Vacciner les migrants de Calais et Grande-Synthe? Encore faut-il qu'ils aient accès aux soins

IMMIGRATION - Respecter les gestes barrières pour freiner la propagation du Covid. Oui, bien sûr... lorsqu’on peut se le permettre. Dans les campements et hébergements de fortune des migrants à Calais et Grande-Synthe, la crise du coronavirus...

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Dans la région du Calaisis, seulement 8 cas de coronavirus ont été enregistrés par les migrants depuis le début de l'épidémie. Mais pour les personnes qui survivent dans les campements de fortune, l'épidémie est loin d'être leur principale préoccupation. (photo prise à Calais le 7 avril 2020, pendant le 1er confinement, où une personne qui avant tenté de traverser la Manche est interpellée par la police -  BERNARD BARRON / AFP)

IMMIGRATION - Respecter les gestes barrières pour freiner la propagation du Covid. Oui, bien sûr... lorsqu’on peut se le permettre. Dans les campements et hébergements de fortune des migrants à Calais et Grande-Synthe, la crise du coronavirus et la question de la vaccination n’est que l’énième illustration d’un problème récurrent bien plus vaste: l’accès aux soins et à l’hygiène encore bien trop insuffisant pour ces populations. 

Sans surprise, l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) sur “les conditions de vie des migrants à Calais et Grande-Synthe” rendu public ce jeudi 11 février dresse un triste constat: “L’accès des personnes exilées aux services essentiels est insuffisant ou inadapté, en particulier en ce qui concerne l’effectivité des accès à l’eau et à la nourriture, à l’hygiène, à la santé, aux moyens de communication et surtout à un hébergement digne.”

Exposés au virus depuis près d’un an, avec en plus, ces derniers jours, une vague de froid dont les conséquences pourraient être terribles, les migrants de Calais et Grande-Synthe sont considérés par de nombreux observateurs comme des personnes d’autant vulnérables.

“Ce sont des gens stressés, sous-alimentés, avec un accès aux droits restreints, ils sont de plus en plus isolés et n’ont pas les moyens d’être en bonne santé. Ils doivent être considérés comme fragiles”, estimait ainsi mi-janvier auprès de l’AFP Carine Rolland, membre du conseil d’administration de Médecins du monde. Sur la même ligne, la Haute autorité de santé (HAS) avait dès novembre classé les quelque 300.000 à 600.000 sans-papiers de France parmi ses cibles prioritaires pour la vaccination et dans son avis, la CNCDH attire elle aussi l’attention sur ce point.

 Mais le gouvernement a choisi de ne pas prioriser ces populations dans sa stratégie vaccinale.

Le gouvernement affiche une bonne volonté, mais...

Contacté par Le HuffPost, le ministère des Solidarités et de la Santé assume. “Il n’y a pas de priorité fixée sur les personnes migrantes parce qu’elles sont migrantes. En revanche, les personnes migrantes de 70 ans sont éligibles à la vaccination comme n’importe quelle autre personne en France”, nous affirme-t-on. En clair, le facteur de l’âge et le risque de contracter une forme grave de la maladie ont été placés en tête des critères. Le ministère tient à préciser qu’il a mis la priorité sur les foyers de travailleurs migrants “où il y a des populations jeunes, mais aussi des personnes beaucoup plus âgées. Celles-ci restent la cible de notre vaccination.”

La population des campements de Calais et Grande-Synthe, majoritairement jeune, sera donc intégrée à la phase 3 de la stratégie vaccinale, qui devrait commencer en mars 2021. 

Comme ailleurs sur le territoire, le gouvernement s’appuiera sur l’ARS,  la préfecture du Pas-de-Calais, et aussi “potentiellement” sur le dispositif gouvernemental des PASS (Permanences d’Accès aux Soins de la Santé) qui permet aux personnes en situation irrégulière ou sans couverture sociale d’avoir accès aux soins. 

Les associations sur le terrain devraient également être sollicitées. “Devraient”, car cela n’a pas encore été fait. Au HuffPost, Aurélie Denoual, coordinatrice médicale de l’association dans le littoral Nord et Pierre, coordinateur d’Utopia 56 à Calais, disent ne pas avoir été contactés par la préfecture ou l’ARS pour l’instant.

Dans son rapport, la CNCDH recommande elle aussi “la prise en compte des personnes exilées dans le programme de vaccination contre la Covid-19”. Mais, nous explique, Geneviève Colas, rapporteuse de l’avis, cette recommandation s’inscrit dans un cadre bien plus large: améliorer l’accès à l’hygiène et surtout aux soins des migrants sur le littoral nord, aujourd’hui très insuffisant. 

