“Variety” : plongée dans le New York underground des années 1980
New York, 1983, Christine (Sandy McLeod) est au chômage et cherche désespérément du boulot – n’importe quoi. Dans les vestiaires de la piscine municipale, son amie Nan (Goldin herself, ange gardien du film) lui propose un job de caissière dans...
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New York, 1983, Christine (Sandy McLeod) est au chômage et cherche désespérément du boulot – n’importe quoi. Dans les vestiaires de la piscine municipale, son amie Nan (Goldin herself, ange gardien du film) lui propose un job de caissière dans un cinéma porno, le Variety, qu’elle accepte. Réalisée par la cinéaste américaine indépendante Bette Gordon qui adapte un scénario de l’écrivain, performeuse et militante féministe Kathy Acker, Variety ressort en France, à l’heure où le concept de male gaze, théorisé par l’universitaire Laura Mulvey dans les années 1970, connaît une nouvelle postérité.
Tandis que Christine voit défiler les client·es à sa caisse et se montre indifférente aux films pornos diffusés en boucle, elle est abordée par un mystérieux client, Louie, qui l’invite à un match de baseball : elle accepte l’invitation, par une sorte de passivité mâtinée de curiosité. Puis, dans le stade, Louie est appelé en urgence et disparaît. Alors, c’est comme si la fiction se reprogrammait brutalement : Christine décide de suivre l’étrange inconnu et commence à nourrir une obsession pour lui qui la mènera sur la piste d’un film noir incertain et inachevé.
Variety est moins une fiction conventionnelle qu’un objet théorique et militant qui procède par inversion : d’objet épié, dragué, parfois harcelé, Christine devient un regard voyeuriste, obsédé par un homme – Gordon cite explicitement Hitchcock, mais on peut aussi penser au Voyeur de Michael Powell et à Blow Up d’Antonioni. Autant de fictions où la pulsion scopique et les filatures malades sont des thèmes réservés à des héros masculins. Mais ce qui est intéressant dans Variety, et moins ce renversement un peu mécanique, que la manière dont le récit donne l’impression de se jeter dans le vide, de tout reprendre à zéro parce que tout reste à faire du côté d’une pulsion scopique féminine – Gordon plaide pour une différenciation des regards et des fantasmes.
Christine devient alors un corps expérimentateur qui cherche à savoir ce qu’il pense, ce qui l’excite et le fait jouir (être passive, active, objet ou sujet du regard ?) – avec plus de fébrilité que d’assurance – et le récit donne l’impression d’avancer à tâtons, de tester ses scènes comme on tenterait d’apprendre une nouvelle langue. Qu’est-ce qui fait jouir Christine ? Sans doute, plus l’image que la parole, lors de ses longues scènes où, devant des hommes, elle se met à décrire en détail des rapports sexuels où des corps d’humains et de fauves s’entremêlent – à chaque spectateur·trice de se faire son propre film. Ici et là, ce sont des femmes qui expliquent leur rapport aux hommes, à l’argent, comme si le plan était un refuge dans lequel on pouvait se dévoiler, et Variety, l’écrin d’une féminité déçue par les hommes, paumée et fauchée.
Cette longue réflexion expérimentale sur le regard féminin ne pouvait alors ressembler qu’à une longue errance et Christine, une héroïne infiniment seule : c’est sans doute là la plus grande justesse de Variety, qui aurait pu s’autoriser à être un peu plus fou et délirant, que de filmer la sexualité féminine comme un désert à traverser toute seule.
Variety de Bette Gordon en salle le 12 janvier