Vous devriez (vraiment) passer moins de temps assis, voici pourquoi

SANTÉ - On doit la découverte à un épidémiologiste inspiré, le Britannique Jeremy Morris. En 1949, il s’interroge: d’où vient le contraste frappant entre la santé des conducteurs et celle des contrôleurs des bus à deux étages londoniens, ces...

Vous devriez (vraiment) passer moins de temps assis, voici pourquoi

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SANTÉ - On doit la découverte à un épidémiologiste inspiré, le Britannique Jeremy Morris. En 1949, il s’interroge: d’où vient le contraste frappant entre la santé des conducteurs et celle des contrôleurs des bus à deux étages londoniens, ces fameux double-deckers rouges? Il épluche les dossiers médicaux de 31.000 hommes, âgés de 35 à 64 ans, de la société des transports londoniens.

Verdict: les infarctus sont deux fois moins fréquents chez les contrôleurs que chez les conducteurs. Et ils sont aussi deux fois moins sévères! Il postule que c’est un effet du niveau d’activité physique des contrôleurs: ils montent et descendent 500 à 750 marches par jour, quand les chauffeurs travaillent assis 90% de leur temps!

Morris confirmera cette intuition dans une autre branche professionnelle: la poste. Il montre que le risque d’accidents cardiaques est moindre chez les facteurs, qui circulent à vélo, que chez leurs collègues sédentaires, réceptionnistes ou téléphonistes. Ce résultat sera publié en 1953 dans la prestigieuse revue The Lancet. Ce sera l’amorce d’une vague de fond, permettant de chiffrer les bienfaits de l’activité physique sur la santé.

a été publié dans l’hebdomadaire “La Vie”, retrouvez d’autres contenus connexes

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Les méfaits de la sédentarité

Depuis des centaines de milliers d’années, nos gènes ont été programmés pour permettre notre adaptation aux mouvements. Mais la sédentarité endémique, depuis quelques décennies, bloque ces systèmes d’adaptation: d’où une épidémie de maladies chroniques. “En 40 ans, nos enfants ont perdu 25% de leurs capacités cardio-vasculaires”, alerte la Fédération française de cardiologie (FFC). Cette “capacité cardio-vasculaire”, c’est notre endurance à l’effort physique. 

Or, “le meilleur marqueur d’espérance de vie en bonne santé, c’est notre capacité physique”, relève le professeur François Carré, cardiologue et médecin du sport au CHU de Rennes. C’est pourquoi nous devons l’entraîner, l’entretenir, la choyer. Une impressionnante moisson de données le prouve: la pratique régulière d’une activité physique nous fait vivre plus longtemps et en meilleure santé. Un fait “irréfutable”, selon François Carré. “En 2008, une expertise collective de l’Inserm recensait plus de 2000 études sur le sujet. Aujourd’hui, on en compte plus de 5000” , ajoute le professeur Jean-François Toussaint, directeur de l’Irmes (Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport).

“Toutes ces études vont dans le même sens. Moins je fais d’activité par jour, plus je reste assis, moins mon espérance de vie est élevée”, résume François Carré. Longtemps, on a confondu sédentarité et manque d’activité physique. Il est vrai que ceux qui bougent plus restent moins assis. Mais prenons les personnes qui font cinq heures de sport par semaine, par exemple. “Parmi elles, certaines restent plus longtemps assises que d’autres. Eh bien, ce sont elles qui sont en moins bonne santé”, précise François Carré. C’est un effet propre de la sédentarité, récemment découvert.

Manger peu et marcher

Quant aux bienfaits de l’activité physique, on les subodore depuis l’Antiquité. Hippocrate les avait pressentis dès le Ve siècle avant notre ère: pour vivre longtemps en bonne santé, il recommandait de manger peu et de marcher. Mais la 1ère étude à avoir formellement montré les méfaits de l’inactivité date de 1953. Depuis lors, on l’a confirmé sur un total de plusieurs centaines de milliers de personnes: “Le manque d’activité physique est associé à une augmentation de 30% de la mortalité prématurée, c’est-à-dire avant l’âge de 65 ans. Et ce, quelle qu’en soit la cause: accident cardio-vasculaire, cancers du sein, du côlon, maladies respiratoires…”, résume Jean-François Toussaint. 

À l’inverse, la pratique d’une activité physique modérée et régulière, en limitant le temps assis, augmente l’espérance de vie de trois à six ans. Et ce gain se maintient aux âges avancés: “L’espérance de vie d’un septuagénaire actif reste supérieure de deux ans à celle d’un septuagénaire sédentaire”, précise Jean-François Toussaint. “La pratique régulière d’un sport améliore le bien-être émotionnel, le bien-être physique, la qualité de vie et la perception de soi. Ce rôle bénéfique se retrouve aussi bien chez les adolescents que les personnes âgées. Il est également montré que la qualité de vie des malades chroniques se trouve améliorée”, constate l’Inserm. 

