Yuksek: "Un festival assis, ça n’a aucun sens dans l'électro"
MUSIQUE - Chaque jeudi soir, sa musique berce les oreilles des millions de téléspectateurs qui suivent la série “En thérapie” sur Arte dont il a signé le générique. Mais Yuksek, Pierre-Alexandre Busson de son vrai nom, n’est pas que compositeur...
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MUSIQUE - Chaque jeudi soir, sa musique berce les oreilles des millions de téléspectateurs qui suivent la série “En thérapie” sur Arte dont il a signé le générique. Mais Yuksek, Pierre-Alexandre Busson de son vrai nom, n’est pas que compositeur pour le cinéma ou la télévision. Depuis 15 ans, l’artiste est l’un des musiciens et producteurs confirmés de la scène électro française.
Et comme ses pairs, Yuksek a été frappé de plein fouet par la crise du Covid-19. Le 28 février 2020, il y a un an, il sortait son album festif et ensoleillé “Nosso Ritmo”. Quelques jours plus tard, la France entrait en confinement, annulant près d’une quarantaine de dates de concerts et festivals prévus pour lui en 2020. Alors que les perspectives de réouverture des salles de concert comme des clubs sont pour l’heure proches du néant, Le HuffPost a échangé avec l’artiste installé à Reims.
La ministre de la Culture prévoit des festivals d’’été assis et avec une jauge de 5000 personnes. C’est mieux que rien?
Yuksek: Un festival assis, ça n’a aucun sens dans mon domaine de musique. Jouer devant des gens assis, je pense que je ne le ferai pas, ça ne m’intéresse pas. Mais j’ai quand même du mal à comprendre: le même jour on annonce qu’on va faire des concerts tests pour expérimenter la circulation potentielle du virus et la gestion des flux de personnes, et ensuite on nous dit que ce sera de toute façon assis et limité à 5000 personnes. En fait on nous donne les conclusions du test avant de le mener.
Je comprends la complexité de la situation et l’incertitude. Bien sûr que personne n’est devin. Mais si on fait des études, attendons les résultats pour dire ce qu’on fera cet été. Je vois surtout cette annonce comme une façon de dire tout de suite aux festivals plutôt classiques, de chanson française ou autre: “Ne vous inquiétez pas, vous pourrez avoir lieu.”
On revient à l’amalgame entre musique électro, drogue et illégalité"
Est-ce que vous avez l’impression que la musique électro, parce qu’elle se vit surtout dans les clubs et dans les festivals, est plus touchée que les autres par cette crise ?
C’est un fait, la musique électro vit dans les lieux où les gens sont les plus proches et ça, ce n’est évidemment pas une volonté politique. Mais ce que je trouve un peu vicieux, c’est cet état d’esprit qu’il y a eu en fin d’année au moment de la rave party à Lieuron, en Bretagne, et de la douce et gentille diabolisation de ces événements, qu’on lie à la drogue, à l’illégalité.
En 1998, aux Victoires de la musique, Laurent Garnier faisait le vœu de “permettre à la techno de s’exprimer plus librement sans subir l’incompréhension et la répression des dernières années”. Je trouve qu’on revient sur des amalgames entre les musiques électro, la fête et les drogues d’une manière insidieuse.
Dans une lettre ouverte à Roselyne Bachelot en octobre 2020, le même Laurent Garnier pointait du doigt “le manque flagrant de considération et l’ignorance émanant de votre ministère envers le secteur de la nuit et des clubs”. Vous vous sentez moins soutenus?
La plupart des artistes sont soutenus comme tout le monde d’un point de vue financier et on a évidemment une grande chance d’être en France pour cela. Mais c’est plus un problème de considération. Je ne pense pas que la ministre de la Culture soit très sensible aux musiques actuelles, dès lors qu’on sort de Vianney et Julien Doré. J’ai l’impression qu’elle n’a pas une grande considération pour la culture club et électronique au sens large.
Pourtant les musiques électroniques françaises étaient, en 2019, le genre musical le plus populaire sur la scène internationale. Et ce devant le rap et la chanson...
