Wilco ou l’adieu au XXe siècle

C’est ce que l’on appellera ici le syndrome Harvest, du nom de l’album de Neil Young sorti en 1972 chez Reprise Records, que l’on retrouvera partout, tout le temps et depuis toujours, sans que certain·es aient la présence d’esprit de déballer...

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C’est ce que l’on appellera ici le syndrome Harvest, du nom de l’album de Neil Young sorti en 1972 chez Reprise Records, que l’on retrouvera partout, tout le temps et depuis toujours, sans que certain·es aient la présence d’esprit de déballer l’objet pour le poser sur une platine. La récurrence de cette apparition la rend si immédiatement familière, qu’on oublierait presque de la questionner. L’image est fixée et intégrée, culte. Notre inconscient est au diapason de l’inconscient collectif.

De la même manière, la pochette de Yankee Hotel Foxtrot, quatrième album de Wilco sorti le 18 septembre 2001, fait figure d’artefact. On peut ne pas savoir d’où vient l’image, quel est le groupe qui se cache derrière elle et même ne pas se douter qu’il s’agit d’une pochette de disque, l’apparition en contre-plongée des deux tours du Marina City, à Chicago, sur un fond de couleur sable façon paysage dubaïote, marque au fer rouge. Sans doute parce que cet album, pour beaucoup sommet de la discographie de la bande de Jeff Tweedy, devait à l’origine sortir une semaine plus tôt, le 11 septembre 2001. Soudainement, la verticalité de ces tours jumelles du Midwest, qui sembleraient presque vouloir échapper à l’objectif du photographe, est contrariée. Elles font figure de vestiges, comme un écho à l’écroulement d’un monde.

Réédition

Yankee Hotel Foxtrot, réédité en version deluxe et tout le tremblement ces jours-ci, est à l’image de sa pochette maudite : un album de rupture qui semble moins annoncer le monde de demain, que la fin d’un temps qui s’achève avec pertes et fracas. Après avoir essoré sur ses deux 1ers albums une formule country-rock alternative et mélodique à souhait, sous les influences conjuguées de Big Star et des Rolling Stones, Wilco entérine en 2001 le changement de direction entrepris avec l’album Summerteeth, deux ans plus tôt. Moins ancré dans la terre, moins racé, Wilco. Et bientôt plus expérimental. Sous la houlette de l’immense Jim O’Rourke, Tweedy et consorts court-circuitent leurs chansons à bout de souffle avec des sonorités ambient et détraquées, sur fond d’orages magnétiques dissonants, qui viennent renforcer l’amer constat d’un monde devenu si liquide qu’il s’engloutit lui-même.

Les larsens de Poor Places, les grondements électroniques d’Ashes of American Flags avec ses changements de rythme brusques et bruitistes, la longue nappe concluant à la fois le disque et le titre Reservations conspirent à instaurer ce sentiment d’inquiétude. Presque sans le vouloir, Wilco a dit adieu au XXe siècle.

Édito initialement paru dans la newsletter musique du 23 septembre