Un an après le confinement de mon lycée, je ressors grandi de cette expérience inédite - BLOG

CONFINEMENT — Il y a 1 an déjà! Durant cette longue période, j’ai pris soin de noter ici ou là un mot, une anecdote, un sentiment, des clins d’œil, des sourires ou bien des colères…Le 12 mars 2020, il était presque 21 h lorsque je quittais...

Un an après le confinement de mon lycée, je ressors grandi de cette expérience inédite - BLOG

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Des semaines de silence et de silences, tant au sens propre que figuré. Des lieux vides physiquement et vides de sens… Nous entrions de plain-pied dans l’a-normalité. De longues semaines durant, ce furent balbutiements, allers-retours, interrogations, absence de réponse… durant de longues semaines, ce fut la découverte de “la débrouille”, de la mise à nu des fragilités, des fractures, qu’elles soient sociales, numériques, territoriales, ou tout simplement humaines. Chacune et chacun a donné le meilleur, a fait de son mieux!

CONFINEMENT — Il y a 1 an déjà! Durant cette longue période, j’ai pris soin de noter ici ou là un mot, une anecdote, un sentiment, des clins d’œil, des sourires ou bien des colères…

Le 12 mars 2020, il était presque 21 h lorsque je quittais mon domicile pour rejoindre l’amphithéâtre du lycée. Je venais d’écouter l’allocution du Président Macron. Si je vous dis que je ne me souviens pas exactement des mots prononcés, je n’ai pas oublié mes gestes, le sentiment éprouvé. Quelques kilomètres en voiture: le temps de préparer les quelques mots que je vais dire aux 190 internes du lycée. Il fait un peu plus de 10 degrés et la journée a été belle. Nous sommes à la veille du printemps.

Je retrouve les mots du Président que j’avais imprimés. “Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre État-providence ne sont pas des coûts ou des charges, mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d’autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle, construire plus encore que nous ne le faisons déjà une France, une Europe souveraine, une France et une Europe qui tiennent fermement leur destin en main. Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. Je les assumerai”.

Vous avez envie de raconter votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à temoignage@huffingtonpost.fr et consulter tous lestémoignages que nous avons publiés. Pour savoir comment proposer votre témoignage, suivez ce guide!

Fermeture du lycée

Les élèves sont installés et le silence est pesant. Je demande à chacune et chacun de préparer ses affaires puisque dès le lundi, les lycées seront fermés! Mes premiers mots sont exprimés un peu mécaniquement et je crois mal cacher le malaise qui m’habite. Voilà! Peu de questions, quelques “détails” techniques et chacun regagne ses pénates! La nuit sera paisible à l’internat. De mon côté, petit déjeuner avalé rapidement le vendredi matin. Des élèves, en séjour de montagne, reviennent eux aussi!

Nous sommes vendredi. Autour du café dans la salle des professeurs, dans la cour ou sur les lieux de travail des personnels, les questions fusent: je n’ai pas de réponse hormis celle dont je prends la responsabilité avec un soupçon de bon sens… Je ne savais pas que durant une année, je n’aurais pas de réponses claires et précises aux questions, interrogations des uns et des autres: élèves, familles, personnel, enseignants…

Entrée dans l’anormalité

Des semaines de silence et de silences, tant au sens propre que figuré. Des lieux vides physiquement et vides de sens… Nous entrions de plain-pied dans l’a-normalité. De longues semaines durant, ce furent balbutiements, allers-retours, interrogations, absence de réponse… durant de longues semaines, ce fut la découverte de “la débrouille”, de la mise à nu des fragilités, des fractures, qu’elles soient sociales, numériques, territoriales, ou tout simplement humaines. Chacune et chacun a donné le meilleur, a fait de son mieux!

L’innovation pédagogique a été un moteur! Chaque jour, j’étais à mon bureau, comme le pilote d’un navire à la fois réel et virtuel. Solitaire et solidaire aussi. Attentif autant que faire se peut à chacune et chacun. Je savais l’investissement assez remarquable de toutes et tous pour assurer “la continuité pédagogique” et faire que le désir d’apprendre, même autrement, ne s’émousse pas trop. Et puis 1 an de RETEX — le mot à la mode pour parler de retour d’expérience — ou bien encore de dizaines de tableaux à remplir, de statistiques dont j’ai eu le sentiment qu’ils tombaient dans le tonneau des danaïdes.

