Vaccin AstraZeneca: comment la France s'est pris les pieds dans le tapis

SCIENCE - Il y a un problème en France avec AstraZeneca. Seules 25% des doses livrées par le laboratoire britannique ont été utilisées dans l’Hexagone à la date du dimanche 28 février. À titre de comparaison, 82% des vaccins Pfizer/Biontech...

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Emmanuel Macron le 20 janvier, lors d'une visite d'une usine produisant le vaccin AstraZeneca à Dunkerque.

SCIENCE - Il y a un problème en France avec AstraZeneca. Seules 25% des doses livrées par le laboratoire britannique ont été utilisées dans l’Hexagone à la date du dimanche 28 février. À titre de comparaison, 82% des vaccins Pfizer/Biontech disponibles ont été injectés. Un phénomène difficile à digérer alors que la vaccination est une priorité affichée et notre principale arme pour endiguer l’épidémie de Covid-19.

Pour l’expliquer, il faut déjà se souvenir qu’AstraZeneca est disponible depuis moins longtemps et qu’il y a toujours un temps d’adaptation logistique à chaque introduction d’un nouveau vaccin. Il faut également rappeler que le vaccin développé en partenariat avec l’université d’Oxford a connu moult péripéties lors de son arrivée en Europe.

Des rebondissements multiples, auxquels Emmanuel Macron a pris part, et qui ont possiblement érodé la confiance des Européens et des Français.

Une vaccination en deux temps

Très concrètement, ce stock inutilisé a deux causes principales et distinctes, a précisé le ministère de la Santé ce mardi 2 mars. D’abord, le vaccin n’est disponible pour le grand public (âgé de 50 à 64 ans et avec des comorbidités) que depuis le milieu de la semaine dernière. Jusque-là, il était réservé aux soignants, sans critère d’âge.

Conséquence, le nombre de doses injectées n’a fortement augmenté que ces derniers jours. Et le ministère se dit confiant sur le fait que les vaccinations d’AstraZeneca vont continuer d’augmenter dans les jours à venir, notamment grâce à la récente autorisation du vaccin pour les personnes âgées de 65 ans et plus.

Mais il est tout de même étonnant que le stock dédié aux soignants, soit environ 600.000 doses, ait si peu diminué. Si le ministère de la Santé précise ne pas avoir “quantifié les réticences”, celles-ci sont prises au sérieux par le gouvernement. “On fait tout pour que cette réticence recule”, affirme-t-on Avenue de Ségur.

Et de rappeler qu’Alain Fischer, le “Monsieur vaccin” du gouvernement, fait le tour des communautés de soignants pour promouvoir AstraZeneca. Olivier Véran a lui-même récemment organisé une visioconférence avec les dirigeants d’établissements de santé pour améliorer la couverture vaccinale des soignants.

Une autorisation en deux temps

Ces réticences ont plusieurs origines. Alors que l’Agence européenne du médicament (EMA) avait autorisé AstraZeneca pour tout le monde fin janvier, la Haute autorité de la santé (HAS) recommandait de ne pas l’utiliser sur les personnes de plus de 65 ans. Soit la cible actuelle de la campagne de vaccination française, découpée en plusieurs phases.

Pour ne pas gâcher, le gouvernement décide donc de vacciner avec AstraZeneca tous les personnels soignants de moins de 65 ans, ainsi que toute personne de 50 à 64 ans avec une comorbidité risquant de provoquer une forme grave de Covid-19.

Une prudence qui peut brouiller le message, mais qui est loin d’être illogique. La HAS rappelait à l’époque que les essais cliniques d’AstraZeneca ne concernaient pas assez de personnes âgées et ne permettaient pas de savoir s’il était efficace ou non sur cette population. D’autres pays européens, telle l’Allemagne, ont fait un choix similaire. L’EMA ne disait pas autre chose, mais estimait qu’une “protection était attendue” car une réponse immunitaire a été identifiée. Bref, un choix fondé sur des critères scientifiques encore non définitifs avait été effectué.

Et justement, les choses ont changé ce lundi 1er mars, quand Olivier Véran a annoncé, suivant un nouvel avis de la HAS, l’autorisation d’AstraZeneca pour toutes les classes d’âge. À raison: deux récentes études en population réelle, en Écosse et au Royaume-Uni, ont montré qu’AstraZeneca était bien efficace, y compris chez les personnes âgées.

