“The White Lotus”, “Sans filtre” et “Glass Onion” : bienvenue dans l’Insta World
Malgré la diversité de leur nature et de leur canal de diffusion (une série HBO, une franchise de plateforme de streaming et un film d’auteur populaire), les trois peuvent être vus comme un triptyque dont le thème serait la conquête du réel...
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Malgré la diversité de leur nature et de leur canal de diffusion (une série HBO, une franchise de plateforme de streaming et un film d’auteur populaire), les trois peuvent être vus comme un triptyque dont le thème serait la conquête du réel par Instagram, ou tout du moins par l’Insta World, le monde vu par la fenêtre-écran du réseau social aux 1,2 milliard d’utilisateur·trices.
Quiconque y a déjà passé des heures à scroller sans but voit de quoi est fait ce monde : étalage de luxe, culte d’un corps standardisé et ultra sculpté, muscles de bodybuilder pour lui, minceur de mannequin pour elle, quête de fun et d’oisiveté constante, dans un décor paradisiaque. Un monde dont l’expérience, si tant est qu’elle soit véritablement possible, ne concerne qu’1 % de la population, mais un monde qui a cette année crevé les écrans. Dans The White Lotus, Sans filtre et Glass Onion, des motifs se répètent de façon troublante : yacht fendant une mer d’azur, villégiature balnéaire dans un entre-soi d’ultra-riches, piscine à débordement, nature édénique et insulaire, plages privées et baignées d’un éternel soleil.
L’enjeu scénaristique de ces trois objets est également le même : il est question d’argent, du pouvoir qu’il confère ou qu’il facilite, et de sexe. Et c’est par l’intervention d’un personnage de classe inférieure (le détective Benoit Blanc de Glass Onion, les deux prostituées de The White Lotus, la femme de ménage de Sans filtre) que la répartition de ces trois ingrédients est modifiée entre le début et la fin du film. Mais bien loin de se faire le vecteur d’une nouvelle forme de lutte des classes, ils entretiennent avec le fantasme de puissance de l’Insta World un discours duplice et cynique.
On peut dire que le projet des trois films est à 1ère vue de battre en brèche l’Insta World, d’en expliquer le déraillement, de faire sauter le verrou d’artificialité qui le rend si désirable. Les titres des films de Ruben Östlund et de Rian Johnson sont à ce propos d’une limpidité évidente. Dans Sans filtre comme dans Glass Onion, il est question de voir à travers une réalité voilée que cela soit par un filtre ou un oignon de verre, d’explorer l’envers de ce rêve publicitaire et d’en gratter le vernis chromo. Tromperie, trahison, cupidité, manipulation et finalement un grand jeu de massacre constituent l’horizon qui se détache une fois le charme de l’Insta World rompu ; mais l’incapacité des trois objets à faire déboucher leur critique sur une proposition de réalité alternative en fait des œuvres au final misanthropes.
Glass Onion, The White Lotus et Sans filtre réalisent un fantasme de revanche des dominé·es sur les élites, d’accession au rêve pour celles et ceux qui s’en croyaient privé·es, de ruissellement pirate, mais sans jamais ébranler les fondements de ce monde, ses valeurs conservatrices, son capitalisme ostentatoire et sa normativité sociale et physique.