Trans Musicales 2023 : toujours le meilleur festival laboratoire de France !

Il existe toujours deux manières de traverser une nouvelle édition des Trans Musicales (et d’en causer). La 1ère consiste à se laisser porter de salle en salle, de concert en concert dans une déambulation hallucinée. La seconde à se délester...

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Il existe toujours deux manières de traverser une nouvelle édition des Trans Musicales (et d’en causer). La 1ère consiste à se laisser porter de salle en salle, de concert en concert dans une déambulation hallucinée. La seconde à se délester des oripeaux du journalisme gonzo, troquer l’acide pour les tableaux Excel, les chemises hawaïennes pour la blouse de laboratoire et débuter les hostilités armé d’un planning millimétré. La seconde option – la nôtre – s’avèrera particulièrement à propos pour approcher cette 45e édition des Trans Musicales placée sous le signe de la recherche en tous genres. Pop exploratoire, approche scientifique et récréative, nouvelle avant-garde, et ponts stylistiques audacieux, récit de nos déambulations dans le laboratoire des Trans Musicales 2023.

Anna Erhard et Championne, en pleine ascension

Avant de lancer définitivement les festivités, on se donnait rendez-vous à l’Ubu pour l’excellent show d’Anna Erhard, puis au Liberté pour un concert soufflant de Championne, nouvelles héroïnes de la scène bretonne hallucinantes de maîtrise et inattendues à l’heure des 1ères pintes. Profitant d’un dispositif sons et lumières assez fou pour des groupes en pleine ascension (une constante sur le festival), les potes de Gwendoline livrent un concert qui n’a peur ni du lyrisme, ni des belles lettres.

Hanaa Ouassim, la révélation

Une star peut en cacher une autre. En 1ère partie de Yamê, programmée future étoile de la chanson française (un titre pas franchement usurpé par le jeune artiste), Hanaa Ouassim a rencontré les faveurs du public sur la scène du Théâtre de l’Aire Libre, qu’elle foulera par 5 fois dans le cadre de la nouvelle création des Trans Musicales 2023. Présentant son 1er album solo à paraître le 2 février prochain, La Vie de star (tiens, tiens), la nouvelle signature du label Pan European a confirmé tout le bien que l’on pensait déjà d’elle. Chantant quasi exclusivement en darija (un dialecte marocain), l’artiste, déjà croisée en 1ère partie de Flavien Berger ou Zaho De Sagazan ou aux côtés d’Acid Arab et Léonie Pernet, subvertit habilement les tropes de cette supposée vie de star. Il y est question de finir à découvert ou de rouler en merco (une AMG pour être précis) de location sur des productions hypnagogiques pas si éloignées du cloud-rap et portées par une voix AutoTunée (qui rappelle subtilement que les artistes raï étaient pionniers dans l’utilisation du logiciel). Une merveille de concert en suspension.

Jacques dans le rôle de Dr. Frankenstein

Dans la tête de Jacques Tout est magnifique, certes, mais tout avait commencé comme un épisode de C’est pas sorcier pour le pire comme le meilleur : avec tout ce que ça comprend d’enrichissant et d’attachant, mais aussi toutes ses blagues mal vieillies et son obsolescence programmée. Dans son setup de laborantin, casse-gueule et, de fait, pas encore tout à fait fonctionnel, le Géo Trouvetou Jacques présentait son tout nouveau projet Vidéochose. Avec sa boîte à gants de labo visant à isoler les sons de ses objets fétiches pour les intégrer à son mix et à sa scénographie, on a bien cru devoir quitter Jacques sur une note morose, prêts à le croquer en Dr. Frankenstein dépassé par sa propre création. Et puis, l’épiphanie. Le dispositif prend forme, tout marche à nouveau, l’homme-machine éructe de joie, le public aussi. Un grand moment où festivaliers et artiste se lavent d’un même geste de la frustration accumulée depuis le début du concert pour une vingtaine de minutes véritablement euphorisantes. La plus belle expérience ratée de cette édition.