Clairement! Les quatre artistes français qui ont vraiment marqué à l’étranger depuis 15 ans sont, je pense, les Daft Punk, Phoenix, Christine and the queens et sans doute David Guetta. Donc ce ne sont que des artistes électro ou pops-électro en fait. Et on le voit encore ces jours-ci avec les Daft Punk qui annoncent leur séparation: la couverture médiatique en France comme à l’étranger est dingue et illustre bien ce rayonnement de la musique électro française.
Puisqu’on en parle, pour vous les Daft Punk, ils représentaient quoi?
C’est une référence et une vraie influence. Le premier album a été une claque pour moi, il chamboulait tout et mettait d’accord plusieurs chapelles qui ne se rencontraient pas vraiment à l’époque. Ils mélangeaient la house, la techno, la disco et de la pop par-dessus. Et surtout ils arrivaient à faire une musique qui soit populaire, mais intransigeante, ce que très peu de groupes font. Il y avait toujours quelque chose de pointu, d’intéressant, d’étonnant. La recherche et la plus-value technique étaient constitutives de leur son et ça m’a beaucoup influencé. Je ne sais pas combien de fois en studio j’ai écouté et disséqué un morceau des Daft Punk.
Ça, c’est pour leur musique, mais il faut aussi parler de leur parcours irréprochable : durer aussi longtemps, incarner la désincarnation, être aussi présent en se cachant autant, en ne jouant aucun jeu médiatique… Ils ont été incroyables. Aujourd’hui comme tout le monde je crois que ma plus grosse question, c’est: “Pourquoi?”.
Faute de salles, de clubs et de festivals, on a vu fleurir des concerts en livestream en 2020. Un livre blanc publié par le Midem indique que les artistes électro Jean-Michel Jarre et David Guetta ont respectivement attiré 75 millions et 10 millions de personnes virtuellement pour leur concert du Nouvel An. C’est une solution durable ces concerts en livestream?
J’essaie de le faire le moins possible. J’en ai fait deux ou trois en 2020, où je m’étais enregistré sur fond vert et on avait fait une création d’images pour que ce soit agréable à regarder. Mais clairement, regarder un DJ dans son salon, je pense que ce n’est pas extrêmement réjouissant. À moins qu’on soit dans des événements participatifs où les gens peuvent réagir sur Zoom, Fortnite ou ailleurs, je ne vois pas vraiment la plus-value. Je trouve ça surtout anecdotique, car la musique électro se vit en vrai.
Même si je suis très content d’offrir ces moments aux gens qui aiment mon travail et que cela me permet de garder un lien avec le public, il y a quand même un souci de rémunération avec ces lives. Quand on fournit de la matière à des réseaux sociaux, eux gagnent de l’argent. Donc on travaille gracieusement pour Facebook, Instagram et YouTube. Et ça me pose un vrai problème : je ne suis pas un créateur de contenu bénévole pour les GAFA! Je n’ai pas du tout envie d’entrer dans un combat contre cela, mais à titre personnel je décide de ne pas travailler gratuitement pour eux.
Avec le confinement, j’ai découvert la radio et j’ai une émission sur Nova depuis bientôt un an. Tous les samedis soirs de 19h à 21h, je joue, j’invite des gens, ça crée des émulations. C’est peut-être plus rétrograde, mais finalement je trouve ça plus adapté à la musique que je fais qui est avant tout une musique qui s’écoute plus qu’elle ne se regarde.
Malgré cette ambiance morose et sans perspective, vous arrivez quand même à créer, à composer?
En 2020, j’ai eu la chance d’avoir des commandes pour le cinéma et les séries. J’ai composé le générique de “En thérapie” d’Éric Toledano et Olivier Nakache et les bandes originales de deux longs-métrages [dont l’adaptation attendue de la BD de FabCaro, “Zaï Zaï Zaï” par François Desagnat]. Ça, j’y arrivais bien parce que c’est du travail dirigé, mais la pure création pas du tout.
Entre mars et début décembre, je n’ai absolument rien fait, ou en tout cas rien d’intéressant. Depuis la fin d’année, ça va un peu mieux. C’est hyper fluctuant suivant mes humeurs et il m’arrive d’être complètement bloqué. Et cela ne concerne pas que les artistes. En temps qu’être humain, on n’est pas prêt pour vivre cette situation d’angoisse qu’on est en train de vivre.
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