Thomas Pesquet sur l'ISS pour... étudier les effets du confinement

ESPACE - Rester dans la même pièce, voir les mêmes personnes, Thomas Pesquet en a l’habitude. Le 16 mars 2020, à l’occasion du 1er confinement, l’astronaute français prodiguait même quelques conseils ironiques sur Twitter: “Ce n’est pas quelques...

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Une des expériences que doit mener Thomas Pesquet doit mesurer “l’impact du confinement et de la micropesanteur sur le sommeil.

ESPACE - Rester dans la même pièce, voir les mêmes personnes, Thomas Pesquet en a l’habitude. Le 16 mars 2020, à l’occasion du 1er confinement, l’astronaute français prodiguait même quelques conseils ironiques sur Twitter: “Ce n’est pas quelques semaines d’isolement qui vont me faire peur”, lançait l’homme au corps d’athlète grec, dans un calme olympien. L’astronaute a acquis son expérience du confinement à 408 kilomètres du sol, dans la station spatiale internationale (ISS).

Le mont Olympe de Thomas Pesquet, l’endroit d’où il tire cette aisance face aux contraintes de déplacement, se situe au-delà des nuages ; il s’apprête désormais à y retourner. De retour en orbite pour 6 mois, Thomas Pesquet affrontera un isolement quasiment absolu. De quoi faire passer nos restrictions en vigueur pour de pleines libertés. Son voyage, qui doit commencer ce vendredi 23 avril est, entre autres, l’occasion d’en apprendre davantage sur les effets du confinement. 

Une des expériences menées par Thomas Pesquet doit mesurer “l’impact du confinement et de la micropesanteur sur le sommeil”, selon le Centre national d’études spatiales (CNES). L’astronaute français et ses confrères devront porter durant quelques nuits de leur mission un bandeau high-tech, nommé Dreams. 

Conçu par le CADMOS, en partenariat avec les hôpitaux de Toulouse, cet appareil est muni d’électrodes sèches et de capteurs électroencéphalographiques. Il doit analyser l’activité cérébrale et les cycles de sommeil des astronautes.

“Connaître et maîtriser les effets du confinement dans l’espace est un enjeu important dans le cadre de la préparation des futures missions de longue durée vers la Lune et Mars”, rappelle le CNES dans un communiqué à propos de Dreams.

Le but de l’expérience est d’abord de vérifier que cette technologie fonctionne dans l’espace. Si c’est le cas, le bandeau restera dans l’ISS, à disposition des astronautes, pour suivre la qualité de leurs nuits et mettre en place des thérapies pour améliorer l’endormissement des astronautes.

De retour en orbite pour 6 mois, a href=Thomas Pesquet affrontera un isolement quasiment absolu. De quoi faire passer nos restrictions en vigueur pour de pleines libertés." data-caption="De retour en orbite pour 6 mois, Thomas Pesquet affrontera un isolement quasiment absolu. De quoi faire passer nos restrictions en vigueur pour de pleines libertés." data-rich-caption="De retour en orbite pour 6 mois, Thomas Pesquet affrontera un isolement quasiment absolu. De quoi faire passer nos restrictions en vigueur pour de pleines libertés." data-credit="AUBREY GEMIGNANI via AFP" data-credit-link-back="" />

Dans l’espace, le sommeil prend parfois le large. “Les somnifères font partie des médicaments les plus consommés à bord. Le confinement, le bruit, l’absence de contacts avec le matelas à cause de la microgravité, et la lumière (NDLR : Le jour et la nuit alternent 16 fois en 24 heures) peuvent altérer le sommeil”, énumère Brigitte Godard, une des médecins qui suit Thomas Pesquet, interrogée par le HuffPost 

Bien dormir est essentiel pour supporter l’isolement et la pression des voyages dans l’espace. Thomas Pesquet s’envole avec trois autres astronautes, deux Américains (NASA), Megan McArthur et Shane Kimbrough, et un Japonais (JAXA) Akihiko Hoshide. Au total, sept personnes cohabitent dans la station, en continu, ce qui peut provoquer des tensions passagères, qui à terme peuvent entrainer une baisse de moral... donc des problèmes de sommeil.