Après un infarctus, l’exercice réduit de 25% le risque de récidive et la mortalité : un bénéfice comparable à celui des statines, médicaments anticholestérol. Chez les personnes obèses, l’activité physique, couplée à un contrôle alimentaire, améliore l’estime de soi et les facteurs de risque cardio-vasculaire. Une personne prédiabétique qui fait du sport diminue de moitié son risque de devenir diabétique.

Quid des vertus anticancéreuses de l’exercice? Il réduit de 25% à 30% le risque de survenue des tumeurs du sein, du côlon et de l’endomètre. Et, dans une proportion moindre, celui des cancers du poumon et de la prostate. Une fois un cancer diagnostiqué, l’activité physique diminue les rechutes et accroît la survie. Elle réduit la fatigue et les épisodes dépressifs, améliore le sommeil et l’image de soi. Encore faut-il, bien sûr, surmonter le choc et les effets indésirables des traitements. Mais de plus en plus, des programmes d’exercice adaptés, encadrés, sont proposés aux patients. 

Sur la santé mentale aussi, l’activité physique exerce ses bienfaits. “L’activité physique serait le traitement le plus efficace et sain de la dépression”, renchérit François Carré. En 2016, une synthèse internationale a passé au crible 25 études sérieuses sur ce sujet. Verdict: le sport, sous contrôle d’un professionnel, est efficace contre la dépression. Selon une autre étude, les taux de guérison des patients dépressifs seraient accrus de 67% à 74% chez ceux qui font de l’exercice physique. Pour autant, les médicaments restent indispensables contre les dépressions sévères.

Une meilleure santé mentale

L’effet est aussi préventif. En moyenne, les personnes physiquement actives voient leur risque de dépression diminué de 45%, comparées aux personnes inactives. Une étude menée en 2014 chez plus de 6000 Britanniques âgés a montré que plus les participants regardaient la télévision, plus ils ont de symptômes dépressifs. A contrario, ceux qui pratiquaient des exercices physiques intenses au moins une fois par semaine étaient moins déprimés.

Pratiquée de façon modérée, l’activité physique renforce la solidité des os et des articulations. “Vous souffrez d’arthrose? Marchez. Vous aurez mal au début, moins après”, conseille François Carré. Autre bénéfice: la prévention des chutes chez les plus âgés. Selon une méta-analyse de l’Inserm, des  programmes d’exercices physiques bien conçus réduisent le nombre et la gravité des chutes. Cette étude a inclus 17 essais sur 4305 personnes âgées de 76 ans en moyenne. Parmi les programmes recensés, “deux d’entre eux consistaient à faire du tai-chi; les autres consistaient à faire des exercices simples d’entraînement de l’équilibre, le plus souvent associés à des exercices de renforcement musculaire”, précise l’Inserm. 

Mais comment opère donc l’exercice physique pour favoriser notre bonne santé? “L’activité physique est un brûleur de calories. Le muscle qui se contracte consomme de l’énergie, c’est bien connu. Mais surtout, et c’est plus récent, on a découvert qu’il libère plus d’une centaine de molécules: les ‘myokines’. Les hormones circulent dans le corps: elles agissent, à distance, sur tous nos organes pour qu’ils s’adaptent aux perturbations liées à l’effort”,  explique François Carré. Certaines myokines améliorent la qualité du cartilage; d’autres favorisent l’ouverture des vaisseaux sanguins, ce qui limite le risque d’occlusion d’une artère par un caillot, donc le risque d’infarctus, d’AVC…

D’autres myokines agissent sur les neurones. “Les enfants qui font trois ou  quatre heures de sport par semaine ont de meilleurs résultats scolaires que ceux qui n’en font pas”, souligne François Carré. Pour autant, l’activité physique ne semble pas prévenir la survenue d’une démence de type Alzheimer, suggère une étude de l’Inserm, publiée en juin 2017. 

D’autres myokines, encore, contrecarrent les effets nocifs des adipokines. Ces substances sont sécrétées par les cellules du tissu adipeux (la graisse) accumulées notamment dans l’abdomen. Or, ces adipokines favorisent l’inflammation et le stress oxydatif, deux processus délétères qui favorisent l’apparition et le développement des maladies chroniques.

