Vaccin, pass sanitaire: on ne consent qu'à ce que l'on comprend

On ne consent qu’à ce que l’on comprend. Cette affirmation, issue des principes élémentaires de la science politique, n’aura jamais été aussi vraie que depuis que la France, traversant la pandémie de Covid-19, a adapté de manière transitoire...

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Le pass sanitaire exigé à l'entrée du château de Caen, le 21 juillet 2021. (Photo by Artur Widak/NurPhoto via Getty Images)

On ne consent qu’à ce que l’on comprend. Cette affirmation, issue des principes élémentaires de la science politique, n’aura jamais été aussi vraie que depuis que la France, traversant la pandémie de Covid-19, a adapté de manière transitoire et pour y faire face, les règles de notre droit. Alors qu’a été adopté la semaine dernière à l’issue d’une commission mixte paritaire le projet de loi visant, entre autres, à élargir l’emploi du pass sanitaire ou à instaurer l’obligation vaccinale pour les personnels de santé, un nouveau week-end de mobilisation des “anti” s’annonce: le pays vit l’un des principaux symptômes de la crise des consentements qu’il traverse sans la savoir depuis de nombreuses années.

Face à la percée du variant Delta, et alors que le nombre de contaminations monte en flèche, l’été 2021 ressemble, à de nombreux égards, à celui de l’année passée. Pour le Gouvernement et le législateur, il est définitivement celui du chemin de crête: agir sans surréagir et prendre des mesures proportionnées, réalistes, mais surtout, compréhensibles du pays. De la doctrine évolutive sur le port du masque aux tests, de la vaccination des plus vulnérables à celle de la population générale, la parole publique et sa crédibilité sortent considérablement érodées de la pandémie. Face à une science qui par essence ne cesse de progresser et donc, parfois, de se contredire au gré de sa compréhension des sujets, la parole politique se doit d’être humble, la société d’être réaliste. 

 

Pour le Gouvernement et le législateur, l'été est un chemin de crête: agir sans surréagir et prendre des mesures proportionnées, réalistes, mais surtout compréhensibles du pays.

 

Mais du point de vue du droit et de la loi, chacun aura compris que l’exercice est, et sera, beaucoup plus complexe. Alors que l’Assemblée nationale et le Sénat ont examiné la semaine dernière le neuvième projet de loi, en 18 mois, concernant l’état d’urgence sanitaire et les dispositions liées à la pandémie, le législateur a une responsabilité parmi d’autres, celle de voter une loi lisible, compréhensible et applicable.

Alors que dans le pays des mesures territorialisées sont prises pour freiner la progression du virus, la situation qui peut en résulter est une disparité des mesures, parfois mêmes contradictoires selon le territoire. Le pays et la société sont éprouvées. Après beaucoup de sacrifices auxquels la très large majorité des citoyens a consenti avec esprit de responsabilité et de solidarité, le risque est que face à des dispositifs complexes, dont l’ingéniosité théorique est certaine mais dont l’applicabilité serait irréaliste, face à une trop grande diversité de mesures qui rendraient illisible une stratégie à l’échelle du pays, des citoyens aillent vers la désobéissance civile.

Qu’on ne s’y trompe pas, la très large majorité de la société française n’est ni “antivax”, ni antiscience, ni complotiste. À ceux qui s’interrogent, les autorités publiques doivent continuer de répondre en investissant dans la pédagogie et la transparence, aux autres nous devons la clarté. Si depuis les années 2000 s’est développée en trame de fond sociétale une crise des consentements au vivre-ensemble, aux règles du jeu démocratique, mais surtout à l’État et à son autorité, la pandémie, du fait de sa violence symbolique et des contraintes nécessaires qu’elle implique, l’a rendue plus saillante.

 

La parole publique et sa crédibilité sortent considérablement érodées de la pandémie.

 

Alors que les annonces se suivent et parfois, au lieu de préciser, complexifient; que les prises de parole donnent suite, c’est normal, à des ajustements et des évolutions; que la mise en œuvre effective des mesures attendues en réalité est impossible par les acteurs de terrain parce que les dispositifs sont trop complexes, le pays a besoin de clarté. Face à des désinformateurs qui instrumentalisent peurs et incertitudes, le pouvoir politique doit réinvestir dans la confiance démocratique, qui passe par la transparence et la sérénité des débats.

Ce qui est en jeu actuellement, ce n’est pas uniquement l’élargissement du pass sanitaire ou de la vaccination obligatoire des soignants, c’est la capacité des pouvoirs publics à contenir et à juguler la fragmentation de la société, par une parole, en des temps troublés comme ceux que nous vivons, qui ne soit certes pas infantilisante, mais qui soit surtout audible et compréhensible de tous. Une loi qui bavarde serait inutile, une loi illisible serait inapplicable, une loi impossible à mettre en œuvre renforcerait la défiance à l’endroit de nos politiques tant elle renforcerait la croyance selon laquelle ces derniers seraient impuissants. On pensait les défis posés par la pandémie derrière nous. S’ils sont, à l’évidence toujours d’actualité, ils pourraient même nous permettre de penser les bases d’un renouveau démocratique et politique, de refonder le consentement à la loi et, in fine, de réinventer notre citoyenneté. À suivre.

 

“Retrouver la République - Face à la crise des consentements” de Jad Zahab, éditions le cherche midi, en savoir plus ici

 

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