Thomas Mars, de Phoenix : “Impossible qu’il y ait un jour un disque pourri d’Air”
“Le terme d’ovni dans le paysage musical est souvent galvaudé, mais c’est le plus approprié pour résumer Moon Safari d’Air. Avant de signer avec Phoenix sur le même label, Source, je n’avais aucune connaissance de leur existence. Pourtant,...
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“Le terme d’ovni dans le paysage musical est souvent galvaudé, mais c’est le plus approprié pour résumer Moon Safari d’Air. Avant de signer avec Phoenix sur le même label, Source, je n’avais aucune connaissance de leur existence. Pourtant, Jean-Benoît et Nicolas sont originaires de la même ville que nous, Versailles. Mais dans notre univers, on ne connaissait absolument personne qui faisait de la musique. Ils avaient quelques années de plus que nous, donc on ne risquait pas de se croiser. On cherchait nos influences en regardant 120 Minutes sur MTV, alors que juste à côté de nous, il y avait un duo qui faisait de la musique tellement unique.
La 1ère fois qu’on s’est rencontrés, le langage était tellement facile entre nous parce que l’on partageait les mêmes références. Nous étions dans le même rejet de l’identité musicale française vue de l’étranger. Jean-Benoît et Nicolas avaient déjà un rapport hyper-visuel et esthétique à la musique. Moon Safari est un album aux influences diverses, notamment Kraftwerk, par son approche architecturale du son. Leur recette est à la fois complexe et simple. Ils sont obnubilés par le son, leurs demos sonnent instantanément, presque comme le disque final. C’était impressionnant de les voir en studio, Jean-Benoît et Nicolas avaient trouvé une méthode ultra-inspirante. Cela me rappelle la fameuse phrase de Descartes : ‘Je n’ai pas plus de génie que les autres, mais j’ai plus de méthode.’
Il était évident d’entretenir des liens fraternels avec eux car on a exactement le même souci du détail et des codes esthétiques, comme le pied de synthétiseur ou le port de la sangle des guitaristes. C’est une manière pour nous de repérer la pureté dans les intentions musicales. Depuis Jacno, je n’avais pas retrouvé ce même fétichisme. Pour nous, il y avait plein de points d’accroche chez Air. Sur l’album, j’ai sans doute un faible pour La Femme d’argent, avec ces lignes de basse d’une telle pureté, ainsi que Talisman et Ce matin-là.
Avec Phoenix, on s’est retrouvés à faire le backing band pour Nulle part ailleurs sur Canal+ et des émissions anglaises, dont Later… with Jools Holland. Comme notre 1er album United n’était pas encore terminé, on n’avait aucune expérience du live. En tant que batteur, j’ai des souvenirs angoissants. J’adorais jouer avec eux, mais j’avais le sentiment que je pouvais être le maillon faible à n’importe quel moment. Découvrir le monde du showbiz ensemble, c’était comme une classe verte. [sourire] C’était même la meilleure classe verte possible.
Je me suis retrouvé un peu par hasard à chanter Playground Love sur la BO de The Virgin Suicides, car c’était d’abord un test. Il faudrait leur poser la question, mais je crois savoir que Jean-Benoît et Nicolas avaient demandé à David Bowie d’interpréter cette chanson ; je n’ai jamais su quelle a été sa réponse. Ils m’ont demandé le 1er couplet avec la mélodie, et j’ai écrit le reste du texte en cinq minutes. C’est aussi la force de la musique de t’inspirer immédiatement sur un instrumental aussi génial. Leur technique d’enregistrement avec les voix doublées fonctionnait bien avec la mienne. J’ai aussi chanté sur deux titres de Talkie Walkie, qui sortiront peut-être en bonus pour la réédition du 20e anniversaire de l’album. C’était vraiment une période démente.
Comme nous, Jean-Benoît et Nicolas ont grandi dans l’amour des albums, donc c’est impossible qu’il y ait un jour un disque pourri d’Air. Chaque album repose sur un concept, un univers visuel. Je me souviens de 10 000 Hz Legend, qui était tellement ambitieux. C’était le groupe français à la conquête d’Hollywood, avec notamment des concerts au mythique Hollywood Bowl. Ils connaissaient tous les musiciens américains en vue, comme ceux qui accompagnent toujours Beck, et ont bossé avec les meilleurs producteurs de l’époque, de Tony Hoffer à Nigel Godrich.
En France, Air a une aura moins centrée autour d’un seul album, au contraire des Anglais qui vénèrent Moon Safari. C’est rare qu’une telle musique atteigne le sommet des charts, c’est du même niveau que Laurie Anderson avec O Superman. Voir Air à Top of the Pops, c’était une énorme victoire pour nous, Français. Comme disait John Lennon, “le rock français, c’est comme le vin anglais”. On avait un handicap énorme à l’étranger. C’est aussi l’année où la France a remporté la Coupe du monde. C’était donc une double défaite pour les Anglais.”