The Goon Sax, un peu de soleil australien sur notre été indie pop

Brisbane, Australie. Surnommée ironiquement “BrisVegas” par le passé, la ville a longtemps souffert de sa réputation de belle endormie provinciale. Profitant d’une vague de croissance surprise et de l’explosion de son tourisme, la capitale...

The Goon Sax, un peu de soleil australien sur notre été indie pop

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Brisbane, Australie. Surnommée ironiquement “BrisVegas” par le passé, la ville a longtemps souffert de sa réputation de belle endormie provinciale. Profitant d’une vague de croissance surprise et de l’explosion de son tourisme, la capitale de l’État du Queensland a, depuis, pris sa revanche à travers une vie culturelle foisonnante. C’est dans ce bout du monde ensoleillé que se rencontrent Louis Forster et James Harrison autour d’une passion commune pour la musique et l’art.

Les deux lycéens recrutent rapidement Riley Jones, qui, avec un bon mois d’expérience à la batterie, est déjà prête à se frotter à la scène musicale locale avec un enthousiasme qui fait honneur à l’esprit punk et DIY. C’est qu’il y a urgence, le trio écrit des chansons comme si leur vie en dépendait. Il·elles fuient l’horizon de leur scolarité en chantant à tour de rôle des textes marqués par le spleen sur des rimes aussi simples que belles dans leurs chambres adolescentes.

Une jangle pop enthousiasmante

En 2016, le trio signe son 1er album, Up to Anything, chez Chapter Music, un label de Perth. C’est un 1er essai et une réussite qui lorgne gracieusement vers les productions colorées de Sarah Records : des textes désarmants de sincérité portés par des mélodies cristallines. C’est une plongée dans la peau d’un adolescent rêveur, inventant une twee pop australe, débraillée et rafraîchissante. The Goon Sax grandit vite et, en bon élève, saute rapidement les classes de l’école internationale pop.

Cela se ressent à l’écoute du disque suivant, We’re Not Talking, qui fait place à des morceaux mieux produits, plus rythmés et accrocheurs, grâce au soutien de James Cecil et Cameron Bird, membres fondateurs d’Architecture in Helsinki. Le trio garde toujours ce sens aigu de la mélodie et signe l’un des albums de jangle pop les plus enthousiasmants de ces dernières décennies. Rien de moins !

L’adolescence est cet âge de changements, où l’on sait ce que l’on ne veut plus, mais pas encore totalement ce que l’on souhaite à l’avenir. Louis Forster, qui n’est autre que le fils de Robert Forster, cofondateur des légendaires Go-Betweens, cherche à s’émanciper de cette illustre filiation. Il faut imaginer, en effet, l’importance et l’influence que le paternel et son groupe eurent sur la scène internationale.

La Sainte-Trinité de la pop australienne

Fondée en 1977 à Brisbane, cette formation culte a marqué les esprits des mélomanes et des critiques grâce à une folk-pop élégante qui a su évoquer les difficultés et les joies du quotidien avec une réserve pleine d’autodérision. Leur chef-d’œuvre, 16 Lovers Lane, reste un monument inoubliable de la pop et garde jalousement sa position privilégiée dans les 1ères places des tops des plus grands disques australiens.

Louis se sent parfois écrasé par les comparaisons (pourtant flatteuses) avec la Sainte-Trinité de la pop australienne : The Apartments, The Saints et The Go-Betweens notamment. Il comprend qu’être libre, c’est parfois trahir ceux et celles qui nous veulent du bien. Il ressent le besoin de quitter les terres familiales et de parcourir le monde pour un temps.

“The Go-Betweens me paraissent si loin de ma vie quotidienne désormais ; je n’y pense que quand les gens m’en causent.”

“Plus jeune, quand j’ai commencé à sortir mes 1ères compositions, j’avais moins conscience de qui j’étais réellement, j’étais moins solide tout simplement. Les comparaisons incessantes avec le groupe de mon père avaient tendance à me troubler.”

“The Go-Betweens me paraissent si loin de ma vie quotidienne désormais ; je n’y pense que quand les gens m’en causent. Le groupe a cessé d’exister quand j’avais 7 ans tout de même. Bien évidemment, j’ai écouté cette merveilleuse musique, mais je ne l’ai jamais considérée comme une influence majeure, pas plus qu’un chemin à suivre ou un flambeau à reprendre”, explique Louis.

Le désir irrésistible de retrouver ses ami·es

Après une longue excursion à Berlin où il travaille dans un cinéma, Louis est pourtant happé par le désir irrésistible de retrouver ses ami·es en Australie : “Ce groupe agit comme un puissant pôle d’attraction pour nous trois. Nous avons grandi ensemble, nous œuvrons dans un tel climat de confiance et de sincérité qu’il est impossible de nous séparer trop longtemps, même si nous le souhaitons.”

