The Blessed Madonna : “Peut-être que dans dix ans la pop sera nulle, mais en ce moment elle est vraiment géniale”

Les dernières nouvelles que nous avions de The Blessed Madonna étaient de prestigieuses collaborations : le remix officiel de Levitating de Dua Lipa, accompagnées de Missy Elliot et Madonna, mais surtout, sa conversation vidéo samplée par Fred...

The Blessed Madonna : “Peut-être que dans dix ans la pop sera nulle, mais en ce moment elle est vraiment géniale”

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Les dernières nouvelles que nous avions de The Blessed Madonna étaient de prestigieuses collaborations : le remix officiel de Levitating de Dua Lipa, accompagnées de Missy Elliot et Madonna, mais surtout, sa conversation vidéo samplée par Fred Again, dont il tirera l’un des plus gros tubes électro de ces dernières années : Marea (We’ve Lost Dancing). Il était donc temps de faire le point avec elle sur l’état de la scène musicale, une sorte de bilan annuel avant l’heure des tops de fin d’année.

Vous clôturez la journée du vendredi du Pitchfork Music Festival Paris ce soir. Avez-vous déjà choisi avec quel morceau vous commencerez ? Comment on choisit son morceau d’ouverture ?
J’essaie de ne pas préparer ce que je vais jouer à l’avance. J’ai toujours un dossier avec plusieurs morceaux d’ouverture potentiels. Je n’ai pas encore choisi pour le moment, mais j’adore tester de la nouvelle musique sur un nouveau public ! 

Le public parisien est-il spécial ?
Absolument. Je veux dire, Chicago et Paris sont profondément reliées historiquement, par la house. Il y a de nombreuses années, j’ai eu la chance de participer à cette connexion, et en général, le public parisien est génial, incroyablement spécial et différent. Vous avez vu le documentaire de Laurent Garnier (Laurent Garnier : Off the Record, ndlr) qui est sorti cette année ? Je pense qu’il en dit beaucoup sur la scène française, et la proximité entre les scènes de Chicago et Paris. C’est une sorte d’amour mutuel, qui continue déjà depuis des décennies. Je n’oublierai jamais la fois où je travaillais au label Dust Traxx et où le bus de tournée des Daft Punk s’est arrêté devant la maison où nous vivions. Je ne pouvais juste pas y croire ! C’était tellement impressionnant pour moi ! Je venais d’emménager à Chicago et je commençais à m’intéresser à la house. Et d’un coup, réaliser à quel point ces scènes sont similaires… c’est juste une relation très spéciale et hum… je pense que nous verrons cela ce soir.

Quels sont vos meilleurs souvenirs de Paris ?
J’en ai plein ! Certainement ma 1ère date au Rex Club… absolument incroyable et très importante pour moi. Et d’être revenue au Rex pour y jouer avec Laurent Garnier et Pedro Winter, c’était tellement spécial !

À chacune de vos publications sur Instagram, on est toujours impressionnés de constater que vous vivez le moment : vous souriez, vous dansez, vous semblez heureuse. Vous ramenez la techno à son caractère festif, et pas du tout à son côté dark. Comment vivez-vous ces nombreuses heures à mixer devant un public ?
Quand cela se passe bien, on se sent puissante et connectée dans ce qu’on pourrait appeler un “état de flux”. Mais ça n’arrive pas toujours, et dans ces situations-là, il faut essayer d’y parvenir. Parfois, il faut “fake it until you make it” (“fais semblant jusqu’à ce que tu y arrives”) ! Je pense que mon travail en tant qu’artiste est d’amuser et divertir, mais aussi d’essayer d’être heureuse et de partager cette joie-là. Ce qui est aussi ironique, car je me bats pour y arriver dans ma vie privée également. J’ai un sens de l’humour… en anglais on dit “humour de potence”, et vous savez, il y a une taxe personnelle à payer pour entrer dans cet espace mental. Parfois, c’est compliqué et le monde est juste super niqué (“super fucked-up”)..! 

Donc, il y a une sorte d’absurdité dans ces moments-là, où l’on a l’intention de partager de la joie d’être là, et entre ce qu’il se passe avant et après, c’est confus. La bonne chose avec Instagram, c’est que tout paraît bien, on choisit quelle image on veut utiliser. La réalité est plus compliquée, mais sans doute plus intéressante !

Beaucoup de personnes vous ont découverte grâce à We Lost Dancing de Fred Again, pensez-vous qu’on a retrouvé le goût de la danse ?
Bien sûr ! Je n’ai jamais été autant occupée qu’aujourd’hui. Et la dance music est dans une période de fusion avec la pop. Les gens veulent juste danser, et ça n’a pas toujours été aussi vrai ! Tous les vingt-vingt-cinq ans, il y a un moment où la dance et la pop fusionnent. Il y a de bons et de mauvais côtés à cela, mais on peut voir actuellement un grand afflux de personnes vers la dance music et qui y sont parvenus par différents canaux. Je pense qu’il faut prendre le vent là où il est ! Mais c’est intéressant car, quand les choses deviennent plus dures, les gens ont encore plus besoin de danser. C’est déroutant.