Ce furent des expérimentations comme les bourgeons qui fleurissent au printemps, avec des succès, des échecs, des essais… ce furent aussi des rendez-vous avec le territoire, les maîtres de stage, les maîtres d’apprentissage qui ont joué le jeu de a formation et de l’éducation. Que le territoire est important, que la proximité est un gage de cohésion et le meilleur échelon pour vivre la solidarité! Ah le vieux débat entre jacobins et girondins ou devrais-je dire entre jupitériens — pour le remettre au gout du jour, et décentralisateurs! Sans jeter le bébé avec l’eau du bain, le jacobinisme “intelligent” qui se pare du principe de subsidiarité est le dernier avatar d’un modèle à bout de souffle.

Nous aussi, au lycée, nous avons connu les valses-hésitations concernant les masques, peut-être les tests à l’avenir, et qui sait les vaccins? En tous les cas, les informations, injonctions de la veille pour le lendemain, les mises en place de directives plus ou moins contradictoires ont jalonné mes journées, longues soirées. Les repas interdits puis autorisés dans les bureaux, sur les lieux de travail et autre… Bref, la liste à la Prévert pourrait être bien longue!

La force des liens humains

Mais ce que je retiens de cette année si singulière, c’est finalement que l’école est un lieu “essentiel”! Que les enseignants ont plus que jamais leur raison d’être comme acteurs de transmission des connaissances et de la transmission des valeurs de la citoyenneté! J’ai appris la force des liens humains, de cette pépite qu’est la qualité de ce qui ne s’exprime pas, comme la force des regards échangés, des mots partagés. J’ai appris l’humilité et l’humanité, la bienveillance, le don gratuit. J’ai mesuré la force du collectif et la parfois la pesanteur de la solitude.

Je me suis enrichi de ce que chacun m’a offert sans le savoir. J’ai fait l’expérience de l’introspection et du je plus que du moi! Il y a quelques années, j’écrivais sur mon expérience de chef d’établissement. Jamais je n’avais imaginé professionnellement et comme citoyen vivre une période aussi inédite. Mais j’ai aussi appris aussi la beauté de l’intelligence du cœur des “hussards de la République”, ces petites mains de l’Histoire qui est au cœur de notre identité; la beauté de l’intelligence des partenaires sociaux qui ont fait preuve de discernement et d’audace; de l’attention des collectivités locales et territoriales comme la Région, des élus des territoires qui œuvrent pour que le meilleur puisse se vivre au service des jeunes qui sont notre avenir, l’éducation et la formation dans lesquels il faut investir parce que demain se construit aujourd’hui.

Un an et maintenant?

Oui, j’ai eu durant cette année si particulière eu l’honneur d’être à la tâte d’un navire Amiral avec un équipage pour qui « faire classe dehors » a été une vraie et belle aventure qui se prolonge. Résidence d’artiste, cinéma en plein air, rendez-vous de la bio-diversité, renaturation d’espaces : parfois, je me dis que l’enseignement agricole est aussi une valeur ajoutée de notre système éducatif !  J’ai pu le mesurer au fil des mois !

Les services déconcentrés de l’Etat ont été exceptionnellement facilitateurs. Alors, tout compte fait, les colères qui ont puisé dans des choix incompris, des incohérences ressentis, des lenteurs multiples ont été contrebalancées par ce qui n’a pas de prix : le regard d’un jeune qui apprend, qui chemine, qui réussit grâce à l’attention que lui porte l’enseignant, chaque enseignant, chaque adulte qui croise sa route au lycée.

Il ne peut y avoir de retour au monde d’avant, d’hier. Sinon, cela serait à désespérer de la part la plus éclatante que chacun a en soi ! J’ai eu le temps tout en travaillant d’écouter de la musique. J’ai beaucoup aimé « les cons finis et les confinés » du sage Pierre Perret. Ou bien cette notion de « Refuge » de Julien Clerc. A ma façon, je sais l’école comme étant un refuge, et j’en demeurerai volontiers un « gardien ». J’emprunterai volontiers quelques mots à Jean Gabin : « C’est tout ce que j’sais, mais ça, j’le sais »…

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