“Tout simplement faux” : aux origines de la culture “prank”

“La manipulation du spectateur” est le maître-mot du cinéma selon Alfred Hitchcock. Dès son apparition, le cinéma s’est distingué comme étant l’art du faux et ce que révèle paradoxalement cet art, c’est sa nuance entre le réel et la fiction....

“Tout simplement faux” : aux origines de la culture “prank”

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“La manipulation du spectateur” est le maître-mot du cinéma selon Alfred Hitchcock. Dès son apparition, le cinéma s’est distingué comme étant l’art du faux et ce que révèle paradoxalement cet art, c’est sa nuance entre le réel et la fiction. “Un jet de flamme vient de jaillir du miroir et bondit droit vers les hommes qui s’avançaient ! Ils sont frappés de plein fouet ! Oh mon Dieu, ils viennent de prendre feu !” peut-on entendre sur les ondes de la CBS en octobre 1938. Orson Welles, alors âgé de 23 ans, s’exprime sur les ondes et annonce l’invasion en cours de la Terre par des extraterrestres. Panique en Amérique ! Mais ce que les gens ont pris pour vérité en écoutant la radio, n’était en fait que la lecture de La Guerre des Mondes. Si cette histoire a eu un tel impact sur les Américains à l’époque, c’est parce que l’outil radiographique et cinématographique, était souvent confondu par les spectateur·rices comme un gage de vérité.

Mockumentaire

Si aujourd’hui encore l’idée du réel au cinéma provoque le débat, c’est que jamais autant cet art n’aura brouillé ses frontières. La culture “prank” (blague) est désormais monnaie courante, notamment grâce aux évolutions techniques, mais cette tendance est bien plus ancienne qu’elle n’en a l’air. En 1938, Orson Welles avait déjà su bousculer le spectateur, lui faisant croire n’importe quoi, au risque de lui insuffler un sentiment de trahison.  

En parcourant une mosaïque de films, accompagnée des témoignages de cinéastes des quatre coins du monde, Tout simplement faux, le documentaire de Stéphane Bergouhnioux fait tomber le masque d’un genre redouté et méconnu, celui du faux-documentaire, aussi appelé le “mockumentaire”. Cette expression, on la doit à Rob Reiner, elle désigne un film aux apparences documentaires, mais qui se révèle en fait être une fiction. Il a lui-même réalisé un mockumentaire, Spinal Tap (1984), film culte et “faux rockumentaire sur un faux groupe de heavy metal” souligne à l’époque la journaliste Anne-Claire Norot. 

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Tout simplement faux met l’accent sur un procédé qui a donné lieu à de nombreux débats : le found footage, mais qui est néanmoins devenu un dispositif phare dans le cinéma de genre contemporain. Le found footage n’est pas un genre à proprement causer, mais plutôt un mode de représentation, utilisant l’image comme le témoignage d’événements réels, recueillis par leurs acteurs ou témoins directs. 

De Cannibal Holocaust au Projet Blair Witch

Cannibal Holocaust (1980), de Ruggero Deodato, figure comme étant le pionnier du found footage. Alors que la violence est omniprésente à l’époque dans les médias, le cinéaste désire “faire un film contre les journalistes” souligne-t-il dans le documentaire. De par le degré de violence à l’image, le film est censuré et le réalisateur est suspecté d’avoir tué ses acteurs. Le film est violent, mais il reste avant tout une fiction. Or l’écho réaliste a été si fort à sa sortie que le public n’y a vu là qu’une vérité.

Autre exemple cité dans le documentaire, celui du Projet Blair Witch (1999) de Daniel Myrick et Eduardo Sanchez. Le film immerge totalement le spectateur avec trois étudiants, documentaristes amateurs, en quête d’une sorcière, mais qui vont fatalement se perdre en forêt. Oscillant entre des extraits du documentaire tourné en noir et blanc et les coulisses du tournage, elles en couleur, le film invoque la dualité entre le vrai et le faux. Quel que soit le sort des personnages, l’image de la caméra a capturé leur survive. 

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La comédie a su elle aussi jouer de cet artifice

Le cinéma de genre n’est pas le seul à s’être camouflé derrière le faux-documentaire et d’autres genres, plus légers, ont également embrassé cette forme atypique de cinéma. Le Bal des actrices (2009), Connasse, princesse des cœurs (2015) ou plus récemment Tout simplement noir (2020), ont su provoquer le rire en jouant de cet artifice. Pour Tout simplement noir, film politique acclamé par la critique, les co-réalisateurs avaient pour intention initiale d’“encrer le film dans le réel” et d’en proposer une comédie. Le film explique en effet le suivi “documentaire” d’un acteur raté, JP, qui décide d’organiser la 1ère marche de contestation noire en France. 

Le plus souvent caractérisé par un cadrage instable, une mauvaise prise de son ou encore l’improvisation des acteurs, le faux-documentaire revendique une forme d’amateurisme. Ces films réalisent justement un subtil dosage entre l’artifice et la prise de vue réaliste. D’une certaine manière, l’intention de ce cinéma est d’exposer volontairement ces maladresses formelles, preuves d’un semblant d’“amateurisme”, pour faire admettre au public, une émotion brute. 

La culture du Prank, mise en image par le faux-documentaire, s’est démocratisée dans le cinéma et sa variation entre le vrai et le faux ne cesse d’ébranler les croyances du cinéma et de questionner le public. En intégrant l’acte de filmer à la narration, le·a spectateur·rice n’est plus un témoin discret, confortablement installé devant l’écran, mais devient à l’inverse, un·e acteur·trice du film. Tirant sa matière du réel, le cinéma projette inévitablement une illusion. La vérité filmique n’est-elle pas finalement un fantasme cinéphile ?

Tout simplement faux est à découvrir sur Canal + Cinéma, ce samedi 27 mars, à 22h20. Le documentaire sera ensuite disponible sur MyCanal.

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