“Woman’s World”: pourquoi la vidéo “féministe” de Katy Perry fait un tollé
“On dirait une parodie de féminisme qui a mal tourné” / “Voilà à quoi ressemblerait une vidéo féministe si elle était réalisée par un homme” / “Je pensais que ça ne pouvait pas être aussi nul que ce que les gens disaient. Mais c’est encore...
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“On dirait une parodie de féminisme qui a mal tourné” / “Voilà à quoi ressemblerait une vidéo féministe si elle était réalisée par un homme” / “Je pensais que ça ne pouvait pas être aussi nul que ce que les gens disaient. Mais c’est encore pire. Wow.” Sous la vidéo du Woman’s World de Katy Perry, postée sur YouTube ce vendredi 12 juillet, les haters s’en donnent à cœur joie, tandis que le Guardian et le New York Magazine crient au fiasco. En cause, un clip et une chanson qui se revendiquent féministes mais qui se vautrent, mot après mot et plan après plan, dans tous les clichés sexistes, sans jamais réussir à convaincre totalement qu’il s’agit d’une parodie.
“It’s a woman’s world and your lucky to be living in it”, chante Katy Perry en introduction du morceau. Après un détournement de la célèbre photo Lunch atop a Skyscraper, qui met en scène des ouvriers perchés sur une poutre au-dessus de New York (ici remplacés par des femmes), Katy Perry et ses danseuses singent des comportements virils – boire du whisky au goulot, pisser sans les mains…. Pendant ces scènes, la chanteuse arbore dans les cheveux un foulard rouge à pois noué, façon Rosie La Riveteuse, ce symbole américain des luttes féministes qui représente les femmes mobilisées dans les usines d’armement pendant la Seconde Guerre mondiale.
Parodie
Si tout semble dire qu’il s’agit d’une parodie, de la grimace écœurée de Katy Perry quand elle ingurgite le whisky aux attitudes guignolesques de ses danseuses lors du plan “pissotière”, on se demande vite qui la chanteuse cherche réellement à parodier dans ce clip. La masculinité, 1ère cible de ces mises en scènes grotesques, ou bien les femmes hypersexualisées, qui en prennent aussi pour leur grade ? Bricol’girl sexy avec perceuse à strass, décolleté over the top avec seins compressés, sextoys, gélules (amincissantes ?), rouleau de jade pour massage facial, c’est à une grande braderie de la féminité exacerbée que nous invite à participer Katy Perry. Jusqu’à nous donner l’impression dérangeante de participer à une session de slutshaming groupée.
“Anticipant peut-être un backlash alors même qu’elle filmait cette vidéo”, comme l’a noté à juste titre le magazine Rolling Stone, Katy Perry a posté sur Instagram une vidéo d’elle sur le tournage de Womans’World, où elle explique sa démarche : “C’est sarcastique”, affirme-t-elle. C’est “on s’en fout du male gaze mais en même temps, on fait tout pour le male gaze“, dit-elle face caméra, sans jamais abandonner son personnage de gourde sexy.
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Essentialisme
L’enclume qui vient s’abattre sur la chanteuse quelques secondes plus tard confirme que, pour cette dernière, tous ces clichés revêtent un caractère avilissant et qu’il serait bon de les réduire en miettes, mais son retour en super-héroïne aux jambes de titane ne lui permet bizarrement pas de rompre avec ces derniers dans la seconde partie du clip – elle déambule en bikini sexy, se met une pompe à essence dans les fesses, se maquille maladroitement à bord d’un monster truck. Manière de dire que, finalement, ces attributs de la féminité font partie de sa “vraie nature” ?
Après le possible slut shaming, on frise l’essentialisme. L’épilogue ne vient malheureusement pas nous éclairer davantage sur le message profond de cette vidéo, puisque Katy Perry y dérobe le matériel d’un personnage qui s’apparente à une militante féministe (noire) des réseaux sociaux, avant de s’envoler en hélicoptère, très sûre de sa propre puissance. Ici, on assiste dans le même temps à une séquence d’autodérision et d’absurdité paroxystiques, et à une démonstration que la sororité s’apparente à une imposture – malaise encore, donc.
Ce single n’est, en tout cas, clairement pas né d’une démarche sororale puisqu’il a été produit, comme le pointent de nombreuses personnes sur les réseaux sociaux, par Dr Luke (Miley Cyrus, Doja cat…). Lequel, s’il collabore de longue date avec la chanteuse (il a notamment coécrit I Kissed A Girl avec elle en 2008), a été accusé entre autres de viol et d’agression sexuelle par Kesha en 2014, avant que ces derniers ne trouvent enfin un accord à l’été dernier, après une décennie de bataille judiciaire. Un indice supplémentaire que Katy Perry n’est pas si au clair avec le féminisme qu’elle prétend incarner ?