Observez-vous des différences dans les clubs avec la période pré-Covid ?
Oui. Lors de la réouverture des clubs, il y a eu un afflux de très jeunes personnes. Toutes ces personnes qui ont eu 18 ans pendant le confinement, et qui en avaient 16 quand ça a commencé. Beaucoup sortaient pour la 1ère fois. La plupart ont appris à faire la fête, à gérer l’alcool par exemple. Maintenant, nous nous dirigeons vers 2024, ces personnes ont plus de la vingtaine, et c’est très agréable de les voir revenir !

Mais pour vous, les clubs ont-ils également changé pour protéger leurs publics, que ce soit la communauté LGBT ou les femmes par exemple ?
Je pense en effet qu’il y peut-être plus de reconnaissance envers les femmes ou la communauté LGBT. Les clubs sont des endroits particulièrement dangereux pour tout le monde en général. Chaque fois qu’il y a de l’alcool ou beaucoup de public, les choses peuvent mal tourner. Mais ce sont des lieux encore plus dangereux pour les femmes, et en particulier les femmes trans, les femmes noires, les gays, les drag… Aux États-Unis, les gens ont des armes à feu pour aucune raison, et il y a une certaine fixette contre les drags et les trans. Cela me préoccupe beaucoup, et me concerne également, car je passe la moitié de ma vie dans des endroits qui abritent des drag shows, que ce soit en festival ou ailleurs…

À propos de cette reconnaissance, l’une des grandes avancées en France s’observe grâce à Drag Race France, qui fut un succès à la télévision, connue pour son public vieillissant… 
(nous coupe) Ah mais oui ! Mon ami, Kiddy Smile est dans le jury, c’est l’un de mes meilleurs amis ! La dernière fois que je suis venue à Paris, on était dans le lit tous les deux, et il y a une très belle photo de nous deux dans le lit de l’hôtel, Pierre (nom civil de Kiddy Smile, ndlr) et moi ! J’A-DO-RE Pierre ! Honnêtement, il est l’une des meilleures, des plus gentilles, des plus belles, des plus brillantes personnes que je connaisse… En parlant des choses que j’adore à Paris, je ne pourrai partir sans vous dire à quel point j’aime Pierre. De voir Kiddy Smile avoir du succès avec Drag Race et partout dans le monde, ou quand il détruit le tapis rouge à Cannes par exemple… personne n’a jamais semblé aussi beau que lui ! J’adore Kiddy Smile, je veux qu’il conquière le monde !

C’était une surprise très agréable de voir cette émission toucher des millions de téléspectateur·rices partout en France, c’est vraiment l’un des événements de l’année. Quels ont été vos moments culturels les plus mémorables en 2023 ?
Voyons… Niveau artistes, je le dis souvent, mais j’ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec Nikki Nair plus tôt cette année. C’est quelqu’un de vraiment brillant, définitivement un super producteur et DJ. Nous venons tous les deux du sud des États-Unis, j’ai beaucoup de respect pour lui. Parmi les choses que j’ai préférées cette année, ce sont surtout des choses dont j’ai été témoin, et certaines ne sont même pas encore sorties. Joy Anonymous par exemple, ils sont tout simplement incroyables ! Leur dernier album vient de sortir, il s’appelle Cult Classic. C’est un disque phénoménal. Mais, soyons honnêtes, on ne peut pas causer de 2023 sans mentionner la chose la plus évidente de l’année : cette année appartient à Beyoncé ! (Rires) Sincèrement, de voir comment le Renaissance World Tour s’est déroulé à travers le monde, les gens qu’elles a emmené avec elles, voir des danseurs avec qui j’ai travaillé être associés à elle… Mais aussi des producteurs et productrices comme Honey Dijon, Luke Solomon, MikeQ… ces personnes méritaient tellement d’être reconnues, et qu’elles l’aient été et se soient connectées avec toutes ces personnes sans aucun compromis, c’était magnifique. Aucune partie de cet album n’est pas magnifique, il est un sommet de mainstream et qui pourtant, cause en même temps de courants alternatifs. Il n’y a rien à dire, rien n’a été raté et c’est la tournée la plus lucrative de tous les temps. Nous vivons une époque extraordinaire. Je chéris ce moment, parce que peut-être que dans dix ans la pop sera nulle, mais en ce moment elle est vraiment géniale. 

Si vous étiez curatrice pour le Rex Club pour une soirée, quels artistes français inviteriez vous à mixer ? Hmm… Laurent (Garnier, ndlr), à coup sûr. Il n’y a pas de DJ sur terre que je respecte autant que lui. J’ajouterais un artiste de Chicago qui a un lien fort avec la France, quelqu’un de la vieille école comme Jammin Gerald, ou Paul Johnson s’il était encore là. Vous savez, il avait vraiment un rapport profond (deep) avec la musique électronique française. Mon dieu, qui d’autre ajouter… Thomas (Bangalter, ndlr) de Daft Punk s’il ne s’était pas retiré, car c’est un DJ extraordinaire. Peut-être DJ Falcon également… j’ai tellement l’embarras du choix !