé, son énergie grunge et son inamovible T-shirt à motif dragon, Teddy paraît extraterrestre dans ce bled paumé, un freak duquel les villageois·es s’accommodent quand il·elles ne le montrent pas craintivement du doigt. Un soir de pleine lune, une mystérieuse bête poilue le griffe. Les jours qui suivent, il est pris de curieuses pulsions animales, et se réveille hébété au milieu d’un champ, le corps recouvert d’un sang qui ne lui appartient pas.

A lire aussi : Le film de genre, nouvel eldorado du cinéma français ?

Variation pyrénéenne sur le thème du loup-garou, Teddy n’est pas le film un peu fabriqué qu’on aurait pu craindre. Derrière le vernis cool d’un improbable croisement de genre, où le film de monstre avoisine la satire sociale doucement rigolarde, se terre une ambition autrement moins cosmétique.

D’abord à travers le portrait sensible, chargé de revanche sociale, de son personnage éponyme – jeune homme inadapté, en dehors des clous mais profondément touchant –, ensuite à travers celui de ce monde campagnard en vase clos, où la vie est rythmée par les cérémonies devant le monument aux morts et les lotos à la salle des fêtes.

La lycanthropie du film remplit son rôle ancestral

Tendre, parfois cruel mais jamais moqueur, le regard que portent les Boukherma sur leur sujet rappelle celui des frères Coen quand ils dépeignent avec drôlerie et un soupçon de malice le quotidien de péquenaud·es qui n’en sont finalement pas vraiment.

Quant à la lycanthropie au cœur du film, elle remplit son rôle ancestral : révéler la monstruosité larvée dont on accable les parias, et qui se décharge en une folie vengeresse incontrôlée. Respectueux du genre qu’ils investissent, Ludovic et Zoran Boukherma préfèrent à la parodie surplombante une littéralité brute (en témoigne la dernière séquence, ébouriffante) et parviennent à jongler avec les registres grâce à un sens de l’équilibre funambule.

Teddy de Ludovic et Zoran Boukherma, avec Anthony Bajon, Christine Gautier, Noémie Lvovsky (Fr., 2020, 1h28). En salle le 30 juin