“Trenque Lauquen” : après “La Flor”, nouveau coup de génie pour le collectif El Pampero Cine
Par quelle extrémité cueillir Trenque Lauquen, la nouvelle entreprise du collectif argentin El Pampero Cine, à qui l’on doit le laboratoire narratif et formel le plus ambitieux du siècle (La Flor de Mariano Llinás, 2018) ? Peut-être en repartant...
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Par quelle extrémité cueillir Trenque Lauquen, la nouvelle entreprise du collectif argentin El Pampero Cine, à qui l’on doit le laboratoire narratif et formel le plus ambitieux du siècle (La Flor de Mariano Llinás, 2018) ? Peut-être en repartant d’une métaphore botanique, science dont le groupe constitué de Mariano Llinás, Laura Citarella, Agustín Mendilaharzu et Alejo Moguilansky raffole tant et qui trouve ici encore une place omniprésente. Si la précédente et monumentale production des Argentin·es s’envisageait comme une fleur dont chaque épisode et nouvelle exploration d’un genre constituerait un pétale, Trenque Lauquen en serait, pour sa part, le réseau racinaire.
Le film prend pour sédiment un argument narratif extrêmement simple : comme beaucoup d’œuvres qui ont repoussé les limites du cinéma de leur temps pour produire une expérience jusqu’alors inédite (L’Avventura, Vertigo, Mulholland Drive…), il s’agit ici encore d’une disparition. Deux hommes vadrouillent en voiture aux alentours de la ville de Trenque Lauquen et sont à la recherche d’une femme. L’un est son conjoint, l’autre, son collègue de travail.
Le film de Laura Citarella s’avance d’abord lentement, malaxant une forme à combustion lente qui privilégie volontairement les contretemps et les détours avant de déployer avec autant de complexité que de clarté toutes ses ramifications. Une patiente préparation au voyage, pour laisser s’installer les spectateur·rices, les maintenir dans un sas de décompression avant de les projeter dans le vortex narratif qui va bientôt les avaler.
Aucune limite, aucune frontière
Car Trenque Lauquen a beau troquer les quatorze heures de La Flor au profit d’une durée plus “modeste” (un peu plus de quatre heures, scindées en deux parties) et choisir un seul univers de fiction en lieu et place du morcellement tentaculaire d’histoires et de personnages de son prédécesseur, vortex il y a bien. Le film est prodigieux de bout en bout et en tout point, autant dans sa manière de naviguer et d’investir différents genres avec une immense ambition romanesque que dans sa façon de se fractionner, se désintégrer pour mieux se régénérer et renaître au cœur d’une nouvelle bifurcation.
Filandreux et souterrain, ce récit-racine s’apparente à un même réseau d’agglomérats qui se subdivise tout en préservant miraculeusement son homogénéité. Une architecture globale qui évoque à plusieurs instants les Mystères de Lisbonne de Raoul Ruiz dans la façon dont la parole s’organise comme moteur du récit et fait basculer à chaque fois dans un nouveau tiroir spatiotemporel.
Convoquant tour à tour aussi bien l’enquête, le thriller paranoïaque, le film de monstre qu’une errance antonionienne sur la dissolution, Trenque Lauquen semble n’avoir aucune limite ni frontière, accostant sur chaque nouveau territoire avec une fluidité et une décontraction hallucinantes. Au moins aussi important et précieux que La Flor pour redessiner et repenser les contours de la modernité, le film de Laura Citarella propulse définitivement la bande des quatre Argentin·es comme les révolutionnaires de forme dingues et brillant·es du cinéma contemporain.
Trenque Lauquen de Laura Citarella, avec Laura Paredes, Verónica Llinás, Elisa Carricajo (Arg., All., 2022, 2 h 09 et 2 h 13). En salle le 3 mai.