Un cercle vicieux qu’il faut éviter à tout prix lorsqu’on est confiné dans l’espace. Michel Tognini a passé une dizaine de jours en orbite, dans les années 1990. “J’avais tendance à être un peu irrité les 1ers jours, la communication était un peu plus difficile, car je dormais mal”, révèle au HuffPost l’ancien astronaute, aujourd’hui chef du Centre européen des astronautes.

Supporter le confinement jusqu’à Mars

Lors des missions de plus d’un an, vers Mars notamment, les astronautes risquent de ne plus supporter d’être confinés. Car l’espace ne laisse aucun répit mental. Contrairement aux confinés du Covid-19, les scientifiques de l’ISS n’ont même pas la possibilité d’aller faire un tour pour s’aérer. La résistance psychologique à l’isolement et à l’enfermement est donc cruciale, au-delà même de l’usure physique des astronautes. 

“Au départ, il y a bien la nausée. Quelques jours. Puis on s’habitue à la microgravité. Être libéré de la pesanteur, c’est agréable physiquement. La réussite d’un vol repose donc énormément sur l’équilibre psychologique de l’équipage”, affirme Michel Tognini.

Depuis plus d’un an, le confinement n’est plus le propre de l’espace. “Par rapport au confinement au sol, nous avons un programme minuté et varié. Préparation, science, repas, sport, réparations de l’ISS et un peu de repos le week-end. Être occupé, ça aide à résister à l’apparition d’un blues, qui survient parfois lorsqu’on pense à la durée du voyage” explique Michel Tognini, aujourd’hui manager, spécialiste du recrutement et des questions de résistance au stress lors de vols habités.

La pandémie a bousculé les habitudes de tout le monde, y compris l’entraînement des astronautes. Potentiellement pour le mieux, selon Thomas Pesquet : “Peut-être que la meilleure préparation pour 6 mois d’isolement, c’est un an d’isolement, qui sait”, plaisantait le quadragénaire, quelques jours avant le décollage, dans une entrevue diffusée sur le compte Twitter du CNES.

Les astronautes savent mieux que quiconque les effets du confinement sur la santé. Si les deux situations ne sont pas identiques, Thomas Pesquet fait régulièrement le parallèle. Brigitte Godard, la médecin des astronautes, voit elle aussi quelques similitudes entre le confinement dans l’espace et celui au sol: “Certains astronautes souffrent de cette distanciation sociale, mais à la différence du confinement que l’on vit au sol, eux réalisent en même temps leur rêve. Tout est fait à bord de l’ISS pour se prémunir des effets du confinement. Faire du sport. Bouger. Au sol, on est un peu défavorisé, car on n’a pas toujours les moyens ou l’opportunité, le réflexe de se mouvoir”, estime la docteure de Thomas Pesquet. 

Des membres de l'équipe de l'expérience Dreams, qui pourrait à terme doter les agences spatiales des connaissances pour lutter contre les effets du confinement et de la micro-gravité sur le sommeil.

L’expérience Dreams pourrait apporter des données inédites sur le sommeil à bord de l’ISS. Une fois analysées, ces observations pourraient à terme doter les agences spatiales des connaissances nécessaires pour aider les astronautes à supporter l’isolement et l’enfermement sur de longues périodes.

Si l’on veut se rendre sur Mars, il faudra plusieurs années, le temps de s’y rendre, d’y rester et d’en repartir. Au milieu du voyage, ni la planète rouge ni la planète bleue ne seront visibles. Sans point de départ ni d’arrivée en vue, seuls le noir de l’espace et l’inconnu subsisteront. Ceux qui ont déjà été confinés le savent, c’est surtout cette absence de bornes et de repères qui est difficile à supporter.

À voir également sur Le HuffPost: Thomas Pesquet explique en quoi consiste son rôle de commandant de l’ISS