The Linda Lindas, météore féministe et déflagration punk
Quoi de plus punk que d’éclater au grand jour en hurlant dans une bibliothèque municipale ? C’est lors d’un live brûlant diffusé sur YouTube le 5 mai depuis la Public Library de Los Angeles, que les quatre jeunes filles asio- et latino-américaines...
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Quoi de plus punk que d’éclater au grand jour en hurlant dans une bibliothèque municipale ? C’est lors d’un live brûlant diffusé sur YouTube le 5 mai depuis la Public Library de Los Angeles, que les quatre jeunes filles asio- et latino-américaines de The Linda Lindas – à savoir Bela (16 ans), Lucia (14 ans), Eloise (13 ans) et Mila (10 ans) – ont dégainé Racist, Sexist Boy, un hymne anti-raciste et féministe à l’usage d’une jeunesse en rogne.
En prélude à cet engin explosif, Mila, bien agrippée aux baguettes de sa batterie du haut de ses 10 piges, lâche : “Juste avant le confinement, un garçon de ma classe est venu me voir en disant que son père lui avait expliqué qu’il fallait rester loin des Chinois·es. Après qu’il m’ait dit ça, il s’est éloigné de moi.” S’en suivent 2 minutes de riffs à souffler les vitres et de paroles aiguisées, prêtes à écorcher le moindre partisan de la dérive haineuse.
Posté sur les réseaux sociaux 15 jours après sa diffusion, Racist, Sexist Boy a raflé, au total, plus de 8 millions de vues sur Instagram et Twitter confondus, et a même été approuvé par les membres de Rage Against The Machine et Sonic Youth. Si les fils de fer des appareils dentaires tentent de faire régner l’ordre, ceux des guitares électriques permettent toujours de foutre le bordel.
The kids are alright
The Linda Lindas assurent la relève mais aussi leurs arrières. Bien énervées, ces jeunes Californiennes semblent avoir éclos en un titre ravageur. Or, elles tapent du poing sur la table depuis 2018 et jouent déjà dans la cour des grands puisqu’en 2019, à peine 10 concerts au compteur, elles assuraient la 1ère partie des iconiques Bikini Kill au Hollywood Palladium. En 2020, ces quatre kids ont concocté un EP résolument punk/rock dans lequel se bousculent les sonorités acides des Sex Pistols, les aspirations féministes des 7 Year Bitch et une bulle de chewing-gum pop punk façon Green Day et autres groupes emblématiques aux yeux des gosses qui ont poussé leur 1er cri dans les années 2000.
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Pour réaliser ces prouesses abrasives tout en étant ados, Bela, Lucia, Eloise et Mila bénéficient quand même d’un petit coup de pouce de leurs familles. Le père de Lucia et Mila, Carlos de la Garza, est producteur et collabore notamment avec Paramore et Bad Religion, tandis que le père d’Eloise n’est autre que Martin Wong, co-fondateur de l’association Save Music in Chinatown qui œuvre pour la conservation de la scène punk dans ce quartier de L.A. où vit tout ce beau monde. Comme l’explique Charline Lecarpentier dans un article de Libération, durant les seventies, Chinatown fut l’épicentre d’une vague punk made in California qui squattait les restos asiatiques tels que le mythique Hong Kong Café.
Aujourd’hui, l’asso de Martin Wong nourrit le patrimoine underground laissé par The Germs, Black Flag ou encore X, en organisant des concerts avec ces figures emblématiques et en incitant des jeunes pousses à reprendre le flambeau. C’est ainsi que The Linda Lindas a fait ses 1ers pas, sous l’égide de Kristin Kontrol, ex-membre de Dum Dum Girls, au festival Girlschool L.A. il y a 3 ans.
Lindas Calling
Ayant germé en terre fertile, The Linda Lindas incarnent aussi l’héritage des riot grrrls, mouvement punk et grunge féministe américain des années 1990 qui conjuguait la musique avec la défense des droits des minorités. Dans la vidéo de Claudia Kishi, morceau qu’elles ont composé pour le documentaire Netflix The Claudia Kishi Club, les Lindas se trémoussent derrière leurs instruments en robe roses très genrées, style kinderwhore, pour dénoncer le sexisme, à l’instar d’une Courtney Love ou d’une Kat Bjelland dans les nineties.
En marchant dans les pas des Bikini Kill, Bratmobile et autres Babes in Toyland, les jeunes Californiennes font émerger leur conscience aiguë du monde. Il ne s’agit pas seulement de gueuler dans un micro. Car, en 10 ou 13 ans, les Lindas ont déjà vu le sol frémir lors des déferlantes #MeToo ou Black Lives Matter, tout comme elles ont vécu l’ère Trump dont on ne ressort pas indemne. D’ailleurs, en septembre 2020, à peine 2 mois avant les présidentielles, la bande sortait Vote! , un clip inédit dans lequel apparaît, entre autre, Allison Wolfe ou Lois Maffeo, deux figures marquantes du mouvement riot grrrls.
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Peut-être que la rage dégoulinante du punk n’aboutira jamais au consensus mais, comme l’insinuait Kathleen Hanna des Bikini Kill en 1991, elle permet au moins de fomenter de minis insurrections et d’ouvrir le débat. Au milieu de cette scène encore grondante (Pussy Riot, Skinny Girl Diet, Slurp, Gomme, God Save The Chicks), The Linda Lindas viennent de signer chez Epitaph, pépinière punk/rock qui a marqué la fin du siècle dernier et qui est dirigée par Brett Gurewitz de Bad Religion. Visiblement, The Linda Lindas s’apprête à mettre de nouveaux coups de pieds dans la fourmilière.