Track 7 : « La ruée vers le roro »
J’appelle à tout hasard deux gros sites de Rap, et une radio. Je suis un professionnel de l’incruste. C’est ma passion ! Par exemple, avant de diffuser mon premier article pour le média Vice, je n’avais aucun contact là bas. J’ai pris mon téléphone,...
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J’appelle à tout hasard deux gros sites de Rap, et une radio. Je suis un professionnel de l’incruste. C’est ma passion ! Par exemple, avant de diffuser mon premier article pour le média Vice, je n’avais aucun contact là bas. J’ai pris mon téléphone, j’ai appelé le standard du média et j’ai sorti très sérieusement : « M. V. S. à l’appareil je voudrais parler à Julien Morel (le redac chef à l’époque)« .
La secrétaire était sur le point de lui filer le combiné. Puis elle est revenue vers moi et a demandé « à qui ai je l’honneur ? « . C’est alors que je lui ai sorti mon histoire sur ce rappeur identitaire, Kroc Blanc, qui rappait sur fond d’allégeance aux thèses de l’extrême droite en France. Le sujet a été accepté. J’ai même fait une petite interview de Kroc Blanc en vidéo que j’ai balancé ici ou là. Il s’est présenté masqué. Il a développé un « racisme de territoire« . Sa déclaration la plus tordue c’est qu’il imagine « qu’un européen est supérieur en Europe« , et « un africain est supérieur en Afrique« . Donc selon ses thèses « post-nazi« , mes gênes d’iranien font de moi l’habitant parfait du Moyen Orient, et un mec qui n’est pas à sa place en Europe.
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Donc que nous orientaux on est bon qu’à traumatiser des femmes voilées et poser des bombes, et par extension dans sa vision stéréotypée, que les ivoiriens par exemple qu’il voit sans doute comme une population tribale qui court dans la savane sont bons à développer leur terre aride. Booba, philosophe émérite du Rap Game, a déjà évoqué le sujet : « Qu’est-ce que sait faire mon peuple, à part grimper aux arbres, Te racketter à la récré et appeler aux armes? » (Booba – « Paradis »).
Ces thèses « version light » sont désormais reprises par des journalistes célèbres qui font les beaux jours des médias « putaclics » de luxe. Ceux-là ne parlent pas de Rap, mais d’insécurité globale, ou de voile islamique au temps de la crise économique.
Après quelques balbutiements, le patron du gros site de Rap accepte de me recevoir à la radio justement. Il y présente une émission. Il est encore plus injoignable qu’un banquier quand tu veux lui supplier un prêt, ou pire une ex chez laquelle t’as oublié ta machine à café. Rackim présente une émission. On a un rendez vous avec lui et avec ma collègue Aline dans la soirée. Le boss, Rackim me dit que la radio reçoit Sofiane ce soir, et que j’aurais aussi l’occasion de le rencontrer.
A cette époque, le fondateur d’Affranchis Music n’a pas encore dévoilé ses freestyles #JesuispasséchezSo. Il est connu de tous les insiders, mais ne bénéficie pas encore de l’immense respect du grand public. Il vient à peine de dresser ses « blacklists« . Je prends l’information à l’envers…Aline qui ne connaît pas grand chose au Rap, me dit, que Sofiane est sans doute « Sofiane de la Star Academy« . Deux questions me taraudent ? La première pourquoi une radio Hip Hop a invité Sofiane de la Star Ac’ ? Est ce que Sofiane de la Star Ac’ a encore une carrière ? Bon on verra.
Le Srab m’appelle ! Je lui annonce la bonne nouvelle. Je vais établir un partenariat avec deux médias importants, et que l’agence de communication commence à ressembler à quelque chose. Le Srab écarte toutes les hypothèses d’une seule main : « Génial, mais qu’est ce que ça va leur rapporter à mes indés ?« . Je sais pas moi de l’exposition ? Non Srab est très clivant sur la question. Il ne vendra pas ses fesses à l’industrie. C’est ici que l’on comprend le conflit générationnel dans le Rap français. Les Srab comme Srab ressemblent à un morceau de Mc Jean Gab’1 dans les années 90′ : ils emmerdent tout le monde. Je me dis qu’il se calmera avec le temps ou pas d’ailleurs.
