Valérie Bacot, enceinte à 17 ans de son beau-père, un moment charnière
PROCÈS - Certaines trajectoires de vie se décident bien avant l’âge adulte. C’est notamment le cas des victimes de violences sexuelles incestueuses pendant l’enfance et l’adolescence, comme Valérie Bacot. Ce vendredi 25 juin, au cinquième jour...
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PROCÈS - Certaines trajectoires de vie se décident bien avant l’âge adulte. C’est notamment le cas des victimes de violences sexuelles incestueuses pendant l’enfance et l’adolescence, comme Valérie Bacot.
Ce vendredi 25 juin, au cinquième jour de son procès, la parole était à l’avocat général. Il a requis une peine de cinq ans de prison, dont quatre avec sursis pour l’accusée de 40 ans. Une peine qui si elle était appliquée lui permettrait de ne pas retourner en prison. Elle est poursuivie pour avoir tué son mari, Daniel Polette, après avoir subi plus de 24 ans de viols incestueux puis conjugaux, de violences et de prostitution contrainte.
“Traumatismes fondateurs”
Dans son réquisitoire, l’avocat général a parlé de plusieurs “traumatismes fondateurs”. Enfant, “elle n’a pas connu encore Daniel Polette, mais est déjà dans une situation intenable, avec un couple de parents en crise, ce qui va provoquer la construction d’une personnalité aux traits abandonniques. Un père absent. Un grand frère agresseur sexuel quand elle a six ans. C’est fondateur aussi comme traumatisme”, résume le procureur Jallet, selon Le Journal de Saône-Et-Loire qui assiste au procès.
Les viols commis par son beau-père commencent eux à l’âge de douze ans. Incarcéré pendant deux ans et demi pour cette raison, Daniel Polette réintègre à sa sortie de prison le domicile familial et les viols reprennent. À 17 ans, Valérie Bacot tombe enceinte.
“Valérie Bacot présente toutes les vulnérabilités pour être la proie idéale du pervers sexuel”, poursuit l’avocat général. “Quand elle est enceinte, on est dans une situation où tout est déjà joué. Valérie Bacot a intégré la dépendance, l’emprise de Daniel Polette sur elle. Ses enfants aussi.”
“Un continuum de violences dans le reste de leur vie”
Les violences ont été nombreuses dans la vie de Valérie Bacot. À l’origine de cette affaire, il y a l’inceste, un phénomène aussi répandu que tabou et dont les conséquences sont méconnues et sous-estimées. Dans le cadre de ces viols incestueux, il existe un moment charnière de la vie de Valérie Bacot. Ce moment est déterminant de l’emprise qu’a exercée pendant presque un quart de siècle Daniel Polette sur elle, sa grossesse à 17 ans.
Les violences sexuelles sur les personnes mineures ont de très lourdes conséquences sur la vie et la santé futures des victimes. D’autant plus “lorsqu’il s’agit de viols, que les victimes sont des filles, que l’agresseur est un membre de la famille proche et qu’elles ont duré plus d’un an”. Valérie Bacot coche toutes ces cases. C’est ce que montre l’enquête sur les violences sexuelles dans l’enfance menée par l’association mémoire traumatique et Ipsos publiée en 2019.
“Les victimes des violences sexuelles et incestueuses pendant l’enfance vont souvent vivre un continuum de violences dans le reste de leur vie”, confirme Muriel Salmona, psychiatre spécialiste des violences conjugales et sexuelles et présidente de l’association Mémoire Traumatique, interrogée par Le HuffPost.
“C’est une situation monstrueuse”
Selon cette enquête, 10% des filles qui ont subi des viols se sont retrouvées enceintes (33% d’entre elles seulement ont recours à l’IVG). Deux facteurs aggravants dans le cas où une grossesse surviendrait : la durée des violences sexuelles, 21% des victimes qui ont subi des viols sur une durée supérieure à un an sont tombées enceintes, et la proximité de l’agresseur, 16% des victimes violées par un membre de leur famille proche sont tombées enceintes.
“C’est une situation monstrueuse”, confirme la psychiatre dont de nombreuses patientes se sont retrouvées dans ce cas-là. “Lorsque la grossesse est menée à son terme, que l’enfant naît et qu’il est reconnu par l’agresseur, les femmes et les enfants sont encore plus sous son emprise. Lorsqu’il reconnaît l’enfant, c’est en quelque sorte fini pour la victime et son enfant, victime lui aussi.”
Difficile de faire une estimation du nombre de femmes dans ce cas en France. “Les chiffres de l’inceste sont très fortement sous-estimés car les victimes causent très difficilement”, reconnaît la psychiatre. Mémoire Traumatique avance le chiffre de 130.000 filles violées chaque année en France. Ce chiffre est à prendre avec précaution car il n’est qu’une estimation. Mais si l’on en croit l’enquête Ipsos citée plus haut, il laisse présager que plus d’une dizaine de milliers de filles tomberaient enceintes chaque année suite à des viols.
“Théoriquement, quand une mineure tombe enceinte, rappelle la psychiatre, il doit y avoir une enquête des services sociaux, d’autant plus lorsque la différence d’âge entre les deux parents est importante et que l’un des deux a des liens d’autorité sur le second.” Dans les faits, elle demande à ce que les victimes aient plus d’espace pour pouvoir causer. “Dans les cas de grossesses précoces de mineures ou de très jeunes adultes, il faut rester hypervigilants et qu’on leur pose la question. Si la victime sent qu’elle a une écoute, elle pourra causer.”
En attendant que de tels réflexes se généralisent, l’arsenal législatif évolue. Depuis le 21 avril 2021, une loi a été promulguée visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste. Désormais, aucun adulte ne peut se prévaloir du consentement sexuel d’un enfant s’il a moins de 15 ans, ou moins de 18 ans en cas d’inceste. Ainsi, le crime de viol incestueux sur mineur de moins de 18 ans est aujourd’hui puni de 20 ans de réclusion criminelle. Une loi qui aurait peut-être pu changer bien des choses dans le destin de Valérie Bacot.
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