TÉMOIGNAGE. Marie Rabatel (Cassée debout) : "Je l'ai dessiné...", son récit déchirant sur son viol à 12 ans

Jusqu'à vos 14 ans, âge où l'on vous diagnostique autiste, votre scolarité a été un enfer...Marie Rabatel : En fait, j'étais différente. J'allais très souvent chez l'orthophoniste pour apprendre à placer ma langue et causer correctement, à...

TÉMOIGNAGE. Marie Rabatel (Cassée debout) : "Je l'ai dessiné...", son récit déchirant sur son viol à 12 ans

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Jusqu'à vos 14 ans, âge où l'on vous diagnostique autiste, votre scolarité a été un enfer...

Marie Rabatel : En fait, j'étais différente. J'allais très souvent chez l'orthophoniste pour apprendre à placer ma langue et causer correctement, à l'hôpital aussi pour des problèmes assez graves à l'oreille... Et quand j'étais en classe, j'avais du mal à rester assise et à comprendre les consignes des instituteurs. Je me souviens d'un cours de géographie où la maîtresse nous demandait ce que l'on savait de la Bourgogne. Les élèves ont levé la main pour donner le nombre d'habitants, les cours d'eau... et moi j'ai parlé de la marmite de ma grand-mère où elle cuisinait le bœuf bourguignon. La maîtresse a cru que je me fichais d'elle et m'a envoyée dans le couloir compter les portemanteaux.

Non seulement l'apprentissage est compliqué, mais on se moque de vous...

C'est la faute d'un instituteur. En classe, je me levais souvent pour aller tailler un crayon à la fenêtre. C'était juste un symptôme de mon trouble autistique mais, lui, il a dit devant tout le monde : "Tiens, la poule va pondre son œuf." La classe a éclaté de rire et à partir de là, tous les élèves se sont crus autorisés à se moquer de moi.

À 12 ans, en vacances chez vos grands-parents, vous êtes violée par un voisin. Et personne ne s'en rend compte !

Je n'arrivais pas à verbaliser ce qu'il m'était arrivé. Mais je l'ai dessiné. Un dessin sans équivoque mais, pour les adultes, c'était inconcevable. On m'a dit "ça ne va pas de dessiner des trucs pareils" et on a déchiré mon dessin. Je n'en ai plus jamais reparlé.

Vous dites que votre handicap vous avait rendue encore plus vulnérable qu'un autre enfant aux violences sexuelles. Pouvez-vous nous expliquer ?

Quand on est handicapé, on nous inculque sans le vouloir que notre corps ne nous appartient pas, que c'est un objet de soin. On nous emmène chez les médecins, qui nous font subir des examens, nous manipulent, sans jamais nous demander notre avis. L'apprentissage du consentement est biaisé. Alors quand un adulte nous demande de faire des choses, même bizarres ou douloureuses, on obéit. Vous savez, il y a cinq fois plus de violences chez les enfants handicapés que chez les enfants sans handicap. On sait par exemple que neuf femmes autistes sur dix ont subi des violences sexuelles*.

Vous vous battez pour que les choses changent. Comment ?

Pour moi, c'est trop tard. Je suis morte à l'intérieur. Mais pour les autres, il faut changer l'éducation. Il est primordial d'apprendre aux enfants handicapés à choisir, de ne pas faire les choix à leur place pour tout. Il faut les autoriser à grandir comme des personnes et non comme des objets. Et en cas d'agression, il faut former les policiers et les gendarmes à recueillir la parole de ces enfants qui ne vont pas exprimer leur traumatisme comme les autres. Ne pas causer ne veut pas dire ne pas ressentir.

*Étude parue en 2022 dans la revue Frontiers in Behavioral Neuroscience.

Cassée debout © © CICADA PRODUCTION Cassée debout © © CICADA PRODUCTION Cassée debout © © CICADA PRODUCTION