"Tenir quatre à six semaines": les courbes du Covid qui expliquent le rendez-vous manqué de Macron
CORONAVIRUS - Le “maître des horloges” aura bel et bien perdu sa montre dans cette crise du coronavirus. Le 1er mars, Emmanuel Macron expliquait aux Français qu’il leur faudrait “tenir” durant six semaines, serrer les dents avant de voir, enfin,...
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CORONAVIRUS - Le “maître des horloges” aura bel et bien perdu sa montre dans cette crise du coronavirus. Le 1er mars, Emmanuel Macron expliquait aux Français qu’il leur faudrait “tenir” durant six semaines, serrer les dents avant de voir, enfin, le bout du tunnel... un délai qui arrive ce mardi 14 avril à son terme dans une France reconfinée, avec des chiffres toujours au plus haut malgré un frémissement de l’incidence.
Comment expliquer une telle erreur de prévision? Le variant britannique B.1.1.7 est passé par là, mais ce n’est pas tout. Le président de la République n’a pas voulu prendre en compte l’impact de l’incidence chez des patients plus jeunes, malgré les mises en garde répétées d’épidémiologistes depuis le mois de janvier.
Ces deux facteurs cumulés ont abouti à une troisième vague que le gouvernement pensait pouvoir maîtriser, notamment grâce aux efforts de vaccination qui, à partir de la fin du mois de mars, ont permis de protéger les plus fragiles, notamment dans les Ehpad. Mais ces efforts n’ont pas permis d’endiguer l’engorgement des services de réanimation. Le HuffPost vous propose de comprendre pourquoi en cartes et en courbes.
Voici une description des principaux indicateurs suivis:
- Taux d’incidence: c’est le nombre de cas détectés pour 100.000 habitants. Il est très utile, car il donne un état des lieux de l’épidémie en quasi-temps réel (quelques jours de décalage pour l’apparition des symptômes, voire avant leur apparition pour les cas contacts). Mais il est dépendant des capacités de dépistage.
- Taux de positivité: c’est le nombre de tests positifs par rapport aux tests totaux effectués. Il permet de “contrôler” le taux d’incidence. S’il y a beaucoup de cas dans un territoire (taux d’incidence), mais que cela est uniquement dû à un dépistage très développé, le taux de positivité sera faible. À l’inverse, s’il augmente, cela veut dire qu’une part plus importante des gens testés sont positifs, mais surtout que les personnes contaminées qui ne sont pas testées, qui passent entre les mailles du filet, sont potentiellement plus nombreuses.
- Taux d’occupation des lits de réanimation par des patients Covid-19: C’est un chiffre scruté, car il permet de savoir si les hôpitaux sont capables de gérer l’afflux de patients. Il est très utile, car il y a peu de risque de biais: il ne dépend pas du dépistage et les occupations de lits sont bien remontées aux autorités. Son désavantage: il y a un délai important entre la contamination et le passage en réanimation, d’environ deux à trois semaines.
- Décès à l’hôpital: Comme les réanimations, c’est un indicateur plutôt fiable, mais avec un délai important.
Si l’on prend la mesure lissée de l’incidence dans le graphique ci-dessus, on comprend rétrospectivement que le moment choisi par Emmanuel Macron pour faire sa prédiction est particulièrement mal choisi: c’est à partir de la deuxième semaine du mois de mars que le taux s’envole pour de bon, après deux mois de stagnation haute. Aujourd’hui, le taux d’incidence au niveau national est redescendu au niveau de 350: un début de baisse après le pic du début du confinement.
Des variants “plus agressifs et plus contagieux”
Que s’est-il passé alors? Les deux 1ères semaines de mars, cruciales dans ce pari perdu, sont celles où la réalité de l’omniprésence du variant s’installe dans les chiffres... et dans le discours. Le 11 mars, lors de son point presse, Olivier Véran l’admet simplement: les variant sont “devenus la norme en France”, des variants “plus agressifs et plus contagieux”.
À ce moment, la prévalence du variant britannique frôle déjà les 70% dans les nouvelles infections, et ce n’est que le début. Tout au long du mois de mars, il va s’imposer dans tout l’Hexagone. De très prévalent dans quelques départements comme l’Aube, l’Eure ou la Gironde, il est omniprésent au début du mois d’avril, comme vous pouvez le voir dans les cartes ci-dessous.
Le variant s’impose, et dans le même temps confirme en partie les suspicions des chercheurs. Les mutations de B.1.1.7 l’ont rendu considérablement plus contagieux, ajoutant au taux de reproduction (R) un taux entre 0,4 et 0,7: un coup de massue pour les mesures de couvre-feu en place, qui n’endiguent alors plus du tout la recrudescence de l’épidémie.
Un autre boulet vient définitivement couler la prédiction d’Emmanuel Macron: le virus, désormais, touche des classes d’âge plus jeunes. Durant tout le mois de mars en effet, et c’est une différence avec les vagues de 2020, le taux d’incidence reste stable chez les plus âgés. En revanche, comme le précise Santé publique France dans un document du 25 mars: “La hausse du taux d’incidence en région est observée dans toutes les tranches d’âge en dessous de 75 ans”.
Des services de réanimation encore pleins
Mauvais augure pour un éventuel retour à la normale, c’est aussi un changement qui influence un point clef de la gestion de la pandémie: l’occupation des lits hospitaliers et des places en service de réanimation. Or, à l’inverse de ce qui était espéré au début la campagne de vaccination, les hôpitaux continuent de se remplir, mais cette fois avec des malades d’une moyenne d’âge un peu moins élevée.
De 65 ans en 2020, les patients hospitaliers ont désormais 63 ans en moyenne, et les moins de 60 ans représentent désormais 50% des entrées en réanimation selon l’AP-HP. Résultat, des services de réanimation débordés au mois de mars, et qui aujourd’hui fonctionnent avec des taux de remplissage allant jusqu’à plus de 150% dans les Hauts-de-France et en Île-de-France, comme vous pouvez le voir ci-dessous.
Hôpitaux pleins, incidence qui explose dès la mi-mars: impossible dans ces conditions de “tenir”, ce qui impliquait une situation relativement stable, durant laquelle les plus fragiles étaient vaccinés, avant de revenir à la normale. Au contraire, la troisième vague s’est avérée hors de contrôle, obligeant à un retour du confinement, arme de dernier recours.
Le gouvernement cherche désormais à donner un nouvel horizon, même si à l’image de Bruno Le Maire l’évoquant avec prudence, le 15 mai reste une date très hypothétique pour une réouverture des bars et restaurants. Gare aux espoirs trop prématurés de déconfinement, surtout alors que c’est désormais le variant brésilien qui inquiète. Le taux d’incidence, ainsi que l’observation des eaux usées, montre des signes de frémissement depuis une semaine, mais les hospitalisations n’ont pas encore entamé une vraie décroissance, ni bien sûr le nombre de cas graves en réanimation.
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