Mieux encore: alors que les premiers résultats des essais cliniques évoquaient une efficacité importante, mais derrière les vaccins à ARN messagers, on se rend compte ici qu’AstraZeneca fait à peu près aussi bien que le vaccin de Pfizer/Biontech, avec notamment 80% d’hospitalisations en moins pour les personnes vaccinées.

“Mauvaise presse” injustifiée

Mais le mal est fait et durant cette période, la confiance a eu le temps de s’éroder, surtout que des critiques injustifiées ont été adressées à AstraZeneca, dans une période de fortes tensions autour des livraisons de doses entre l’Union européenne et le laboratoire.

Le 25 janvier, le quotidien allemand Handeldblattaffirmait carrément, quelques jours avant l’autorisation de l’EMA, qu’AstraZeneca n’était efficace qu’à 8% chez les personnes âgées. Un chiffre très étonnant, finalement lié à une erreur de lecture et qui n’a jamais été confirmé dans aucune étude scientifique. Mais le mal était fait.

Quelques jours après, c’est même le président Emmanuel Macron qui affirmait à la presse étrangère que le vaccin britannique était “quasiment inefficace” pour les personnes âgées et que “les résultats préliminaires pour les personnes entre 60 et 65 ans ne sont pas très encourageants”, rappelle la BBC. Encore une fois, sans aucune donnée scientifique pour appuyer ces affirmations.

Un deuxième élément, quelques jours après les premières vaccinations de soignant, a terni un peu plus l’image de ce traitement préventif: des effets indésirables nombreux étaient répertoriés chez les soignants, premiers à être vaccinés avec AstraZeneca en France.

On ne parle pas ici de maladies graves mais de fortes fièvres, normales dans le cadre d’un vaccin et signes d’une efficacité de celui-ci sur le système immunitaire. Si ces effets sont à prendre en compte pour ne pas se retrouver avec l’ensemble des soignants d’un service hospitalier absents un jour ou deux pour cause de fièvre, ils ne nécessitaient pas de clouer AstraZeneca au pilori.

Et le problème touche également l’Allemagne. Au 24 février, seules 15% des doses étaient utilisées, selon Reuters. D’après un sondage du journal berlinois Tagesspiegel, seul un Allemand de moins de 65 ans sur trois accepterait d’être vacciné avec AstraZeneca.

Depuis, les gouvernements français comme allemands n’ont cessé de dire qu’AstraZeneca n’était pas un vaccin au rabais. Emmanuel Macron a lui-même déclaré le 25 février: “si c’est ce vaccin qui m’est proposé, je le prendrais”. Car pour que les stocks diminuent, encore faut-il que les Français soient convaincus.

“Pour des raisons que je trouve profondément injustes, ce vaccin a une relativement mauvaise presse en France. Il est considéré comme moins efficace que les vaccins ARN messager et moins bien toléré. Ce n’est pas exact”, a déclaré Alain Fischer le 25 février lors d’une conférence de presse.

La question à long terme des variants

En faisant du vaccin britannique le seul disponible pour les 65-74 ans, le gouvernement français espère donc inverser la tendance. Les chiffres d’efficacité venus d’outre-Manche pourraient en outre permettre de redorer son image.

Reste tout de même une grande inconnue: son efficacité sur les variants sud-africains et brésiliens, soupçonnés d’échapper à une partie de l’immunité. Une étude préliminaire a montré qu’AstraZeneca fonctionnait moins bien face à ces variants, entraînant la suspension temporaire de la vaccination en Afrique du Sud.

Interrogé par Les Échos, le président du syndicat infirmier SNPI, Thierry Amouroux, se base justement sur cet argument pour demander “un autre vaccin pour les soignants, à ARN messager, ou bien le Johnson & Johnson qui semble efficace sur les variants”.

Questionnée sur ce sujet, la HAS rappelle que le monde de la recherche, ainsi que les fabricants de vaccins, sont en train de mettre au point des solutions pour contrer les variants avec “des doses de rappel, des vaccinations alternées entre vaccins à ARN messager ou à vecteur viral et des vaccins ciblés”.

Des essais cliniques en cours devraient nous apporter des réponses dans les semaines à venir. En attendant, la HAS estime “qu’en France, la menace actuelle, c’est le variant anglais”, contre lequel AstraZeneca est très efficace. Pas de raison donc de le bouder. 

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