“Quand nous jouons ou composons, c’est toujours en scrutant la réaction des uns et des autres. À mon retour de Berlin, ma valise était pleine de ces drôles de bouts de chansons ; James et Riley bossaient encore sur leur projet postpunk nommé Soot. Pourtant, ils se sont emparés de mes idées le plus naturellement possible. Ce n’était plus le résultat que j’avais en tête, c’était mieux !”

Le retour est grisant, et ces longs mois de travail en commun sont vécus comme une libération. “Nous vivions ensemble dans une maison partagée, une petite Queenslander [maisons typiques de la région du Queensland, construites en bois avec un toit en tôle ondulée et une véranda] que nous avions appelée Fantasy Planet. Nous nous serrions à six dans un lieu fait pour quatre afin d’économiser sur le loyer. Ce fut le chaos, mais dans le bon sens du terme. Les portes de nos chambres étaient perpétuellement ouvertes et nous jouions indifféremment de nuit ou de jour dans toutes les pièces de la maison”, s’en amuse encore Louis.

“La musique et la fantaisie, c’est la vie !”

Le groupe abandonne toutefois son antre exigu pour enregistrer à Bristol, dans les studios de Geoff Barrow (Portishead). Le producteur John Parish (PJ Harvey, Aldous Harding, Dominique A) est aux manettes. “Ce que nous avons essayé d’exprimer avec cet album, c’est qu’il faut embrasser le changement, accepter chaque nouvelle version de soi, chaque nouvelle idée. Laisser de la place au hasard dans la création également. La musique et la fantaisie, c’est la vie !”

“Nous en sommes venus à accepter qu’il n’y ait ni bien ni mal dans nos chansons. Pas plus qu’il n’y a de bonnes ou mauvaises personnes. Nous sommes tous des gens imparfaits. Nous voulions créer un espace ouvert pour tous ceux qui pensent comme nous sur ce disque. John [Parish] en fait partie. En dehors de notre trio, c’est l’homme à qui je fais le plus confiance musicalement. Il nous a ouvert son magnifique cerveau, tout en nous laissant libres d’expérimenter.”

“J’étais troublé de signer sur le même label que des groupes dont je suis fan, tels que Yo La Tengo, Iceage… et Pavement bien sûr !”

Le son lo-fi dans lequel baignaient les deux 1ers disques est bien loin. Inspiré par le postpunk et le glam rock tout en s’autorisant des échappées disco ou folk, Mirror II est à l’image des souhaits de changement du groupe. Il s’amuse à jouer pleinement avec les codes de l’indie pop 80’s et 90’s. Cela tombe bien, c’est sur le mythique label new-yorkais Matador que le groupe signe son nouvel album. Une fierté pour Louis.

Des compositions taillées dans un format court où chaque seconde compte

“Ce fut une énorme nouvelle pour moi. Je crois que j’ai d’ailleurs essayé de faire de l’épate lors de notre 1ère rencontre. J’étais impressionné, et je me sentais obligé de sortir des phrases empreintes d’intelligence – c’était un peu ridicule avec du recul. À ma décharge, j’étais troublé de signer sur le même label que des groupes dont je suis fan, tels que Yo La Tengo, Iceage… et Pavement bien sûr ! Ces derniers sont des génies que j’écoute toujours régulièrement depuis ces trois dernières années.”

“En revanche, je tiens à souligner que même si notre son paraît plus produit, plus propre – au regard du matériel dont nous disposions –, c’est l’idée d’expérimentation qui nous a guidés avant tout. On retrouve d’ailleurs bien le mélange improbable de nos goûts personnels musicaux. Quelle horreur, ces groupes qui souhaitent que l’on entende l’argent investi dans leurs disques ! Tout comme l’absurdité de certaines formations qui disposent d’un énorme budget pour reproduire un son lo-fi.”

On n’échappe jamais totalement à ses origines, et cette poignée de compositions taillées dans un format court, comme autant des brûlots punk où chaque seconde compte, évoque parfois les merveilles mélodiques des voisins océaniens du label Flying Nun Records. À l’écoute de ces titres inspirés, on pense aux plus beaux faits d’armes du label, aux Néo-Zélandais·es romantiques et cabossé·es de The Verlaines pour ne citer qu’eux·elles. À peine sorti·es de l’adolescence, Louis, James et Riley ont compris que les luttes ne doivent pas viser à conserver ce que l’on a, mais à accoucher de mondes inédits en tremblant de peur et de joie. Il se passe décidément de belles choses dans l’hémisphère Sud.

Mirror II (Matador/Wagram). Sortie le 9 juillet

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