Variant indien: la France est-elle capable de voir venir une vague ?
SCIENCE - La troisième vague est derrière nous, mais n’enterrons pas trop vite le coronavirus. “Si le variant indien a bien une transmissibilité accrue et diffuse largement en France, cela pourrait conduire à revoir les scénarios relativement...
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SCIENCE - La troisième vague est derrière nous, mais n’enterrons pas trop vite le coronavirus. “Si le variant indien a bien une transmissibilité accrue et diffuse largement en France, cela pourrait conduire à revoir les scénarios relativement optimistes des modèles pour cet été”, a estimé Daniel Lévy-Bruhl, épidémiologiste à Santé Publique France (SPF), lors d’une conférence de presse ce vendredi 28 mai.
Nous n’en sommes, heureusement, pas encore là. Le variant indien, B.1.617, explose au Royaume-Uni, où il représente maintenant plus de 50% des cas positifs de Covid-19, selon les dernières données du PHE, l’équivalent britannique de SPF, mais le nombre de cas global continue de baisser (entre 2000 et 3000 par jour), dans ce pays fortement vacciné. Le fait que le variant indien soit plus contagieux est aujourd’hui assez clair, reste à voir à quel point et quel est son impact sur les vaccins (pour l’instant, ceux-ci semblent toujours efficaces, en tout cas après deux doses).
Dans une note publiée ce vendredi 28 mai, le Conseil scientifique propose d’améliorer le suivi des personnes venant du Royaume-Uni, car au regard des flux de voyageurs, il y a “un risque d’environ 1 personne infectée par le variant B.1.617.2 arrivant sur le territoire français chaque jour”. De quoi expliquer les annonces récentes sur l’isolement des voyageurs britanniques.
Mais cela risque de ne pas être suffisant, et les chercheurs rappellent que “l’élément stratégique essentiel est d’avoir une stratégie de dépistage très active via le criblage et le séquençage”. Pour l’instant, le variant B.1.617 est très peu détecté en France et ne semble pas avoir réussi à s’imposer. Mais arrivera-t-on vraiment à le voir venir avant qu’il ne soit trop tard?
Le variant indien présent dans 10 régions
Les derniers chiffres de Santé publique France indiquent que 46 ”épisodes” de variant B.1.617 ont été détectés. La majorité concerne B.1.617.2, la sous-souche la plus présente dans les autres pays et celle qui dispose, semble-t-il, du plus fort avantage en termes de transmissibilité.
Ces 46 épisodes ne veulent pas dire 46 cas, mais 46 foyers d’infection. “On a au total isolé une centaine de cas, mais ce chiffre est très sous-estimé, car tous les cas ne sont pas séquencés”, explique Sibylle Bernard Stoecklin, de la direction des maladies infectieuses de SPF. “On retrouve le variant indien dans 12 régions françaises, dont 10 métropolitaines, notamment en Île-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes”. 6 clusters n’ont aucun lien avec l’Inde.
Pour l’instant, ces foyers n’ont pas diffusé et ont été endigués, estime SPF. Mais l’augmentation constante de ces épisodes fait craindre qu’à un moment ou un autre, B.1.617 réussisse à s’implanter durablement en France. Or, avant que cela arrive, il sera difficile de le déceler au vu de nos moyens de séquençage limités (plus de détails dans notre article dédié).
Moins de 5% des cas sont analysés
Sur la semaine du 17 au 23 mai, 3918 coronavirus récupérés sur des tests positifs ont été séquencés. C’est bien, mais pas suffisant. Face aux 83.000 cas officiellement détectés sur cette période, cela représente un peu moins de 5%.
Or, cette jauge est considérée par SPF comme l’objectif minimal pour espérer avoir une vision représentative de la circulation de variant en France. C’est à partir de cette jauge que l’on devrait pouvoir repérer un variant très tôt, quand il ne représente que 1% des coronavirus. À titre de comparaison, le Royaume-Uni, parmi les meilleurs élèves en la matière, séquence 60% des cas répertoriés.
De plus, une bonne partie de ces séquençages peuvent apporter une vision biaisée de ce tableau. Ils sont en effet réalisés de manière bien spécifique, quand il y a un risque plus important: un cluster très rapide, un voyageur rentrant d’Inde ou d’un pays limitrophe avec un test positif, etc. Une bonne chose, mais pas suffisante: le passé nous a prouvé à plusieurs reprises que le coronavirus finit toujours par s’introduire par une porte dérobée.
Il existe des “enquêtes flash”, qui sont censées être représentatives de la population française en analysant des séquences de génomes récupérées dans toute la France. Mais le protocole n’est pas très transparent, ce qui fait tiquer de nombreux chercheurs. Surtout, elles ne sont réalisées que toutes les deux semaines. Les dernières ont en tout cas permis d’identifier quelques cas du variant B.1.617, rappelle SPF.
Le criblage, dépassé par le variant indien, va changer
Si le séquençage est le meilleur moyen de cerner en détail l’évolution des variants et leur apparition, la France se reposait jusqu’alors sur une autre technique pour analyser un plus grand nombre de cas de Covid-19: le criblage. Pour faire simple, les tests PCR peuvent réagir différemment en fonction de certaines mutations du coronavirus bien particulières.
Début 2021, face à l’émergence des variants V1, V2 et V3 (anglais, sud-africain et brésilien), la France avait mis au point une politique de criblage visant à identifier les mutations de ces trois souches. Malheureusement, le variant indien B.1.617.2 n’en possède aucune. Ce sont des mutations différentes qui, ensemble, lui confèrent un avantage évolutif.
“Les kits utilisés en France actuellement pour le criblage ne permettent pas d’identifier le lignage B.1.617, ils sont donc généralement classés ‘absence de variant’”, confirme Sibylle Bernard Stoecklin. Ces souches d’origines ont quasiment disparu en France et représentent aujourd’hui environ 4% des résultats des tests de criblage (le variant anglais V1 est extrêmement majoritaire: 77%).
Si l’évolution de ces souches d’origines est évidemment suivie de près, SPF rappelle que cette dénomination est trop large pour être vraiment efficace dans la surveillance des variants. En conséquence, les kits de criblage vont changer “dans les prochaines semaines”. “Les mutations ciblées seront E484K, E484Q et L425R, celle spécifique au lignage B1.617″, détaille Sibylle Bernard Stoecklin.
De quoi nous assurer une meilleure vision de ce variant indien qui inquiète tant au Royaume-Uni. Espérons simplement que le nouveau criblage soit disponible avant que B.1.617.2 prenne définitivement pied en France.
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