Par ailleurs, l’activité physique agit directement sur le cœur”: elle ralentit sa fréquence, réduit sa consommation d’oxygène à l’effort. De plus, elle abaisse la pression artérielle, favorise une perte de poids (limitée) et son maintien, améliore le profil glycémique, augmente le “bon” cholestérol… Autre bénéfice: elle diminue la “résistance à l’insuline”, processus à l’œuvre dans la progression du diabète, ce qui abaisse les taux de sucre et d’insuline dans le sang. Or, l’insuline stimule la multiplication des cellules cancéreuses…

Passons aux choses sérieuses

Vous voici convaincus que vous devez bouger. Mais à quel niveau d’activité?  Pour les adultes entre 18 et 65 ans, il est recommandé de pratiquer au moins 30 minutes par jour d’activité “modérée”, c’est-à-dire en étant modérément essoufflé (marche, jardinage, mais aussi ménage…). Ou bien au moins 20 minutes d’activité soutenue (course à pied, aérobic, squash…) trois fois par semaine. “Pour les moins de 18 ans comme pour les plus de 65 ans, cette durée passe à une heure par jour. Chez les seniors, il s’agit de compenser la perte musculaire liée à l’âge”, ajoute François Carré. Et le sport proprement dit? “Il vient en plus. Tant mieux s’il s’ajoute à ces 30 minutes de base.” “La marche reste le meilleur moyen pour atteindre cet objectif”, souligne la FFC. Mais “restez connecté à votre corps et à vos sensations. Et videz votre esprit des pensées négatives, au risque sinon de les renforcer”, conseille Philippe Leclair, préparateur mental de sportifs de haut niveau et fondateur du cabinet de formation Stratégie de la réussite.

Longtemps, les activités d’endurance ont été les seules préconisées: marche, course à pied, cyclisme, natation, ski de fond, gymnastique… Plus que jamais, cette recommandation reste d’actualité. Mais en plus de l’endurance, “nous recommandons désormais de pratiquer des exercices de renforcement musculaire”, indique François Carré. Travaillez vos abdominaux, faites des pompes… Ou bien montez et descendez les escaliers, sautez à la corde 10 minutes par jour: cela fera à la fois travailler votre cœur et les muscles de vos jambes. “Pour les plus âgés, les danses de salon sont excellentes: elles sollicitent l’équilibre, le cœur, les muscles, tout en entretenant le lien social.”

Quid de la souplesse? “Les exercices d’assouplissement, les ‘gyms douces’ ont un impact très net sur la qualité de vie. Les étirements entretiennent ou restaurent la mobilité. L’intérêt est évident, notamment si l’on est arthrosique”, explique Jean-François Toussaint. Pour autant, “ces gyms douces n’ont pas à ce jour montré de bénéfice sur l’augmentation de l’espérance de vie”.
“L’activité physique agit comme un médicament, il faut donc en faire tous les jours. Notre corps est génétiquement programmé pour bouger”, martèle François Carré. Mais quel médicament serait capable de telles performances? Lequel aurait des vertus préventives, parfois thérapeutiques, sur un aussi large panel de maladies? Lequel pourrait améliorer nos performances cognitives? L’activité physique n’est pas un remède miracle. Mais ça y ressemble. 

Soignez votre capital santé

La marche est le meilleur moyen d’atteindre cet objectif, comme le recommande la Fédération française de cardiologie. Mais si vous préférez faire du vélo ou de la gymnastique, libre à vous ! 

  • Associez toujours activité physique et plaisir, pour ne jamais perdre votre motivation et être régulier dans votre pratique.
  • Décidez chaque midi ou chaque soir de marcher d’un bon pas, durant 10 à 20 minutes, et observez les bénéfices au bout de deux à quatre semaines, au quotidien. Vous prendrez alors conscience que votre corps se réadapte rapidement à faire ce  pour quoi il est programmé, à savoir bouger.
  • Saisissez toutes les occasions qui se présentent pour vous lever  et bouger : téléphonez debout, garez votre voiture à cinq minutes de chez vous, descendez une station de métro plus tôt… Évitez les mails quand vous le pouvez : causez directement à vos  collègues ! 
  • N’hésitez pas à vous fixer de petits challenges pour entretenir votre motivation : par exemple, chronométrez le temps que vous mettez pour parcourir la même distance chaque jour.

Ne pratiquez pas un sport intense en cas de pic de pollution ou de changement brutal de la température (chaud ou froid). La pratique d’une activité physique ne doit jamais induire de signes anormaux : douleurs thoraciques, essoufflement ou fatigue  inhabituels, palpitations, malaise, vertiges. L’apparition d’un de ces symptômes impose l’arrêt immédiat de l’effort et une consultation auprès de votre médecin traitant.

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