Dans l’après midi, on monte l’Interview de Fik’s Niavo pour Srab, et son média. Celui qu’on appelle Malcolm Fik’s est un personnage incontournable de la scène rap underground. Le rappeur est originaire du 91. Pour une raison que l’on connaît pas vraiment, cette génération de rappeurs dans le 91 est parti chercher ses influences dans les tréfonds de la culture américaine. Fanatiques de NBA, de rap américain, et de personnages illustres de la culture afro américaine, les rappeurs du 91 sont dans la Westcoast dans leur tête. On ne parle pas seulement de Hip Hop, et d’un style vestimentaire, mais également de la culture de la contestation.
Fik’s NiavoLe rappeur qui a appartenu au groupe Ul’team Atom qui a vu naître un certain Sinik aux Ulis est un rappeur conscient. Travaillant le jour pour la collectivité, il devient rappeur la nuit, et met le doigt, comme un Uzbek des temps modernes (Lettres Persanes) sur les incohérences de notre société. C’est superman version Hood. Il nous raconte ses projets artistiques seulement. Mais il est passé maître dans l’art de « l’édutainment« , il fait partie de ceux qui pensent que les rappeurs aujourd’hui ont une responsabilité importante, celle de montrer la voie tout en jouant sur l’entertainment. Fik’s est l’un des premiers à nous commander une campagne de promotion.
Après le montage, on arrive devant la radio. Antoine nous fait rentrer, Rackim est en pleine Interview de Sofiane. Aline sortira alors cette phrase mythique : « Mais c’est pas Sofiane !« . Et si c’est bien lui, mais ce n’est pas Sofiane de la Star Ac. A la fin de son Interview, Sofiane se lève et enclenche un freestyle mémorable pour la radio. Le rappeur jouit déjà d’une aura exceptionnelle… Avec son charisme, il s’impose dans cette petite pièce d’un mètre carré. Les micros lui font des haies d’honneur. Son phrasé, le travail sur son flow, c’est l’héritage des fondateurs du rap français, le reste, son bagou, son talent, c’est ce qu’il va apporter au rap dans les prochaines années. Tout le monde le sait, mais personne ne sait exactement quand. Dans le final de ses freestyles « #JesuispasséchezSo« , il déclare : « voir les regards changer je pensais que c’était l’épilogue ça se comptait pas en années ça se comptait en épisode« . Le rappeur quitte le plateau mais il n’a pas l’air content. Le freestyle était exceptionnel mais Sofiane n’est pas tout à fait satisfait, il est un peu « perfectionniste« . C’est peut être cette hargne, cette force qui l’a poussé à se dépasser chaque jour, pour en faire l’un des producteurs rappeurs les plus puissants de Paris. Un des « Nouveaux Parrains« .
Rackim et Antoine se posent dans le studio avec nous. Derrière les deux hommes, Will le réalisateur de #31# qui a commencé sa carrière ici surveille de loin les débats. On lui propose d’animer son site internet en échanges de bannières publicitaires. Il est plutôt ouvert à la négociation, intelligent, et pas forcément arrogant. C’est une belle rencontre. Il nous parle de son média qui réunit chaque des millions d’internaute, et du fonctionnement. La plupart des utilisateurs s’imaginent que ces sites sont gérés par des branleurs en caleçon. Non il y a une vraie organisation derrière ces machines qui gèrent des millions de clicks, une véritable discipline, et un travail de tous les jours. On est prévenu. Rackim et Antoine acceptent le marché. On est à l’essai. On quitte la radio avec Aline.
L’article Track 7 : « La ruée vers le roro » via @ Urban Tracks.