“On sera vigilants sur la vaccination quand ils rentreront dans les critères”

“Pendant toute la période Covid, on a été vigilants pour s’assurer qu’ils aient accès à tout: soins, prise en charge, accès aux tests... Et on sera vigilants sur la vaccination quand ils rentreront dans les critères”, promet Aurélie Denoual.

Vigilants sans nul doute, mais limités dans leurs actions. Sur le plan médical, et a fortiori depuis le début de la crise sanitaire, les associations servent principalement de relais entre les exilés et les PASS. “En appui aux maraudes dédiées aux personnes migrantes, des maraudes dites “sanitaires” sont mises en œuvre deux fois par semaine, en partenariat avec la Protection Civile, Médecins du Monde et la Croix-Rouge Française, explique la préfecture de Calais contactée par nos soins. Ces dernières permettent de renforcer le repérage des publics en besoin de soin, et le cas échéant de les orienter vers la PASS du centre hospitalier de Calais.”

Ainsi, ce sont les PASS qui ont été chargées du dépistage du Covid-19 et de la prise en charge lorsqu’elle s’imposait. “Il y a possibilité d’avoir accès aux tests sur les PASS des centres hospitaliers de Calais et Dunkerque. S’il y a un test positif, il y a une prise en charge dans des hébergements spécifiques, avec un suivi médical et paramédical”, détaille Aurélie Denoual.

Sur le papier, tout semble avoir été pensé pour répondre aux besoins. Sur le terrain, c’est plus compliqué.

“Nombre de personnes exilées renoncent à une prise en charge d’urgence”

“La difficulté est plutôt dans l’accès à l’information et à la bonne information”, souligne Aurélie Denoual. Conséquence de la politique controversée de “non fixation”, qui construire à détruire les campements improvisés tous les deux jours, les migrants sont de plus en plus éparpillés. Et pour les associations, repérer tous ceux qui auraient besoin d’assistance devient difficile.

“La mobilité vers les permanences d’accès et les soins de santé (PASS) est, pour certaines personnes exilées, très compliquée. Ainsi, nombre d’entre elles renoncent à une prise en charge d’urgence à laquelle elles ont droit”, appuie la CNCDH. Elle recommande la mise en place de PASS mobile sur les zones de Calais et Grande-Synthe, comme il en existe déjà ailleurs sur le territoire.

À cette difficulté d’accès aux soins, s’ajoute une certaine défiance vis-à-vis du système de santé, d’autant plus visible pendant l’épidémie de Covid. “Certains n’ont pas envie d’aller dans des lieux officiels où ils ont peur d’être arrêtés parce qu’ils sont sans papiers”, explique Geneviève Colas, à propos de l’organisation de la vaccination. Pierre, coordinateur d’Utopia 56 à Calais, souligne lui le nombre très limité de cas de Covid-19 recensés. 8 dans tout le Calaisis depuis le début de la crise, selon la préfecture. “Pour être dépisté, il faut aller faire les tests. Et les personnes exilées ne sont pas forcément demandeuses de ça”, souligne-t-il. 

“La pire situation depuis 2010”

L’accès compliqué aux soins est d’autant plus problématique que les conditions d’hygiène sur les campements sont déplorables. Dans son rapport, la Commission cite des acteurs du terrain qui dépeignent une situation digne de 2010, lorsque la crise migratoire a pris une ampleur démesurée.

Pêle-mêle, la CNDCH évoque “des robinets d’eau en quantité insuffisante”, l’absence d’association mandatée par l’État à Grande-Synthe (rôle tenu par La Vie Active à Calais), une “moyenne d’apports nutritionnels des repas distribués par les associations mandatées par l’État” insuffisante. Sans oublier les destructions quasi quotidiennes des campements, le manque de places d’hébergement et le fait que “les associations non mandatées par l’État qui tentent d’en pallier les insuffisances se heurtent de plus en plus souvent à des interdictions administratives.”

“Ce manque d’accès à l’hygiène pour les personnes exilées représente un vrai problème de santé publique dans la mesure où il est propice aux maladies et à leur transmission”, épingle la Commission. 

En période de coronavirus, ce constat résonne particulièrement. Mais pour les personnes qui survivent à Calais et Grande-Synthe, la priorité n’est pas tant dans la protection contre le Covid que dans la survie quotidienne, avec en ligne de mire l’objectif de rallier l’Angleterre.

“La CNCDH considère que la détérioration des conditions dans lesquelles survivent les personnes exilées sur la zone frontalière ainsi que la violation récurrente de leurs droits fondamentaux sont inacceptables sur le territoire de la République”, tance l’institution. 

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