Uche Yara, une star pour demain

Sans être le meilleure concert de cette édition, il subsiste pourtant chez Uche Yara, seulement 20 ans au compteur, mais déjà catapultée en 1ère partie des Rolling Stones, un savoir-faire (insolant pour son âge) et une idée de la pop et du rock assez saisissante pour être discutée. Uche Yara c’est déjà une voix – modulable sur on-ne-sait combien d’octaves et d’une plasticité assez folle – et une présence, une envie de tout arracher qui n’est pas sans rappeler le souffle épique d’une 070 Shake. Dans sa tentative de rénovation du rock en y réinsufflant toute une cosmogonie de musiques noires, en acceptant le côté débraillé et le trop-plein qui guettent toute expérimentation syncrétique, mais aussi dans cette compulsive obsession de tout faire tube, l’artiste autricho-nigérianne souffle naturellement le chaud et le froid. Mais elle le fait avec tant d’aisance et tant d’aplomb qu’on lui pardonnera tout lorsqu’elle signera – peut-être – nos tubes préférés de demain.

Mairo et Stony Stone, nouvelle(s) école(s)

On était venus pour Mairo sans imaginer faire d’une pierre deux coups. Si le genevois, programmé en tête d’affiche de la soirée rap Intro dans le cadre des Bars en Trans, a enflammé salle et micro pour une performance de haut vol et de haut débit, c’est Stony Stone qui nous a pris de court. Auteur d’une série de freestyles baptisés Step, le rappeur marseillais, en bon alchimiste, a compris les liens potentiels entre les productions de Jul, la Fonky Family et les musiques électroniques anglaises (notamment la 2-Step) aussi bien qu’un article de feu Trax Magazine. Un style déjà bien affirmé, qui ne vaut pas seulement pour lui-même, puisqu’au service d’une sorte de festive mélancolie qui fait tout le sel de cette proposition de rap pas comme les autres. Et le secret d’un concert réussi, auquel l’apparition du rappeur du cru rennais, Lujipeka (récemment auteur d’un album hommage au rap marseillais), n’arrangera rien à la folie ambiante.

Raül Refree, le flamenco du futur

Avant de rejoindre une dernière fois le froid des hangars du parc Expo, détour dans le cossu opéra de Rennes pour l’avant-dernière représentation de Raül Refree. Dans un silence de cathédrale, le producteur du 1er album de Rosalía (Los Ángeles, 2017) s’est appliqué à plier le flamenco à son traitement d’avant-garde de la même manière qu’il l’avait pensé avec l’artiste catalane il y a six ans : une vision résolument tournée vers le futur du genre. Faisant la nique aux conservateurs qui avaient déjà fustigé ses transgressions lors de la parution de Los Ángeles, Raül – accompagné de la percussionniste Nuna Andurrà – détricote, concatène, déconstruit et remodèle un flamenco d’un genre nouveau. Affranchi, aventureux, piochant dans les musiques électroniques, l’avant-garde de la musique classique, le rock bruitiste pour faire advenir un nouveau canevas, un horizon des possibles pour le genre espagnol qui n’en finit plus de se rénover sous la houlette de têtes brûlées du flamenco contemporain. N’en déplaise aux intégristes.

Kabeaushé, la déflagration

Après un détour du côté du concert de Bantu Spaceship, on file voir l’attraction de la soirée : Kabeaushé. Autre énergie, autre star. Au bout de la nuit sur la scène Greenroom, il tord sa carcasse longiligne au rythme d’une musique qui charrie – et c’est tout un programme – les influences de Yves Tumor et de Playboi Carti (saupoudré d’un trait de la nouvelle star emo-punk Teezo Touchdown) tout en puisant allègrement dans le R&B, Prince ou la musique électronique des années 1980. En apparence disparate, ce mélange, qui en laissera quelques-un·es sur le carreau (en témoigne les tentatives de pogos ratées pendant le concert), et l’approche maximaliste de l’artiste kenyan arrachent tout sur leur passage. Une énergie rageuse et une présence magnétique qui suffit, presque à elles seules, à nous faire adhérer à ce projet maturé de longue date avec son équipe créative à Kampala en Ouganda.