Un livre pour décoder le génie méconnu de “Speed Racer” des Wachowski
Après deux excellents essais (un sur Jim Carrey, un autre sur Louis C.K.), la jeune maison d’édition Façonnage ne déçoit décidément pas avec Speed Racer, les Wachowski à la lumière de la vitesse. Ecrit par Julien Abadie (dont la plume alerte...
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Après deux excellents essais (un sur Jim Carrey, un autre sur Louis C.K.), la jeune maison d’édition Façonnage ne déçoit décidément pas avec Speed Racer, les Wachowski à la lumière de la vitesse. Ecrit par Julien Abadie (dont la plume alerte fut aperçue jadis à Chronic’art ou à Carbone), cet ouvrage est l’exégèse rêvée du cinquième long-métrage des soeurs Wachowski, sorti en 2008, boudé par le public et considéré alors par une majorité de critiques comme un nanar décérébré éventuellement regardable par les moins de 12 ans ; Les Inrockuptibles était l’un des rares médias français à l’avoir d’emblée porté aux nues.
Un chef d’œuvre mutantTreize ans plus tard, Abadie lui rend ses lettres de noblesse et montre, avec une impressionnante force argumentative et une immense érudition, que le film est non seulement le manifeste des Wachowski, mais probablement l’une des œuvres d’art les plus visionnaires de notre modernité. Un chef d’œuvre mutant, “toujours déjà” en avance sur son temps.
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Du rapport au temps, il est ici précisément question. Au temps, à l’espace et à la vitesse. Le critique commence sa démonstration par un passionnant détour : l’invention, en 1879, du zoopraxiscope par Eadweard Muybridge, un ancêtre du cinéma qui permettait de voir, décomposés puis recomposés, les mouvements d’un cheval au galop. Sur cet objet primitif, comparable au flipbook dont le petit Speed, rêvant au fond de sa classe, fait tourner les pages au début du film.
Abadie s’appuie dessus pour expliquer le rapport à l’espace-temps si original des autrices de Matrix, connues justement pour y avoir inventé le bullet time, cet effet par lequel Néo évitait les balles au ralenti. Or ce qui se joue là, bien au-delà d’un gimmick visuel repris ad nauseam, c’est une vision du monde. Ce ralentissement extrême de l’image, qui figure en fait une accélération fulgurante, est la clé de voûte du système philosophico-esthétique des plus fameux cinéastes transgenres : “Il faut en passer par une autre vitesse, écrit Abadie. Une vitesse qui déborderait le temps séquençable, technique, pointilliste, ce temps si rapide qu’on l’a depuis longtemps perdu de vue.”
“Et comment ?” demande-t-il plus loin. “En restant immobile. En tenant. En résistant.” Et Speed Racer, donc, serait le manifeste de cette nouvelle vitesse, intérieure, à (re)découvrir.
Décoder l’œuvreAu cours des 240 pages de l’essai, d’une densité folle mais qui se lisent comme un roman d’aventure — ou mieux : qui s’apprécient comme le film qu’elles décrivent, avec ses syncopes sensuelles et ses embardées théoriques — l’auteur nous promène dans sa bibliothèque garnie d’ouvrages de philosophie (Bergson, Deleuze, Virilio, Rosa…), de littérature moderne (Proust, Joyce, Sagan…), d’histoire de l’art (le spirituel dans l’art de Kandinsky, le superflat de Murakami, la théorie de l’animation de Thomas Lamarre…), et nous plonge dans sa vidéothèque remplie de films-mutants (Tron, Hulk, Time and Tide…) pour resituer celui-ci dans son contexte.
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Nullement par cuistrerie, mais simplement pour se hisser au niveau de son sujet, le décoder et permettre de mieux en apprécier l’intelligence foudroyante. Et pourquoi pas d’en appliquer quelques préceptes. Plus que l’analyse extensive d’un film, il s’agit là d’un traité de savoir-vivre.
Speed Racer, les Wachowski à la lumière de la vitesse de Julien Abadie, 248 pages, 20 €.