“Uncharted” : comment un chef-d’œuvre du jeu vidéo devient un film médiocre
Ah, on va en souper cette année, de ce vieux débat de comptoir pop culturel : pourquoi les bons jeux vidéo font-ils de mauvais films ? Et ce vieil adage va-t-il enfin être contredit, comme on nous le promet tous les ans depuis au bas mot les...
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Ah, on va en souper cette année, de ce vieux débat de comptoir pop culturel : pourquoi les bons jeux vidéo font-ils de mauvais films ? Et ce vieil adage va-t-il enfin être contredit, comme on nous le promet tous les ans depuis au bas mot les 1ers Tomb Raider avec Angelina Jolie ? C’est que les poids lourds (au 1er rang desquels The Last of Us sur HBO, par le créateur de Chernobyl et avec un beau casting) sont assez nombreux en 2022 pour agiter la carotte du chef-d’œuvre au bout du bâton de la promo – oui, cette fois, promis, c’est la bonne, vous allez enfin pouvoir vivre ce moment fantasmé depuis votre enfance : retrouver sous la texture du cinéma une émotion rencontrée manette en main.
Une sempiternelle course à l’échalote dans laquelle Uncharted était un concurrent de poids. Un jeu déjà au panthéon de son genre, doté de vertus très cinématographiques (coulée indifférenciée et très dynamique d’action jouable et de cinématiques ; joueur évoluant dans une sorte de position d’acteur ou de cascadeur, incité à recommencer des séquences dans le seul souci d’en exécuter au mieux la chorégraphie) ; d’ambitieux moyens d’adaptation, d’authentiques superstars (Tom Holland), d’un beau budget (120 millions) et d’un réalisateur qui n’était pas à l’abri d’imprimer une vague inspiration personnelle (Ruben Fleischer de Zombieland).
Ersatz de Mission : ImpossibleLe résultat a superficiellement un certain allant : un goût de la surcharge stupéfiant évoquant parfois le Gore Verbinski des grands delirium tremens pyrotechniques (Lone Ranger, Pirate des Caraïbes 3), s’affranchissant des limites physiques avec une liberté d’enfant, suspendant des caravelles à des hélicoptères, projetant dans les airs et en chute libre tous les décors et personnages d’une scène d’action classiquement terrestre (un bolide de collection, des caisses d’obstacles, des sbires…). On sent bien au niveau de quel modèle de cinéma à grand spectacle Fleischer tente de se hisser : la saga Mission : Impossible, dont il n’est pas un cousin si éloigné par sa recherche constante d’extrémités du plausible et d’aberrations spatiales. Il n’est d’ailleurs pas anodin de permettre à Tom Holland de démontrer sa virtuosité physique et son adresse en lui faisant enfiler le costume du barman (avec à la clé une scène de castagne mixologique plutôt réussie), comme ce fut le cas d’un certain Tom Cruise dans Cocktail.
Incurable médiocritéMais alors que tous les ingrédients sont alignés pour une potentielle réussite, le film se vautre sur son incurable médiocrité, son absence totale de densité d’écriture, ses dialogues désolants de niaiserie, ses artifices de récit pas toujours excusables. Sur le plan strict du scénario, il ressemble à un sous-produit lambda du cinéma d’aventures le plus basique qui soit. Comment et pourquoi la conversion, pourtant bien pourvue en moyens, d’un chef-d’œuvre vidéoludique peut-elle donner un aussi banal produit de série ? Parce qu’on ne rentre pas un rond dans un carré ; et donc à cause d’une limite théorique qui se pose encore et se posera toujours à toute tentative d’adapter un jeu : à savoir que son émotion tient à ce qu’il est jouable, et que l’on ne peut retirer ce terme de l’équation en espérant obtenir un résultat ne serait-ce qu’apparenté.
Rendre jouable un imaginaire filmé est empreint d’une magie unique qui continue régulièrement d’irriguer l’actualité du jeu vidéo ; faire le chemin inverse, en revanche, est toujours une entreprise décevante, parce que les jeux ont besoin d’une certaine simplicité pour demeurer maniables, et que cette simplicité une fois transposée au cinéma ressemble à de la crétinerie. On continue d’attendre le concurrent qui fera enfin exception à la règle. Il commence à prendre des airs de Godot.
Uncharted de Ruben Fleischer, en salle le 16 février